Si la collection de la Reine d’Angleterre est la plus fournie en dessins de Léonard de Vinci, c’est au Louvre que se concentre le plus important ensemble de peintures du maître de la Renaissance : la Joconde bien évidemment, mais aussi notamment la Vierge aux rochers, le Saint-Jean-Baptiste et… la Sainte-Anne.
Sainte-Anne, tableau célèbre, énormément copié au XVIème siècle, inspirant Delacroix au XIXème, puis au XXème Max Ernst (Le baiser, 1927) et même Freud, qui commis une étude à partir de la détection d’un vautour sur le tableau (formé par les jambes un bras de la Vierge) relié à un rêve que Léonard aurait fait dans son enfance… pour ne citer que quelques exemples de sa renommée.
Malgré tout, cette Anne trinitaire demeurait quelque peu en retrait au Louvre : plus exactement, elle se trouvait dans l’ombre que l’épreuve cruelle du temps lui avait infligée au fil des cinq siècles qui nous séparent du moment de sa création : jaunissement et microfissures du vernis, multiplication des couches de peintures liées aux restaurations, sans parler des vilaines taches noires qui constellaient sa surface. Elle était devenue une bien pauvre trinité, salie, aux couleurs pâlottes et aux contours imprécis.
Il a donc fallu prendre le taureau par les cornes pour rendre à Sainte-Anne, à la Vierge, à l’enfant Jésus et même à l’agneau et aux montagnes toute leur dignité.
Mais la prudence s’imposait, les restaurations de chefs-d’œuvre pouvant parfois susciter le scandale (voir la restauration de la chapelle Sixtine dans les années 1980, jugée trop "lumineuse" par certains…). Fut donc mise en place une commission scientifique de haut vol, tandis que Vincent Delieuvin, conservateur au département des Peintures du musée, se lançait dès 2006 dans une passionnante enquête sur l’histoire de ce tableau que Léonard de Vinci commença en 1501, travailla près de 20 ans (envisageant successivement pas moins de trois versions) et laissa inachevé à sa mort en 1519.
Les quatre planches de peuplier du grand tableau (1,68 m par 1,30 m) étaient elles soumises non seulement à la loupe mais aux techniques d’imagerie les plus sophistiquées : pas un mm² de peinture qui n’ait été ausculté. Enfin, Cinzia Pasquali, Parisienne d’origine Italienne fut désignée pour passer à l’acte crucial : restaurer le tableau pour le débarrasser de toutes ses scories et lui rendre son éclat originel. Cette ultime étape seule l’occupa près d’un an et demi…
Ne restait alors plus qu’à valoriser ce travail d’orfèvre et toutes ces recherches, et à partager cette renaissance avec le public. C’est chose faite depuis le 29 mars dernier grâce à l’exposition du Louvre qui restera ouverte jusqu’au 25 juin prochain. De l’histoire du tableau, de ses inspirations, de ses copies, de ses suites et de ses copies, tout nous est dit, tout nous est montré, y compris les questions encore en suspens, y compris les "repentirs" de son auteur Léonard.
Pas moins de 134 œuvres entourent le chef-d’œuvre, dont un bon nombre sont aussi des chefs-d’œuvre… Un seul exemple : cette merveilleuse étude pour la tête de la Vierge, venue du Metropolitan Museum of Art. La reine Elisabeth II a elle aussi prêté son ensemble exceptionnel de dessins. C’est bien simple, c’est la première fois de son histoire que son réunis autour du tableau l’ensemble de ses documents préparatoires et de ses copies.
Et le travail d’exposition est si bien fait que l’on suit le parcours non seulement avec une curiosité de tous les instants, mais aussi avec l’agréable impression de tout saisir de l’histoire dense et pleine de rebondissements de cet inoubliable tableau.
La Sainte Anne, l’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci
Musée du Louvre
TLJ sauf le mar., de 9 h à 17 h 45, mer. et ven. jsq 21 h 45
Sam. et dim. jsqu 19 h 45
Entrée 11 €
Jusqu’au 25 juin 2012
Images :
Léonard de Vinci, Sainte Anne, vers 1503-1519 © RMN, musée du Louvre / René Gabriel Ojéda
et Léonard de Vinci, Etude pour la tête de la Vierge, vers 1507-1510, New York, The Metropolitan Museum of Art © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN / image of the MMA
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