100 photos du Festival de Cannes. Reporters sans frontières

reporters sans frontières, CannesLe 3 mai dernier, à l’occasion de la 17ème Journée internationale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières a publié un nouvel album photos, consacré aux soixante ans du Festival de Cannes.

Belle idée pour l’ouverture du 60ème Festival qui se déroulera du 16 au 27 mai.
On a immédiatement envie de l’offrir ou de se l’offrir, car les photos sont magnifiques. Elles ont été choisies parmi les archives des plus grandes agences et des meilleurs photographes qui ont couvert le festival : collection Traverso, Mirkine, Daniel Angeli, Emmanuele Scorcelletti (Gamma), les archives de Studio Magazine …

A les regarder, il semble qu’en soixante ans sont passées à Cannes les plus belles femmes du monde, les plus « stars » bien sûr : Monica Bellucci, Fanny Ardant, Sharon Stone … pour qui le mot semble avoir été inventé, star parmi les stars !

Y compris celles qui ont commencé dans le métier toutes jeunes et qui étaient déjà sur la Croisette.
Coup de coeur pour la petite Brigitte Fossey courant sur la plage, en 1953. La même année, la très jeune Brigitte Bardot se fait coiffer (ou décoiffer ?) par Kirk Douglas …

Des surprises, tels les portraits de Claudia Cardinale ou de Gérard Depardieu, photographiés comme jamais, en des instants volés (?), bouleversants de naturel.

Des photos historiques aussi, comme celle où sont assis côté à côte, en 1968, Claude Lelouch, Jean-Luc Godard et François Truffaut.

Beaucoup d’émotion enfin à retrouver des disparus d’hier, Philippe Noiret notamment, ou d’avant-hier, tels Françoise Dorléac – quel charme ! – , Patrick Dewaere, alors si lumineux, si radieux …

A lire dans la revue : la préface de Vincent Cassel, l’entretien avec Gilles Jacob, président du Festival, un petit historique du Festival, le rappel des Grands Prix et Palmes d’Or depuis 1946.

Mais aussi le triste bilan des « prédateurs de la liberté de la presse ».

Les bénéfices de la vente de l’album sont intégralement reversés à RSF pour mener des actions concrètes en faveur de la liberté de la presse : assistance aux journalistes et à leurs familles souvent démunies ainsi qu’aux médias en difficulté, investigations sur le terrain afin de déterminer les responsabilités dans les cas d’assassinat, financement de frais d’avocats lors de procès de presse, accueil de journalistes contraints de fuir leur pays, etc.

En vente chez les marchands de journaux, dans les Fnac,
les librairies, les grandes surfaces …
Au prix de 8,90 €

Site de Reporters sans frontières
Site officiel du Festival de Cannes

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Le côté de Guermantes. La voix et les mots de Mme de Guermantes

proust2Mme de Guermantes n’est pas « une ».

Mondaine, intelligente, raffinée, audacieuse, pleine d’esprit, ne dédaignant pas la provocation, cette ultra-urbaine est aussi une « rurale ».

C’est dans sa voix que se retrouve une ascendance toute terrienne qu’elle ne renie pas.

Dans ces yeux et dans cette voix je retrouvais beaucoup de la nature de Combray. Certes, dans l’affectation avec laquelle cette voix faisait apparaître par moments une rudesse de terroir, il y avait bien des choses : l’origine toute provinciale d’un rameau de la famille de Guermantes, restée plus longtemps localisée, plus hardie, plus sauvageon, plus provocant ; puis l’habitude de gens vraiment distingués et de gens d’esprit qui savent que la distinction n’est pas de parler du bout des lèvres, et aussi de nobles fraternisant plus volontiers avec leur paysans qu’avec des bourgeois ; toute particularité que la situation de reine de Mme de Guermantes lui avait permis d’exhiber plus facilement, de faire sortir toutes voiles dehors. Il paraît que cette même voix existait chez des sœurs à elle, qu’elle détestait, et qui, moins intelligentes et presque bourgeoisement mariées, si on peut se servir de cet adverbe quand il s’agit d’unions avec des nobles obscurs, terrées dans leur province ou à Paris, dans un faubourg Saint-Germain sans éclat, possédaient aussi cette voix mais l’avaient réfrénés, corrigée, adoucie autant qu’elles pouvaient, de même qu’il est bien rare qu’un d’entre nous ait le toupet de son originalité et ne mette pas son application à ressembler aux modèles les plus vantés.

