L’histoire – tirée de faits réels – se déroule au lycée Léon Blum de Créteil, dans une classe de seconde défavorisée. Jeunes issus de toutes nationalités (et de toutes confessions) et de familles parfois en grandes difficultés. Le niveau est faible, la majorité des élèves ne se fait aucune illusion sur leur avenir : l’école, ils n’y croient pas, la réussite pas davantage. Tout au plus, un vieux rêve de cinéma, ou encore une ou deux exceptions au premier rang qui s’accrochent dans un climat de foire généralisé. « Je vous fais davantage confiance que vous ne vous faites confiance vous-mêmes » leur dit leur professeur principal en début d’année.
Tout part de là, c’est-à-dire d’elle, Anne Angles. Prof d’histoire-géographie et d’histoire de l’art, interprétée par Ariane Ascaride avec une flamme extraordinaire, ce petit bout de femme de vingt ans d’expérience, bonne et autoritaire à la fois, va décider que tout n’est pas perdu pour ces jeunes livrés à l’abandon que leur origine sociale leur réserve.
Un projet ambitieux et difficile – participer au concours national de la Résistance et de la Déportation sur le thème « Les enfants et les adolescents dans le système concentrationnaire nazi » – voilà ce que Mme Angles met devant leurs yeux. Ici et maintenant : s’informer, réfléchir, construire. Ils ont tout à apprendre. Le fond (« Vous avez bien survolé la Seconde Guerre mondiale au collège », leur rappelle-t-elle, et cette phrase en dit beaucoup), car ils ignorent pratiquement tout de la Shoah. La méthode : lire et non pas simplement imprimer des pages Internet, penser, s’exprimer, travailler ensemble. Tout cela, ils vont le découvrir, aidés par leur professeur (et la discrète documentaliste du CDI), qui les amène au musée, leur apprend la discipline du travail, les encourage à créer et à construire par eux-mêmes, quitte à leur forcer la main quand il s’agit d’acquérir la notion de collectif.
Ce n’est facile pour personne. Les jeunes sont plutôt habitués à se disputer, les voix montent vite, les poings prompts à se dresser. L’institution est, elle, découragée depuis longtemps. Les professeurs n’en peuvent mais face à ces « sauvageons », le directeur ne veut surtout pas de vagues. On est toujours sur la corde raide.
Et puis à un moment du film, il se passe quelque chose de plus fort que tout le reste : un ancien détenu des camps, qui y a perdu sa famille vient témoigner devant la classe. Et la violence qu’il raconte, de sa voix douce et calme, une horreur vieille de soixante-dix ans que sa présence et sa parole rendent si vibrante, concrète, vient balayer la violence d’aujourd’hui. Les armes tombent, les larmes roulent (dans la salle de cinéma aussi, en abondance). Les jeunes ont compris, ils ont entendu et à leur tour ils vont pouvoir transmettre grâce à ce projet pédagogique, faire quelque chose de ce ce qu’ils ont reçu.
C’est magnifique. Il n’y a pas d’angélisme, ni de démonstration. Tant de choses sont montrées, pourtant, en finesse. Une courte scène dans laquelle on voit la violence subie par les filles de la part de leurs congénères masculins quand elles portent un petit décolleté. Une autre et l’on comprend en deux secondes pourquoi une jeune fille la ramène autant au lycée, alors qu’elle doit jouer à la maman de sa propre mère alcoolique le soir à la maison.
Le film délivre un formidable espoir – la classe a finalement remporté le concours et la majorité des élèves ont obtenu le baccalauréat avec mention – dans un tableau terriblement angoissant. C’est beau et triste à la fois. A voir absolument, pour aujourd’hui, et pour hier.
Les héritiers
Un film de Marie-Castille Mention-Schaar
avec Ariane Ascaride, Ahmed Dramé, Stéphane Bak…
Durée 1 h 45
Sorti en salles le 3 décembre 2014