Pour vous souhaiter un joyeux Noël, un conseil de lecture réitéré : celui des Champs d’honneur de Jean Rouaud, qui avait été évoqué ici dans le cadre du feuilleton dédié aux prix Goncourt.
Le prix 1990 est non seulement une pure merveille d’écriture, mais aussi un formidable exercice de mémoire.
Les personnages de Jean Rouaud sont aussi un peu les nôtres. Leurs histoires, leur histoire appartiennent à un creuset commun qui parlera à beaucoup de lecteurs.
Pour compléter le billet d’Andreossi, ci-dessous un extrait des pages consacrées la Grande Guerre, à travers la mort de Joseph.
Lisez ceci. Relisez le billet d’Androssi. Ensuite vous lirez tout le livre, et vous avez de la chance car c’est un grand bonheur de lecture que vous avez devant vous.
Alors, joyeux Noël à toutes et à tous !
Mag
« Sous la fièvre, à des bribes de mots, des convulsions de terreur sur les visages, on reconnaît le ressassement halluciné de ces visions d’enfer, les corps à demi ensevelis, déchiquetés, écartelés sur les barbelés, bleus étourneaux suspendus dans la pantière à qui semble refusée l’ultime consolation de s’étendre, d’attendre la joue contre la terre humide la délivrante mort, animés de hoquets grotesques à l’impact des balles perdues, soulevés comme des pantins de paille par le souffle d’une explosion, décrivant dans le ciel haché d’éclairs un rêve d’Icare désarticulé avant d’étreindre une dernière fois la lise féconde, bouche ouverte en arrêt sur l’effroi, regard étonné pour tout ce mal qu’on se donne, tandis que le casque renversé se remplit d’une eau claire sauvée du bourbier, vasque délicate pour le jour des colombes (…) ».
Les champs d’honneur
Jean Rouaud
Editions de Minuit, 1990