Sa prédilection pour la nouveauté semble quant à elle se limiter à l’art mondain. Dans le fond, la duchesse de Guermantes demeure extrêmement classique, comme le révèle son vocabulaire :

– Mais voyons, Basin, vous ne voyez pas que la princesse se moque de vous (la princesse n’y songeait pas). Elle sait aussi bien que vous que Gallardonette est une vieille poison, reprit Mme de Guermantes, dont le vocabulaire, habituellement limité à toutes ces vieilles expressions était savoureux comme ces plats possibles à découvrir dans les livres délicieux de Pampille, mais dans la réalité devenus si rares, où les gelées, le beurre, le jus, les quenelles sont authentiques, ne comportent aucun alliage, et même où on fait venir le sel des marins salants de Bretagne : à l’accent, au choix des mots, on sentait que le fond de conversation de la duchesse venait directement de Guermantes. Par là, la duchesse différait profondément de son neveu Saint-Loup, envahi par tant d’idées et d’expressions nouvelles ; il est difficile quand on est troublé par les idées de Kant et la nostalgie de Baudelaire, d’écrire le français exquis d’Henri IV de sorte que la pureté même du langage de la duchesse était un signe de limitation, et qu’en elle l’intelligence et la sensibilité étaient restées fermées à toutes les nouveautés.

Bonne lecture, bon week-end à tous.

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Un plaisir trop bref (lettres). Truman Capote.

un plaisir trop brefLire la correspondance de Truman Capote (1924-1984) est un vrai régal.
Fichtre, quelle plume !

Et quel personnage attachant se dessine entre les lignes de l’auteur de ces lettres ! On est loin de l’image de la fofolle en châle griffé débarquant avec fracas au fin fond du Kansas pour enquêter sur ce qui deviendra De sang-froid.

Truman Capote est certes cela, et alors il amuse ou irrite ; mais sa personnalité est infiniment plus intéressante.

Ecrivain d’abord et avant tout, son travail est au centre de ses préoccupations, de ses angoisses, de ses apaisements. Et il travaille comme un fou ; même alité, il ne s’arrête pas.

Mais « l’écrivain de la décennie », titre que lui valut De sang-froid après sa publication en 1966 écrivait aussi beaucoup de lettres.
Il le faisait en partie, et il le dit clairement, pour avoir la joie de recevoir à son tour des nouvelles de ses amis, et si possible, les commérages que ceux-ci pouvaient lui confier.
Ce besoin était particulièrement pressant au cours des années qu’il a passées loin de New-York, les plus prolifiques du reste.
Pour pouvoir écrire (mais aussi en raison du sort réservé aux homosexuels aux Etats-Unis dans les années 1950), il s’isolait en effet de longs mois en Europe, de préférence dans une île, comme en Sicile ou à Paros, ou sur la Costa Brava, puis au Verbier, dans les Alpes suisses. Dans son exil, il tenait à demeurer informé de tout ce qui se passait dans son milieu, et ne se privait pas de le commenter dans ses lettres.

Mais la raison de cette abondance correspondance ne tient pas qu’à ce goût pour les potins. A la lire, on sent qu’il avait un vrai plaisir à les écrire, y faisant le point sur son travail, sa santé, ses états d’âme, ses relations, ses avis et critiques sur la littérature contemporaine, les créations théâtrales, les films … Si bien que ce recueil de lettres finit par constituer un journal, d’où un immense plaisir de lecture.

