Inauguration en beauté de la série d’expositions de la rentrée, avec la présentation au Musée Maillol d’une cinquantaine de peintures du plus célèbre des vedutisti vénitiens du XVIII°, Antonio Canal (1697-1768), dit Canaletto, dont un grand nombre sont présentées en France pour la première fois.
Déjà prisées de son vivant et depuis toujours recherchées, ses vues de Venise ont participé à l’image enchanteresse de la Sérénissime, et lorsque l’on a enfin comme ici le loisir d’en admirer plusieurs dizaines à la fois, l’on comprend pourquoi.
Ce qui séduit au premier regard, c’est l’extraordinaire lumière qui inonde ses tableaux. Canaletto est en cela le digne héritier de ses prédécesseurs de la Renaissance vénitienne, tels Titien puis Véronèse, grands maîtres de la lumière.
Qui a la chance d’être allé à Venise retrouvera sur les tableaux du Canaletto les mouvantes clartés de son ciel et les insaisissables nuances de son Grand Canal, que le peintre a pourtant su si bien rendre, jouant sur toutes les teintes de l’onde, du vert céladon au gris ardoise…
Frappe tout autant l’équilibre des compositions, auquel la rigueur architecturale n’est certainement pas étrangère. Le carnet de dessins de Canaletto, qui le temps de l’exposition a exceptionnellement quitté la Galerie de l’Académie où il est jalousement gardé, montre d’ailleurs l’importance du travail sur l’architecture et la perspective dans la préparation des tableaux. L’un des charmes du soin accordé à l’architecture qui en somme fait jeu égal avec le ciel et l’eau est de souligner déjà d’une certaine manière la fragilité de Venise, dont les vastes mais délicats palais semblent érigés et tenir par une sorte de grâce.
Puis, quand on passe un peu plus de temps face aux peintures, ébloui par la douceur des couleurs, à la fois chaleureuses et délavées, mille détails échappés au premier coup d’œil apparaissent ; ici, un couple qui s’embrasse, là des gondoliers à l’œuvre, plus loin des gens qui échangent quelques mots. Souvent, le peintre emploie dans le registre des détails des couleurs tout autres, comme le noir, mais surtout le rouge vif, qui vient se poser sur le bonnet d’un marinier, la culotte d’un promeneur ou la jupe d’une dame.
Mais cette splendide exposition réserve d’autres surprises. Outre le fameux carnet de dessins, le Musée présente la chambre optique avec laquelle Canaletto travaillait. L’on y découvre aussi un aspect moins connu de l’oeuvre du vidutista : les gravures, qui montrent des endroits moins célèbres de la lagune et soulignent le mouvement des personnages. C’est peut-être en observant ses gravures et leurs lignes sinueuses que l’on perçoit mieux l’aspect vivant des tableaux de Canaletto.
A signaler enfin, une curiosité baptisée "Caprice", où Canaletto a peint une Venise imaginaire : une "vue" du pont du Rialto, mais d’après le projet de Palladio. Un aspect surnaturel inattendu, et que la lumière jaune dans laquelle baigne le tableau renforce.
Canaletto à Venise, c’est au Musée Maillol
Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle – Paris 7°
M° rue du Bac, bus 63, 68, 69, 83, 84
TLJ de 10h30 à 19 h, le ven. jsq 21 h 30
Entrée 11 € (TR 9 €)
Jusqu’au 10 février 2012
Images :
Antonio Canal dit Canaletto, L’entrée du Grand Canal vue de la Piazzetta, 1730, huile sur toile, Grande-Bretagne, Knutsford, The Egerton of Tatton Park © NTPL/John Berthell
Antonio Canal dit Canaletto, L’escalier des Géants du Palazzo Ducale, 1755-1756, huile sur toile, Grande-Bretagne, Alnwick, Collection of the Duke of Northumberland ©Collection of the Duke of Northumberland