La Valise mexicaine. Capa, Taro, Chim

La valise mexicaine, Gerda TaroAprès avoir été présentée en 2010 à New-York et en 2011 en Arles, La Valise mexicaine est enfin dévoilée à Paris, au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, dans une scénographie sensiblement différente des précédentes compte tenu des spécificités du lieu très éclaté.

Le résultat, fort convaincant, est, dans l’intimité des petites salles propice au recueillement qu’appelle cette rencontre particulière avec l’Histoire.

Emouvante, historique, l’exposition l’est à double titre : non seulement par l’aventure dramatique qu’elle raconte – celle de la guerre civile espagnole au dénouement et aux conséquences que l’on sait – mais également par celle de la fameuse "valise". Près de 70 ans se sont en effet écoulés entre le moment où, en 1939, face à la menace nazie, Robert Capa fuit la France pour rejoindre New-York via un visa Chilien, laissant dans son studio parisien 4.500 négatifs pris pendant la guerre d’Espagne par lui-même, sa compagne Gerda Taro et David Seymour dit Chim, et leur redécouverte en 2007.
Entre ces deux dates, si les longues recherches menées notamment par Cornell Capa, le frère de Robert et fondateur de l’International Center of Photography à New-York ont permis de retrouver la valise, elles n’ont pas pour autant élucidé tous les mystères de son cheminement. En 1975, Csiki Weisz, photographe d’origine hongroise tout comme Capa écrivait : "En 1939, alors que les Allemands s’approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer pour le Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de les déposer à son consulat pour qu’ils restent en sûreté. Il a accepté". Le contenu, retrouvé chez l’héritière du général Aguilar Conzalez, ambassadeur mexicain à Vichy sous l’Occupation sera restitué à Cornell Capa en 2007.

La valise mexicaine, Robert CapaL’exposition matérialise et incarne cette Histoire à double fond. L’on découvre d’emblée qu’au lieu d’une "valise", les négatifs étaient en réalité rangés dans trois boîtes, l’une verte, l’autre rouge – soigneusement compartimentées et succinctement annotées – tandis que la dernière contenait des bandes de pellicules coupées sous enveloppe kraft.
Il a fallu classer, reconstituer l’ordre des prises de vue, les attribuer. Les photos publiées à l’époque ont constitué une aide dans cette colossale entreprise.

Présentées chronologiquement, les planches contacts sont accompagnées de 70 tirages et de nombreux extraits de presse, le tout éclairé d’explications contextuelles et de cartes permettant de suivre pas à pas le déplacement du front. Les moments d’espoir, de rage comme de découragement s’étalent sous nos yeux, de l’enthousiasme des Républicains en 1936 auprès desquels les photographes se sont engagés, jusqu’à la défaite finale de début 1939 et l’exode de près de 500 000 réfugiés dans le sud de la France. Certains moments sont particulièrement forts, comme celui de la bataille de Brunette en juillet 37, l’une des plus sanglantes, au cours de laquelle Gerda Taro elle-même a trouvé la mort, ou encore celle du Sègre en 38, dont Capa, rejoint par d’autres journalistes, notamment Hemingway, a livré son récit le plus approfondi de la guerre d’Espagne.

A travers les extraits de presse de l’époque, c’est aussi l’évolution de la place de la guerre civile espagnole dans les médias, tout autant que celle du photo-journalisme que l’on suit : la couverture devient de plus en plus large, internationale. Les reportages sont de plus en plus longs et les photographies de plus en plus abondantes.
Après la disparition tragique de Taro, ce sera au tour de Capa de trouver la mort, en Indochine en 54, puis de Chim, à Suez en 56. Tous trois ont non seulement laissé un travail documentaire exceptionnel, mais encore imprimé au photo-reportage de guerre une empreinte profonde et durable, dont cette exposition témoigne admirablement dans un juste dosage de pédagogie, d’hommage et d’émotion.

La Valise mexicaine – Capa, Taro, Chim
Les négatifs retrouvés de la guerre civile espagnole
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme
Hôtel de Saint-Aignan – 71, rue du Temple – 75003 Paris
Lun., mar., jeu., ven. de 11 h à 18 h, mer. jsq 21 h et dim. de 10 h à 18 h
Fermé les samedis et le mercredi 1er mai 2013
Plein tarif : 7 €, tarif réduit : 4,50 €
Jusqu’au 30 juin 2013
Exposition réalisée par l’International Center of Photography de New York.

Photos :
Gerda Taro, Spectateurs de la procession funéraire du Général Lukacs, Valence, 16 juin 1937 © International Center of Photography
Robert Capa, Exilés républicains emmenés vers un camp d’internement, Le Barcarès, 1939 © International Center of Photography / Magnum Photos

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