Ecrite dans l’instant, cette sorte d’autobiographie n’a rien de l’empesé des mémoires. Bien au contraire, quelle liberté de ton, quel naturel, quel enlevé ! D’ailleurs, au fil des années, le style est de plus en plus spontané – manque de temps pendant l’écriture de De sang-froid ? Il semble plutôt que son écriture soit de plus en plus assurée.

Puis, après l’immense succès de De sang-froid, Truman Capote n’est plus le même ; il n’écrit presque plus que quelques cartes postales. Il tombe dans l’alcool et autres dépendances.
L’écriture devient lourde, ordinaire, dénuée d’humour.
Comme si le colossal travail d’écriture de De sang-froid lui avait pompé une énergie qu’il n’a jamais pu retrouver.
Quel contraste, et quelle tristesse, tout à coup …

Mais avant d’en arriver là, le lecteur aura passé près de 500 pages passionnantes avec Truman Capote, dont l’ironie mordante cohabite avec la délicatesse, la générosité et la tendresse, et dont l’humour réjouit en permanence.
Il aura aussi eu quelques nouvelles de Lee Harper, Carson McCullers, la famille Chaplin, André Gide … et, bien sûr, il aura suivi « en direct », presque au jour le jour, l’écriture de son chef d’œuvre.
Ce n’est pas rien.

Un plaisir trop bref (lettres). Truman Capote
Traduit de l’américain par Jacques Tournier
Editions 10/18 (2007)
510 p., 15 €

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Scandaleusement célèbre

scandaleusement celebreSorti l’an dernier, Truman Capote, réalisé par Bennett Miller retraçait l’aventure de Truman Capote et de De sang-froid, le livre sur l’assassinat d’une famille de fermiers dans le Kansas en 1959, qui a valu à l’écrivain un immense succès.

Scandaleusement célèbre, de Douglas McGrath, a exactement le même sujet.
Aussi réussi que le film de Bennett Miller, il est encore plus réjouissant.

Le personnage de Capote y est dessiné tout en nuances.

Au début du film, Truman Capote est une « petite langue de vipère » que l’on voit évoluer dans le milieu intellectuel et ultra-mondain de Manhattan.
Homosexuel, il est aussi le confident de ses amies, ses « cygnes » comme il les appelle, qui lui livrent leurs peines de coeur. Fou de joie de recueillir et colporter des potins, il est en même temps toujours prêt à réchauffer ses bien-aimées de sa présence, de ses paroles, et d’un verre de Martini …
L’ambiance new-yorkaise des années 1950, les personnages et leurs répliques … Le tout est délicieusement croqué.

Mais voici le même Truman Capote qui part, toutes affaires cessantes, pour enquêter sur le quadruple meurtre de la famille de fermiers : il débarque au fin fond du Kansas, accompagné de son amie Harper Lee, également écrivain, qu’il surnomme Nelle.
Toque, manteau long et cinquante valises : on l’appelle Madame et ne le prend pas au sérieux.
Les scènes sont tordantes, les dialogues aux petits oignons.

On assiste alors au déploiement du charme aux multiples facettes de l’insupportable Truman Capote : humour pince sans-rire, aplomb incroyable, civilité extrême, dans un mélange de mise en scène et de naturel irrésistible.
L’inspecteur chargé de l’enquête et sa famille y succombent. Truman Capote, ayant désormais accès aux informations dont il a besoin peut se mettre au travail sans délai.

Commence ainsi la partie la plus mythique de la vie de Truman Capote, lorsque l’idée du reportage cède à l’évidence d’un roman : l’expérience d’écriture exceptionnelle que constitue De sang-froid, qui le conduira à travailler comme un fou pendant des années, à rechercher le moindre détail – rien de moins que la perfection.

La relation que Truman établit avec l’un des assassins, Perry, dont il a besoin pour nourrir son livre est captivante. A la stratégie de l’apprivoisement succède la nécessité d’un investissement plus profond : pour gagner la confiance de Perry, il est obligé de donner de sa personne. Va se nouer entre les deux hommes un lien très particulier dont l’ambiguïté n’est jamais totalement éclaircie.

