Le Festival ImageSingulières à Sète, entre poésie et violence

Juan Manuel Castro Prieto à Sete

La 3ème édition du festival de photographie documentaire sétois est l’occasion d’exposer les images de l’artiste invité à résidence cette année pour révéler son regard photographique sur la ville-port. Objet d’un nouvel ouvrage de la collection « ImageSingulières » après ceux du Suédois Anders Peterson, du Français Bertrand Meunier et de l’Américaine Juliana Beasley, le travail de l’Espagnol Juan Manuel Castro Prieto est exposé à la Chapelle du Quartier Haut jusqu’au 10 juillet 2011.

Partie de l’ancien couvent des religieuses de Saint-Maur construite au XVIII° siècle, désacralisée au début du XX° pour être transformée en atelier du collège technique, la chapelle est désormais un lieu d’exposition. Avec son beau volume et ses murs patinés, elle constitue l’écrin idéal aux photographies empreintes de mélancolie de Castro Prieto.

L’Espagnol a photographié Sète à l’ancienne, avec une chambre 20 x 25. Ses photos ont des teintes pastels, très douces, parfois presque fanées.
Les objets familiers en tous genres, notamment de ceux exposés au Musée International des Arts Modestes (le MIAM) de Sète y ont une belle place, rappelant la culture populaire de la ville. La barque de pêcheur se découpant au dessus de l’étang de Thau avec le Mont Saint-Clair en arrière-fond semble avoir été là de toute éternité. Un calme formidable se dégage de ces images, qu’il s’agisse de l’intérieur du théâtre Molière vide ou de ces « personnages » locaux impassibles. Même la conversation de deux dames de la Pointe Courte assises l’une près de l’autre ne paraît nullement dérangée, encore moins dérangeante.
Grâce à un flouté cohabitant avec des zones si nettes que l’on croirait pouvoir toucher les objets et les sujets, les photographies de Castro Prieto convoquent tout à la fois le présent le plus immédiat, le passé le plus émouvant et la poésie la plus délicate.

ImageSingulieres 2011, Letizia Bettaglia

Ce sera à peu près le seul moment de quiétude au cœur de la manifestation ImageSingulières qui, elle, finit le 19 juin 2011 : la photographie documentaire présentée à Sète nous montre dans son ensemble un monde d’une violence radicale.
Concentré de ces regards sans fards, l’exposition collective au titre explicite « Mafia(s) » bénéficie elle aussi d’un espace des plus adaptés à son propos.
Dans l’un des anciens chais du Quai des Moulins, une friche industrielle en pleine restauration, des containers installés sur la terre battue humide abritent les photos projetées, quand elle ne le sont pas à même les murs bruts à peine blanchis. Pendant la visite, dans les chais contigus, les bruits des chantiers en cours continuent de résonner…
Telle est l’ambiance générale dans cet étrange cadre. Mais elle est presque poésie à côté des images que l’on découvre. De la violence de la mafia russe à celle du Japon (Bruce Gilden), du Cartucho , quartier de Bogota où vivent des milliers de délinquants et de miséreux, au film « La vida Loca » du photographe et réalisateur Christian Poveda assassiné en 2009 par ceux-là mêmes qui faisaient l’objet de son documentaire, les gangs des Maras du Salvador, qui sèment la terreur en Amérique Centrale, d’un bout à l’autre du globe, c’est la pègre, la violence et la mort toujours recommencées.
Poignants entre tous, le travail d’Elisabeth Cosmi sur les toutes jeunes femmes nigérianes prostituées de force au large de Naples et l’inlassable (et risqué) témoignage de Letizia Battaglia sur les crimes de la mafia sicilienne sont d’autres bourrasques que le visiteur reçoit en pleine face, les yeux décillés sur ce qu’il croit savoir mais ne réalise vraiment que confronté à sa représentation.

ImageSingulières
3ème rendez-vous photographique
Du 2 au 19 juin 2011
Divers lieux de Sète, dans l’Hérault

Photos de Juan Manuel Castro Prieto
Chapelle du Quartier Haut à Sète
Jusqu’au 10 juillet 2011
Catalogue (CéTàVoir / Images en manoeuvre) 96 p., 25 €
www.cetavoir.fr

Photo © Juan Manuel Castro Prieto / VU
et Letizia Battaglia

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