Quel est cet inconnu dont on ne sort qu’aujourd’hui les superbes dessins merveilleusement colorés ?
Un bâtisseur un peu fou, maintenant mort depuis 30 ans, et dont on ne découvre l’œuvre que grâce à la passion d’un couple bombé amoureux de ses dessins. Par bonheur, ils sont dans leur totalité (une soixantaine s seulement, mais quel travail derrière chacun d’eux !) visibles jusqu’au 31 mars au Carré Baudouin dans le 20ème arrondissement de Paris.
L’exposition est un voyage dans un autre monde construit de toutes pièces par un "non-artiste", au sens où Marcel Storr s’est fait tout seul après une enfance digne des Misérables, orphelin devenu sourd après avoir été battu dans la ferme où il était placé, n’ayant jamais appris les techniques des beaux-arts, mais ayant passé sa vie à dessiner, totalement dans l’ombre après ses journées de travail physique – il a été tour à tour balayeur, empierreur aux parcs et jardins de la Ville de Paris…
Sa production artistique s’échelonne de 1930 (il n’avait alors pas 20 ans) à 1975. Le parcours, chronologique, montre une grande évolution sur cette longue durée. Si l’on y retrouve toujours un art du dessin extraordinaire (malgré un non-académisme donnant lieu à une interprétation parfois fantaisiste des règles de la perspective), un soin du détail obstiné, un goût exclusif pour le motif architectural monumental qui remplit tout le papier, en revanche plus Marcel Storr avance dans son œuvre, plus il élève et élargit ses représentations.
D’abord, ce ne sont que des cathédrales, puis des tours immenses – le conduisant parfois au polyptyque. Enfin, ce sont carrément des mégapoles sur grands formats où, dans une ambiance futuriste, la place laissée à l’humain est toujours aussi réduite – au plus, de minuscules traits noirs.
Les couleurs qu’il passait ensuite avec un soin toujours aussi poussé sur un papier buriné par la pointe de sa plume sur-appuyée sont splendides, chaudes, faites de jaunes, d’oranges, de rouges et de violines chatoyants.
Comme si par les couleurs Marcel Storr venait enchanter quelque peu un monde de constructions étouffant, écrasant, d’une effrayante modernité.
Marcel Storr
Bâtisseur visionnaire
Pavillon Carré Baudouin
121 rue de Ménilmontant – Paris 20°
Du mardi au samedi de 11 h à 18 h
Jusqu’au 31 mars 2012
Entrée libre
De jeunes architectes travaillent aussi ( et c’est tant mieux!) dans l’esprit libre de Marcel Storr:
http://vraiment-ailleurs.eklablog.c…