Scandaleusement célèbre dresse de Truman Capote un portrait chargé de mystères et de contradictions, infiniment humain.
Il est magnifiquement interprété par Toby Jones, mais aussi par Sandra Bullock dans le rôle de Harper Lee, l’auteur de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

Scandaleusement célèbre (titre original : Infamous)
Film américain de Douglas McGrath
Avec Toby Jones, Sandra Bullock, Sigourney Weaver, Daniel Craig …
Durée : 1h 58min.

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Le musée Fabre. Montpellier (1/3)

gabriel metsuLe musée Fabre, à Montpellier, a rouvert ses portes le 3 février 2007 après une restructuration complète.

Le résultat de ces travaux, conduits par les architectes bordelais Olivier Brochet et montpelliérain Emmanuel Nebout, emportent l’adhésion sans conteste.

De l’entrée et du hall en marbre, décorés avec beaucoup de chic par Daniel Buren, le visiteur accède à plus de 9 000 m² de salles d’expositions temporaires et permanentes.
Ces vastes volumes ont été rendus possibles grâce à l’utilisation d’espaces jusqu’alors occupés par la bibliothèque municipale mais aussi au creusement de salles en sous-sol, ainsi qu’Olivier Brochet l’avait déjà fait pour le musée de l’Orangerie aux Tuileries.

Le parcours des fonds permanents met en valeur les collections issues de trois legs importants réalisés au XIXème siècle par Antoine Valedeau (1777-1836), François-Xavier Fabre (1766-1837) et Alfred Bruyas (1821-1877).

La visite s’ouvre avec la peinture flamande et hollandaise, isolée d’un parcours général chronologique qui débute à la Renaissance pour se terminer par l’exposition d’œuvres d’artistes contemporains.

La prédilection de Valedeau pour l’école flamande et nordique justifie en effet que tout un ensemble de salles y soient consacrées au rez-de-chaussée. Sa donation est riche en scènes de genre et en paysages (années 1645-1650), ce qui était assez classique chez les collectionneurs du XVIIIème siècle et du début du XIXème.

Le calvinisme des provinces du nord des Pays-Bas regroupées autour de la Hollande interdit les images religieuses dans les temples. A l’extérieur, seules les scènes de l’Ancien Testament et de la vie terrestre du Christ sont autorisées : la peinture se consacre alors à l’histoire antique, au quotidien et à la nature.

C’est ainsi que le visiteur peut admirer, sous le ciel aux lumières changeantes des pays du Nord, de superbes paysages.
Notamment, ceux de Philips Wouwernan (d’ordinaire plutôt peintre de chevaux et de batailles) tels Repos du laboureur (1646-1648), ou encore Paysage aux ramasseurs de bois morts (1652), dont les dunes se teintent délicatement de nuances claires et enveloppantes.

A partir de 1650 environ, s’exprime au sein de la haute-société hollandaise un intérêt, qui culminera au XVIIIème siècle, pour la culture, l’art de bien écrire, l’art français. Le goût pour le luxe s’affiche, en contradiction avec la sobriété des mœurs traditionnelles : la peinture trouve une inflexion baroque.

Dans cette veine, Jan van Huysum, à partir des années 1720, abandonne les fonds sombres des peintures du XVIIème siècle pour privilégier des agencements asymétriques et mouvementés sur fond clair. Résultat : deux beaux Bouquet de fleurs et Nature-morte aux fruits réalisés dans les années 1730-1740 en accord avec l’art rocaille qui se développera au XVIIIème siècle en Europe.

Dans la même salle, un autre tableau attire l’œil par sa singularité : Une tige de chardon (1667), peinte par Marseus van Schrieck (1619-1678) : celui-ci, collectionneur de sciences-naturelles, invente la nature morte de sous-bois. Dans l’inquiétante obscurité, des reptiles, insectes et papillons mènent la lutte autour d’un pied de chardon sur lequel s’enroule un bleu volubilis…

On montera au premier étage du musée la semaine prochaine.

