Vlaminck, Un instinct fauve

Vlaminck, La fille du rat mortLes Fauves firent leur entrée en scène en 1905 au salon d’Automne, lorsqu’un visiteur passant devant un buste d’enfant qui évoquait une oeuvre du Quattrocento italien s’exclama : "Tiens, Donatello dans la cage aux fauves !".

Aux côtés de Matisse et de Derain, y est exposé le plus puissant de ces fauves : Maurice de Vlaminck (1876-1958).

Autodidacte, anti-académique, anarchiste, c’est avec son ami Derain que ce fils de musiciens – lui-même violoniste… et coureur cycliste – a commencé à peindre quelques années auparavant, à Chatou.
Matisse était alors allé leur rendre visite, et après avoir longuement contemplé leur travail, s’était représenté le lendemain : "Je n’ai pas pu fermer l’oeil de la nuit, j’ai voulu revoir tout cela".
Et Dieu sait si la peinture de Vlaminck donne à voir. "Tout cela" est à admirer au Musée du Luxembourg jusqu’au 20 juillet 2008.

De Vlaminck, les toiles les plus connues sont ses paysages des bords de Seine, qu’il a peints et repeints comme Cézanne s’obstinait devant la Sainte-Victoire.
La comparaison n’est pas fortuite car Cézanne fut, après Van Gogh (dont l’inspiration dans certains paysages est bien visible) le deuxième choc de l’artiste, lui qui pourtant revendiquait ne connaître "ni dieu ni maître ».
En 1907, lors de la première exposition consacrée à Cézanne, ses recherches sur le modelé et les formes ont influencé Vlaminck comme tant d’autres. Avec le superbe et étonnant ensemble de trois natures mortes (1909-1910), le grand fauve délaisse son obsession de la couleur pure et se met à composer avec les objets de façon arbitraire et spectaculaire, bousculant la perspective, assourdissant les tons, précisant ses formes. Le compotier en particulier, avec ses coupes et sa carafe dont l’étain étincelle au milieu de tons rouge brun profond, ses fruits démesurés aux teintes lumineuses, a quelque chose de fascinant.

Autres surprises de l’exposition et autant de coups de foudre : les portraits, sujet traité à ses débuts dans les années 1900, que l’artiste a par la suite cessé d’exploiter. Quel dommage ! Avec sa manière d’étaler la couleur à même la toile, de cerner les contours et les yeux de larges traits noir, il conférait à ses personnages une intensité et une vivacité exceptionnelles.
A la façon de Toulouse-Lautrec, il se plaisait à peindre les milieux populaires, comme Sur le zinc (1900), femme maquillée à l’outrance, clope au bec, impressionnant verre de rouge posé devant elle, qui renvoie au rouge de la fleur accrochée à son énorme poitrine serrée dans son corsage blanc. Ou encore cette Fille du rat mort (1905) : à demi-dévêtue comme une prostituée, immense chapeau de cocotte et regard noir de biais dont on ne sait trop que penser, sur un séduisant fond presque art déco… Quelle présence, quelle puissance, quel culot, a-t-on envie de dire !

Et puis il y a aussi bien sûr les fameux paysages ; et encore, on l’a peut-être oublié, la collection de statuettes africaines de Vlaminck (qui vaut vraiment le coup d’oeil), lui qui, n’en déplaise à Picasso, fut l’inventeur, le premier collectionneur de ces arts primitifs qui inspirèrent tant, entre autre, le grand maître du XXème siècle…

Vlaminck, Un instinct fauve
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – Paris 6ème
M° St-Sulpice, Odéon – RER Luxembourg
Jusqu’au 20 juillet 2008
TLJ lun. et ven. de 10 h 30 à 22 h
Mar., mer., jeu. et sam. de 10 h 30 à 19 h, dès 9 h le dimanche
Lundi 24 mars, 12 mai et 14 juillet de 9 h à 19 h
Et du jeudi 1er au lundi 12 mai, ouverture dès 9 h
Entrée : 11 € (TR 9 € et 6 €)

Image : La Fille du Rat Mort, 1905, Kunststiftung Merzbacher © Droits réservés © ADAGP, Paris, 2007

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