Claude. Geneviève Fauconnier

Étonnant roman, qui ne paraît pas son âge (il a obtenu le prix Fémina en 1933), qui a pour titre, rareté dans le genre, le prénom de la narratrice. Quant à l’autrice, elle est la sœur d’un lauréat du Goncourt 1930, « Malaisie » et, comme lui, rattachée au mouvement littéraire appelé « groupe de Barbezieux ».

Des textes de statut différent composent le récit (cahier bleu, agenda, bloc-notes), habileté littéraire qui donne un parfum de vérité autobiographique : le lecteur adhère à cette histoire racontée par Claude, basée pourtant sur une origine familiale plutôt mélo. Une jeune femme meurt en mettant un enfant au monde, Philippe, alors qu’une voisine vient d’accoucher d’un enfant mort-né. Philippe remplace l’absent au sein de la famille déjà nombreuse de madame Dévereux, et devient ainsi un « frère de lait » pour Claude.

Plus tard, Claude, éprise de nature, choisit de devenir l’épouse d’un paysan. Mais elle vit durement cette condition : de nombreux enfants à élever, et un travail à la ferme de plus en plus prenant au fur et à mesure des difficultés liées à l’exploitation agricole. Philippe, parti du pays depuis plusieurs années, revient, et travaille à la ferme de Claude et de son mari. Philippe et Claude se rendent compte que leurs sentiments ont évolué, qu’ils ne sont pas seulement liés par des relations entre « frère et sœur ». Hélas, le mari s’en aperçoit aussi.

Le lecteur est séduit par l’écriture, ainsi ce beau souvenir d’enfance : « Une glace posée dans l’herbe mirait des cimes d’arbres et, dans le bleu, le passage des nuages en boules blanches. Je me penchais, éblouie, sur ce petit lac effrayant d’être si clair, de creuser un tel infini d’azur renversé à mes pieds. Comme pour boire à une source, je posais ma langue à cette fraîcheur et, appelée par le vertige, heurtais mon nez à son reflet ».

Des phrases qui arrêtent la lecture et qui demandent la pause : « Rentrée dans la maison chaude de sommeil où les enfants commençaient à s’étirer, je me sentais ruisselante d’aurore ». Touche  moderne aussi que les réflexions sur l’écriture que fait Philippe à cette paysanne qui tient son journal : « c’est, à rebours, la même pudeur orgueilleuse qui te fait ‘ scribouiller ‘ un journal plutôt qu’une fiction. Mais cette délectation à te raconter ta propre vie, c’est bien le besoin refoulé d’écrire ».

Avec  bonheur Geneviève Fauconnier a su donner un roman qu’il serait dommage d’abandonner aux lecteurs et lectrices des années 30 du XXème siècle.

Andreossi

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