Musée Fabre
39, boulevard Bonne-Nouvelle à Montpellier (34000)
Tel : 04.67.14.83.00
Tramway : Corum et Comédie
Ouvert tlj sauf le lundi de 10 h à 18 h
le mercredi de 13 h à 21 h et le samedi de 11 h à 18 h
Entrée : 6 € (TR 4 €)
Accessibilité complète aux personnes handicapées
Guide du musée Fabre (Réunion des musées nationaux)
Ouvrage collectif sous la direction de Michel Hilaire
232 pages, 15 €

Image : Jeune homme écrivant une lettre, Gabriel Metsu (vers 1658-1660)

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Le musée Fabre. Montpellier (2/3)

l'homme aux rubans noirsSuite de la visite du musée Fabre commencée mardi dernier (billet du 15 mai).

Le premier étage mène aux salles consacrées à la peinture et à la sculpture du XVème au XVIIIème siècles, notamment françaises.
Face aux modèles italiens, des artistes français s’affirment, tels Poussin (dont on peut voir deux tableaux), qui rayonne depuis l’Italie, ou Vouet, rappelé en France par Louis XIII.

Mais aussi un régional : Sébastien Bourdon (1616-1671), peintre qui s’est intéressé un peu à tous les genres. Il se fait remarquer avec un très bel Homme aux rubans noirs, inconnu à l’expression mystérieuse, faite de douceur, de rêve et de superbe.

Un peu plus loin, le visiteur tombe en arrêt devant deux Zurbarán (1598-1664), L’ange Gabriel et Sainte-Agathe, provenant de retables sévillans : à la différence de Velasquez et Ribera, Zurbarán ne fait pas de voyage en Italie. Il restera imprégné du contexte de Séville, travaillant presque exclusivement pour le clergé local.
Tout près, une « curiosité » : l’un des douze seuls tableaux restant du célèbre architecte et sculpteur italien Bernini dit Le bernin (1598-1680), peut-être même un autoportrait !

Puis les imposants tableaux néo-classiques, tableaux de genre …
Parmi l’ensemble fourni d’œuvres de Greuze (1725-1805), on notera le goût très XVIIIème siècle pour la représentation de l’enfance.
Dans cette inspiration, l’anglais (et rare) Reynolds (1723-1792) a peint en 1777 un adorable Petit Samuel en prière.

Les salles consacrées au romantisme portent le visiteur sur la vague de l’orientalisme, la quête d’un « nouvel ailleurs » chers au XIXème siècle : Chassériau, mais évidemment Delacroix et ses Exercices militaires marocains (1832), ou encore ses Femmes d’Alger dans leur intérieur (1849), réalisé après son séjour au Magrheb. Il s’est visiblement plu à retrouver l’ambiance toute féminine d’un clair-obscur feutré, plein de quiétude et peut-être de mélancolie.

Puis la galerie Bruyas l’enveloppera de la brume du petit matin d’une douce Matinée (1853) de Corot, avant de le plonger dans une étonnante mais non moins poétique Pêche à l’épervier du même Corot.

Enfin, Courbet, l’homme engagé, le réaliste, crée le scandale au Salon de 1853 avec Les baigneuses : que de chair et si peu d’étoffe !

Fin de la visite la semaine prochaine avec le XXème siècle et le "clou" de la dernière partie du musée : les salles consacrées à Pierre Soulages…

Musée Fabre
39, boulevard Bonne-Nouvelle à Montpellier (34000)
Tel : 04.67.14.83.00
Tramway : Corum et Comédie
Ouvert tlj sauf le lundi de 10 h à 18 h
le mercredi de 13 h à 21 h et le samedi de 11 h à 18 h
Entrée : 6 € (TR 4 €)
Accessibilité complète aux personnes handicapées
Guide du musée Fabre (Réunion des musées nationaux)
Ouvrage collectif sous la direction de Michel Hilaire
232 pages, 15 €

Image : L’homme aux rubans noirs, Sébastien Bourdon (1657)

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Le musée Fabre. Montpellier (3/3)

pierre soulagesSuite et fin de la visite du musée Fabre avec le XXème siècle.

