Macbeth au Théâtre Ranelagh

Macbeth, mise en scene Philippe PenguySoirées théâtrales contrastées en cette rentrée : d’un vendredi à l’autre, l’on a ainsi pu passer de Valère Novarina, dont L’Atelier volant est donné au théâtre du Rond-Point, à Shakespeare, dont Macbeth est joué au théâtre Ranelagh. La première est d’un ennui abyssal ; la deuxième rappelle que le théâtre peut encore captiver.

Publiée en 1971 et créée en 1974, L’Atelier volant est la première pièce de Novarina. ll la met ici en scène lui-même, et pour la première fois.
Il s’agit d’un texte sur (notamment) l’exploitation ouvrière, les tromperies de la société de consommation et les aberrations du capitalisme en général. Une pièce bien de son époque évidemment mais qui hélas sonne encore fort justement aujourd’hui. Pas plus que le thème, ni la mise en scène ni les comédiens ne semblent en cause dans l’atroce sentiment d’ennui qui pourtant terrasse trop vite le spectateur. Aussi "légitime" soit-il, le texte, imbuvable à l’écrit, passe presque aussi difficilement à la scène, en tout cas en 2012. Dans ses deux premiers tiers, il demeure compréhensible, mais souvent si théorique que l’on peine à s’y intéresser. Le dernier tiers bascule dans le "langage novarinien" comme disent ses admirateurs, c’est-à-dire, pour les autres, dans l’ésotérisme. L’on y comprend goutte, cela s’agite sous nos yeux qui se fatiguent et se ferment ; l’esprit bercé par l’incontinence verbale renonce peu à peu et l’on finit par appeler le sommeil de ses vœux pour abréger le calvaire.
Bref, une soirée à oublier, sauf les prestations des méritants comédiens, dont Olivier Martin-Salvan en M. Boucot et plus encore Myrto Procopiou, impériale et réjouissante (merci !) en affreuse Mme Bouche.

Retour fissa au théâtre classique, donc, pour tenter de raviver la flamme dramatique. C’est plutôt une bonne idée, car voici une production shakespearienne plutôt rare (Macbeth n’est pas souvent monté) et tout à fait réussie.
Ecrite en 1606 et située en Ecosse, Macbeth raconte l’histoire de ce héros (il a bouté les Norvégiens hors du royaume) qui, guidé par les prophéties des sorcières et poussé par son épouse, accomplit pour accéder au trône un premier crime, celui du roi Duncan, suivi de nombreux autres, malgré de terrifiants remords. Texte excellent, tendu comme un arc, que le metteur en scène Philippe Penguy a à peine raccourci en adaptant la traduction de Jean-Michel Déprats. Sa mise en scène est résolument dynamique : il utilise toutes les ressources du théâtre pour agrandir ce qui peut sembler un "petit" plateau pour une pièce comme celle-là. Pour figurer la lande, il recourt à une immense toile au sol dont émergent les trois sorcières en un inquiétant ballet. Pour structurer l’espace, il place un escalier, astuce classique mais ici particulièrement opportune pour situer sans montrer le premier des crimes, celui de Duncan. Les comédiens s’avancent sur un petit proscenium, relié à la salle par un escalier où ils passent à l’occasion, arrivent par les loges côtés… Il y a de la musique (écossaise) jouée sur scène, des costumes en velours noirs tels qu’on les attend, des combats à l’épée bien chorégraphiés.
Les sorcières emballent, fascinant en effrayant comme elles le doivent, et le reste de la distribution est plutôt convaincant. Au-dessus du lot, Agnès Valentin en lady Macbeth est impeccable, tant au début de la pièce où, calculatrice et sans état d’âme, elle pousse son époux au régicide, que dans la scène de somnambulisme où, dévorée par le remords, elle n’est plus que le spectre d’elle-même. L’altier Laurent Le Doyen est un Macbeth d’abord aérien, qui montre bien le contraste entre l’esprit tourmenté de son personnage et les vertus morales de ses anciens amis, eux beaucoup plus terriens et physiques, aussi bondissants que Macbeth est de plus en plus pétrifié par ses terribles forfaits.

Macbeth
De William Shakespeare
Mise en scène et direction artistique : Philippe Penguy
Avec : Laurent Le Doyen, Agnès Valentin, Emmanuel Oger, Anne Beaumond, Lionel Robert, Géraldine Moreau‑Geoffrey, Teddy Melis, Émilie Jourdan, Jean‑Michel Deliers, Denis Zaidman
Création et réalisation costumes et tissu : Marie‑Hélène Repetto
Conception et réalisation décor : Sylvain Cahen
Théâtre Le Ranelagh
5, rue des Vignes – 75016 Paris
Locations : 01 42 88 64 44 ou sur le site du théâtre
M° La Muette ou Passy, RER Boulainvilliers ou Kennedy-Radio-France
Du mar. au sam. à 21 h et le dim. à 17 h – relâches les 25 sept., 2 oct. et 6 nov. 2012
Durée : 1 h 50
Tarifs de 10 € à 35 €

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