Princesses de science. Colette Yver

Le roman a été écrit avant la guerre de 14-18 et a obtenu le prix Fémina en 1907. Il a l’intérêt de présenter une thématique forte pour l’époque : celle du choix de travailler ou non pour les femmes « bourgeoises » et éduquées. Les femmes ouvrières ne se posaient pas la question, leur salaire était nécessaire à la vie de la famille, mais les protagonistes de Colette Yver vivaient dans une société plutôt hostile à leur entrée dans la vie professionnelle.

L’autrice a l’habileté de poser remarquablement bien les différentes options qui s’offraient à des étudiantes en médecine à la fin de leurs études. Car toute l’action évolue dans le milieu médical. Thérèse est la fille d’un grand patron de la médecine parisienne et se consacre entièrement à un métier qui la passionne. L’intérêt que lui porte un jeune médecin et le penchant qu’elle a pour lui ne la font pas dévier : elle refuse le mariage qui la contraindrait à interrompre sa carrière.

Cette question du choix entre vie professionnelle et vie d’épouse et de mère est présentée selon un éventail de situations bien intégrées dans le roman : une jeune interne Russe accepte tout de suite le mariage et l’enfermement à la maison du fait de sa pauvreté. Une autre, accoucheuse, gagne difficilement sa vie auprès d’une clientèle pauvre, a plusieurs enfants, et une vie familiale finalement malheureuse. Telle autre, connaissant les difficultés à faire accepter par un homme un travail libéral, préfère garder son métier de médecin, refuse le mariage, et devient la maîtresse d’un grand patron, dans la discrétion.

La trajectoire de Thérèse est plus complexe. Son amoureux finit par accepter qu’elle poursuive sa vocation et ils se marient. Un enfant et son décès précipitent l’évolution des sentiments, et tout au long du roman la lutte de Thérèse pour la liberté des femmes de travailler comme les hommes se heurte aux arguments misogynes de l’époque : « A cause de leur lobe frontal moins volumineux, les femmes ne pouvaient rivaliser avec l’homme dans les carrières scientifiques. Ces êtres nerveux, frémissants et vibrants, feraient tort à la science, la compromettraient ». Un autre a une vision plus honnête : « Je ne me vois pas le mari d’une femme médecin. Vous êtes trop forte pour nous, vous nous écrasez de votre sapience ; je serai horriblement humilié d’en savoir moins que ma femme… Et puis j’ai des idées bourgeoises sur le mariage ».

Roman d’une époque, certes, mais qui décrit un milieu qui a laissé des marques pas si lointaines.

Andreossi

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