Après les néo-impressionnistes, fauvistes et autres Delaunay, voici, entre figuration et abstraction, le Couloir de l’Ecole de Paris : s’y se succèdent des tableaux de Nicolas de Staël, Zao Wou-Ki, Vieila Da Silva … en une superbe galerie monochromatique aux couleurs de terre et de sable.

Une salle à droite révèle les étonnantes sculptures de Germaine Richier, qui cohabitent avec deux têtes de Bourdelle, dont elle fut l’élève : le Loretto, adolescent au corps disproportionné, dans un style expressionniste très marqué. Avec la Chauve-souris, Germaine Richier a utilisé pour la première fois la filasse plongée dans du plâtre puis égouttée et étendue : voici que se déploie en une fine résille la fragilité de la membrane des ailes de chauve-souris.

Il est temps désormais d’aller méditer sur la lumière et les multiples nuances des fameux noirs du ruthénois Pierre Soulages. L’importante donation qu’il a faite au musée Fabre a justifié l’aménagement, auquel il a participé, d’une nouvelle aile.

L’exposition des tableaux, espacés sur fond blanc met superbement en valeur les noirs, mais aussi les rouges, bleus, blancs qui s’y marient, sans oublier ce cher « brou de noix ».

L’artiste a également choisi des accrochages plus originaux, avec les polyptyques : invention médiévale, ils permettent de déployer horizontalement ou verticalement les panneaux, le plus souvent accolés, mais parfois séparés.
Le fait est qu’ils mettent magnifiquement en lumière les différentes textures de noir.

Mais attention, à la salle suivante, on passe de la mise en valeur à la mise en scène, avec des accrochages réalisés sur des câbles d’acier ancrés dans le sol et au plafond, fixés sur les champs du châssis, technique utilisée lors de la rétrospective au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris en 1980.
« Lorsque vous défilez devant la première rangée, explique Pierre Soulages, vous voyez apparaître, tour à tour, les toiles qui sont derrière la première rangée, puis la deuxième rangée, dans une ordre qui n’es pas fixe, permettant ainsi une confrontation plus libre que celle qu’impose la succession des toiles sur les murs ».
Le résultat ? Les toiles étant immenses, il est tout simplement spectaculaire.

Après l’exposition inaugurale La couleur toujours recommencée, hommage à Jean Fournier marchand d’art, paraît-il superbe, le musée Fabre accueillera du 9 juin au 9 septembre 2007 une exposition consacrée à Monet, Renoir, Sisley, Degas … : L’impressionnisme vu d’Amérique.

Bonnes visites !

Musée Fabre
39, boulevard Bonne-Nouvelle à Montpellier (34000)
Tel : 04.67.14.83.00
Tramway : Corum et Comédie
Ouvert tlj sauf le lundi de 10 h à 18 h
le mercredi de 13 h à 21 h et le samedi de 11 h à 18 h
Entrée : 6 € (TR 4 €)
Accessibilité complète aux personnes handicapées
Guide du musée Fabre (Réunion des musées nationaux)
Ouvrage collectif sous la direction de Michel Hilaire
232 pages, 15 €

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L'âge d'or de la presse : panorama (4/4)

le petit parisienFin de la série L’âge d’or de la presse avec un petit panorama des tirages et des catégories de journaux à la fin du XIXème siècle.

La presse quotidienne nationale, qui se recoupe avec la presse quotidienne de Paris, est la presse traditionnellement la plus importante.

En 1870, elle compte 33 titres tirant à 470 000 exemplaires. Si on compte la « petite presse » (journaux satiriques et littéraires) on dénombre 600 000 exemplaires.
Vingt après, on est passé à 70 quotidiens pour un tirage total de cinq millions d’exemplaires !
Mais après 1914, les tirages déclineront.

Quant aux quotidiens de province, leurs tirages ont été multipliés par 10 entre le début de la IIIème République et 1914, pour atteindre 4 millions d’exemplaires à cette date !

Par ailleurs, différentes catégories de journaux peuvent être dressées en fonction de leur ligne politique.

