Avec la très belle exposition autour des premières photographies sur papier britanniques, L’image révélée, le musée d’Orsay rappelle les circonstances de la naissance de la photographie en Europe : presque simultanément, d’un côté de la Manche, Talbot invente un procédé de tirage sur papier alors qu’en France, Daguerre met au point la technique de la photo sur plaque de cuivre.
En parallèle, le musée présente une sélection de quelques soixante-dix daguerréotypes français issus de ses collections. L’accrochage est certes de moindre ampleur que l’exposition organisée en partenariat avec les musées de Washington et de New-York, mais elle a le mérite de mettre en évidence les profondes différences de rendu entre les deux procédés.
Victime de son succès et des conditions économiques favorables que les autorités lui ont accordé en France, le daguerréotype s’est développé un peu dans tous les sens, s’éloignant en cela parfois encore davantage de l’exigence esthétique des Britanniques que le support lui-même ne le faisait à la base. Ainsi, attirés par les perspectives de gains offertes par une large clientèle friande de portraits, les laboratoires de photo se sont multipliés, fournissant à bas prix des portraits aux formats de plus en plus réduits et pas toujours de belle qualité.
La sélection du musée d’Orsay permet de retrouver des personnages familiers : ici le baron Haussmann, là monsieur et madame Victor Hugo (robuste, la dame), plus loin, Alexandre Dumas. Plus émouvant et assez surprenant, un triptyque présentant le portrait d’une femme post-mortem. Emotion encore devant ces deux petites plaques faites en 1848 pendant les journées sanglantes de juin 1848 à Paris, à l’époque publiées dans L’Illustration : c’était la première fois que la photographie servait de support à l’image de presse. Voici encore quelques uns des événements, grands ou ordinaires, marqueurs de ce milieu du XIXème siècle français : l’Exposition Universelle de Paris de 1855, les funérailles du duc d’Orléans, héritier du royaume, à Notre-Dame-de-Paris en 1842, une revue de la Garde au Palais des Tuileries (1845-46), un groupe d’artistes élèves à la Villa Medicis à Rome, mais aussi la gare de l’Est à Paris, alors toute neuve…
Le rendu des plaques daguerréotypes, aussi anciennes soient-elles, certaines un peu abîmées, est difficilement comparable au tirage papier anglais : ici, tout est clair, net et précis ; pas de lignes floues, pas de volumes sombres.
Si l’on est loin de la belle esthétique, voire de l’onirisme britannique, nos daguerréotypes ont leur charme propre que l’accrochage joliment éclairé (dans tous les sens du terme) dans un bel écrin rouge carmin met en valeur avec simplicité et efficacité.
Le daguerréotype français dans les collections du musée d’Orsay
Musée d’Orsay
Jusqu’au 7 septembre 2008
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h et le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée 8 € (TR : 5,5 €)
Image : Louis Adolphe Humbert de Molard (1800-1874), Louis Dodier en prisonnier 1847 (Daguerréotype H. 11,5 ; L. 15,5 cm), Paris, musée d’Orsay, don de la famille Braunschweig en souvenir de la galerie Texbraun par l’intermédiaire de la Société des Amis du Musée d’Orsay, 1988 © photo RMN, Hervé Lewandowski