La presse conservatrice : les journaux légitimistes et bonapartistes subissent le contre-coup du développement de la presse.
On ne voit pas apparaître de journal populaire conservateur. Ces journaux tiennent à un niveau littéraire très élevé, refusent de traiter les faits divers et de publier tout roman sentimental. Par ailleurs, sur un plan politique, l’église refuse dans un premier temps de s’investir dans la presse quotidienne. Enfin, les états-majors conservateurs ont un grand mépris pour le métier de journaliste …
L’Union, France nouvelle périclitent en même temps que le mouvement royaliste.
Survivent Le Gaulois et Le Constitutionnel.

Le Figaro, créé en 1826, est un journal satirique au départ. Il devient quotidien en 1866 et bénéficie alors d’un succès incontestable, pour la qualité de ses rubriques culturelles, ses reportages, sa façon de traiter les faits divers sur un plan sociologique, son humour féroce.

La presse républicaine : la volonté de gagner l’électorat populaire par ce moyen-là entraîne la floraison de journaux peu chers à forts tirages.

Le Temps a un parti pris de neutralité mais il est considéré à l’étranger comme la voix officielle du quai d’Orsay. Les commentaires politiques, très doctes, dus notamment à la participation de rédacteurs juristes lui valent un succès certain. Il va monter en puissance et devenir le journal de la petite bourgeoisie.

Enfin, quatre grands journaux populaires se partagent le lectorat : Le Matin, Le Petit Journal, Le Petit Parisien et Le Journal.

L’âge d’or de la presse
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Philippe Mezzasalma,
Département Droit, Economie, Politique
Conférence du 26 avril 2007
Bibliothèque Nationale de France

Image : Le Petit Parisien, carte postale ancienne, série Journaux et lecteurs.

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L'âge d'or de la presse : de nouvelles entreprises de presse (2/4)

voyages présidentielsSuite de la conférence à la Bibliothèque nationale de France sur l’âge d’or de la presse au XIXème siècle.

La révolution industrielle n’est pas sans influence sur le travail de fabrication des journaux.

Durant les vingt dernières années du XIXème siècle, l’évolution des machines va permettre en effet une production industrialisée. (voir billet du 11 avril 2007 sur l’histoire du livre).

La composition typographique n’est plus réalisée manuellement, ce qui fait gagner un temps considérable, sans compter, pour l’impression, l’utilisation des rotatives. Les rendements augmentent au point d’atteindre 20 000 exemplaires par heure.

Ces progrès techniques sont une révolution pour les quotidiens de Paris tout particulièrement : ils peuvent désormais sortir plusieurs éditions par jour, ainsi que des éditions de province, avec des pages, voire des colonnes différentes selon les régions.

L’accroissement de la pagination est elle aussi rendue possible : on passe du quatre pages au huit pages puis au douze pages. Ce qui veut dire qu’un nombre plus important de rubriques est désormais autorisé. Ainsi, les thèmes se diversifient, avec notamment des pages consacrées à la culture (critiques théâtrales, critiques musicales etc.).

En revanche, l’illustration pose d’autres problèmes car la gravure nécessite un temps de presse plus long. Elle sied donc mal aux quotidiens. Dès lors, les illustrations se concentrent dans les hebdomadaires : L’Illustration, Le Magasin pittoresque notamment ; ou bien dans des suppléments mensuels des journaux. Articles et illustrations ont donc généralement des supports distincts.

L’utilisation de ces nouvelles technologies nécessite des investissements considérables, donc la mise en place de véritables entreprises de presse. Celles-ci vont privilégier les moyens propres à produire un « journal moderne ».
Pour cela, il s’agit avant tout d’être proche des sources de l’information.
C’est ainsi que ces entreprises s’établissent dans des quartiers proches du pouvoir : le Petit journal s’installe rue de Richelieu, rue Lafayette et rue Cadet, Le Petit Parisien rue d’Enghien, Le Journal, rue de Richelieu également … les localisations sont très concentrées.
Ensuite, pour avoir les informations en direct, il faut disposer du télégraphe (le reportage est tout juste en train de naître).
Enfin, les bâtiments des entreprises de presse abritent à la fois l’administration, les archives, les salles de rédaction, mais aussi leurs imprimeries. Certains iront même jusqu’à créer leur papeterie, comme le Petit journal.

L’âge d’or de la presse
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Philippe Mezzasalma,
Département Droit, Economie, Politique
Conférence du 26 avril 2007
Bibliothèque Nationale de France

Image : album de la série Voyages présidentiels illustrés par Paul Boyer, photographe officiel de la Présidence (Sadi Carnot) : série de planches photographiques simplement légendées (1889, E. Dentu, libraire et éditeur de la société des gens de lettres à Paris).

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L'âge d'or de la presse : vers de nouveaux publics (3/4)

petit journalLa presse connaît une telle révolution à la fin du XIXème siècle qu’on parle « d’âge d’or de la presse ».

Il faut souligner que d’autres progrès que ceux liés directement aux innovations techniques (voir billet De nouvelles entreprises de presse) favorisent de tels succès.

Ainsi, le développement du chemin de fer et de l’automobile, mais aussi l’extension des points de vente des quotidiens parisiens permettent un réseau de diffusion extraordinairement plus étendu et efficace.
Le Petit Parisien comptait par exemple 20 000 points de vente en 1910.

Les nouvelles conditions de fabrication permettent d’amortir les coûts assez rapidement, ce qui autorise des prix de vente plus attractifs. Les journaux républicains en particulier font le choix de prix à bon marché afin d’assurer une meilleure diffusion de leurs idées.
En 1863, est lancé le Petit journal à un sou.
Ainsi, alors que jusqu’alors les journaux étaient réservés à une clientèle d’abonnés riche et cultivée, les prix très bas permettent à cette nouvelle presse de pénétrer dans les milieux populaires.

La presse d’information générale bénéficie en outre de l’évolution de l’instruction publique dans les années 1880. Les ouvriers alphabétisés se précipitent sur ces journaux peu chers vendus dans la rue ; il n’est plus besoin de se rendre dans une bibliothèque ou une librairie pour y accéder.

Mais on peut aussi ajouter à cet engouement une raison « de fond », liée à l’actualité : le besoin d’informations au moments des conflits majeurs de la fin du siècle (affaire Dreyfus en 1894, conflits religieux).
Seul bémol à cette époque : les campagnes, où la lecture des quotidiens est moins répandue. Ce ne sera qu’après la guerre que la pratique massive des journaux s’y développera.

L’apparition de nouveaux publics plus populaires engendre la prise en compte de leurs goûts supposés : le style est simplifié, les maquettes aérées. Des jeux voient le jour, le traitement des faits divers se développe.

On assiste à de grands changements également au niveau des journalistes. Auparavant, ceux-ci se targuaient de ne pas êtres des techniciens de l’information mais des hommes littéraires. Cela étant, peu à peu les journalistes se professionnalisent. La technique du reportage apparaît, au départ simplement autour des faits divers. Va également se développer la fonction de correspondant sur place, pour « la vie en région » et, plus rarement, pour l’international (Le Temps est un des rares journaux à envoyer des correspondants à l’étranger). Enfin, signe de professionnalisation, les premiers regroupements et les premiers syndicats apparaissent à la fin du siècle.

L’âge d’or de la presse
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Philippe Mezzasalma,
Département Droit, Economie, Politique
Conférence du 26 avril 2007
Bibliothèque Nationale de France

Image : Supplément illustré du Petit Journal du 10 avril 1898, « En mer, essai de pigeons voyageurs ». Le capitaine Reynaud fait une expérience à bord du transatlantique La Bretagne reliant Le Havre à New-York, visant à apprécier les services que les pigeons voyageurs peuvent rendre à la navigation et au transport de dépêches : les essais sont satisfaisants mais le parcours que peuvent fournir les pigeons est assez limité, surtout si les conditions météorologiques sont défavorables.

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