Loin de Paris ? Plein d'expos encore !

Ailleurs qu’à Paris, les propositions ne manquent pas pour passer cet été tout en culture.

Rappelons tout d’abord la singulière exposition présentée en diptyque Dream-Time, temps du Rêve, Grottes, Art Contemporain & Transhistoire, un pan à Toulouse et l’autre dans l’Ariège, dans la grotte du Mas d’Azil, vivement conseillée par Andreossi.

Toujours dans le sud, il faut absolument passer par le magnifique pays cathare, et en profiter pour faire une halte au village de Montolieu : tout près de Carcassonne, s’y concentrent dans une belle humeur de nombreuses librairies – principalement de livres anciens mais sans exclusive. Ce sera peut-être pour vous l’occasion de découvrir les œuvres sur papier de Joan Jordà, peintre d’origine espagnole marqué par l’exil à la suite de la Guerre Civile et les violences totalitaires (jusqu’au 30 septembre, au Musée des Arts et Métiers du Livre).

Tout ailleurs, bien plus près de la capitale, à Giverny, vous avez jusqu’au 15 août pour vous délecter, au nouveau Musée des Impressionnismes, de l’exposition Le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage. A partir du 23 août, ce même musée accueillera un grand peintre de l’abstraction lyrique, Joan Mitchell, ce qui ne devrait pas être mal non plus…
Pourquoi ne pas pousser encore un peu plus vers le Nord pour aller voir des dessins du sculpteur Charles Gadenne, présentés au LAAC de Dunkerque jusqu’au 20 septembre prochain ?

A l’étranger ? Direction l’Espagne : au Musée Guggenheim de Bilbao, l’exposition Cai Guo-Qiang : Je veux croire y est visible jusqu’au 6 septembre.
Quant à PHotoEspaña 2009, festival de photos et d’art visuel madrilène largement recommandé dans ces pages, bien de ses expos durent encore tout l’été (voir dans ce sens le billet du 15 juillet dernier). Quitte à être à Madrid, profitez-en pour visiter Les mondes de l’Islam, à la Fondation de La Caixa, où est réunie une splendide sélection de 180 œuvres issues de la très riche collection de l’Aga Khan.

A voir à Berlin en ce moment au Deutsches Historisches Museum (jusqu’au 6 août) : l’exposition 1989-2009. Le Mur de Berlin. Artistes pour la la Liberté, un choix fait par Sylvestre Verger à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du mur de berlin : les 40 oeuvres présentées sont des fragments de 1 m sur 1,20 m prélevés dès 1990 sur le mur sécuritaire et qui ont servi de support à des créations d’artistes internationaux comme Daniel Buren, Richard Long, Robert Longo, Arman… Après avoir été montrée en mai et juin 2009 dans les jardins du Palais Royal à Paris, l’exposition sera visible à Moscou aux mois de novembre et décembre 2009.

Pour finir avec chic et fraîcheur, on nous signale trois expositions autour du Lac Léman cet été qui s’attarderont jusqu’à l’automne : Rodin et les arts décoratifs au Palais lumières d’Evian (jusqu’au 12 septembre), De courbet à Picasso au Musée Pouchkine de Moscou à la fondation Gianadda (jusqu’au 22 novembre) et Passions partagées, 25 ans de la fondation de l’Hermitage jusqu’au 25 octobre.

Voyageurs d’un jour ou de l’été, bien du bon temps à toutes et à tous !

Image : Charles Gadenne, sans titre, 2002, collection de l’artiste Jacques Quecq d’Henriprêt

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Pour les Parisiens de l'été : beau choix d'expos !

Exposition Maurice Utrillo et Suzanne Valadon à la Pinacotheque de ParisFaire le plein de culture pendant l’été à Paris, c’est possible, et même chaudement recommandé !

Pas mal d’expositions se prolongent encore, comme au Musée d’Orsay, où on peut voir jusqu’au 23 août Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium et L’Italie des architectes. Du relevé à l’invention.
Surtout, il ne faut pas y manquer l’époustouflante exposition des collages originaux de "Une semaine de bonté" de Max Ernst : l’occasion de les admirer dans leur ensemble ne se représentera peut-être pas de si tôt (Orsay, jusqu’au 13 septembre).

Il ne reste en revanche plus que quelques jours pour profiter de l’exposition Filipo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato au Musée du Luxembourg (elle ferme le 2 août), et s’y régaler des trois grands et splendides tableaux religieux de Lippi père, dont la célèbre Vierge à la ceinture.

Le temps commence à presser aussi pour découvrir la plus belle exposition de peinture vue ces derniers mois à Paris : la rétrospective Kandinsky organisée au Centre Pompidou jusqu’au 10 août – car ensuite, en septembre, il faudra aller au Guggenheim de New-York pour la voir…

N’oublions pas non plus, toujours en peinture, le chouette feuilleton Au tournant du siècle à Montmartre que nous propose la Pinacothèque de Paris autour du couple mère-fils Valadon-Utrillo jusqu’au 15 septembre. A noter que durant l’été, le musée organise des visites-ateliers pour les enfants (les mercredis et samedis à 14 h et 16 h, sur réservation) et, les 5 août et 2 septembre des soirées culturelles avec la projection du film de Sacha Guitry Donne-moi tes yeux au cinéma 5 Caumartin.

Côté photos, toutes les occasions sont bonnes pour aller faire le plein du très chéri HCB : Henri Cartier-Bresson à vue d’œil à la Maison européenne de la photographie en est une excellente (jusqu’au 30 août).

A signaler aussi, non vue encore, mais a priori passionnante, l’exposition du Musée des Arts et Métiers présentée jusqu’au 18 octobre 2009, L’avion de l’exploit : 1909, Louis Blériot traverse la Manche. Elle retrace la grande première réalisée par Louis Blériot le 25 juillet 1909, à bord du Blériot XI, un avion qu’il avait lui-même conçu. Cet appareil est suspendu sous la voûte de l’église Saint-Martin-des-Champs réaménagée pour l’occasion, ce même avion qui a permis de franchir les 38 km séparant l’Angleterre du continent il y a cent ans. Le parcours est dédié à Blériot, à ses recherches et à ses innovations techniques, mais aussi à l’évocation poétique et à la place de l’imaginaire dans la conquête de l’air…

Bref, Parisiennes, Parisiens, très bel été à toutes et à tous !

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Max Ernst. ''Une semaine de bonté''. Les collages originaux

Max Ernst, une semaine de bontéFondateur avec Jean Arp du mouvement Dada de Cologne, Max Ernst (1891-1976) s’installe à Paris au début des années 1920, où il participe à la première exposition surréaliste. Arrêté au début de la Seconde Guerre Mondiale, l’artiste allemand s’enfuit aux Etats-Unis avant de revenir définitivement en France dans les années 1950.

Durant l’été 1933 il séjourne dans le nord de l’Italie où, en trois semaines seulement, il réalise une nouvelle série de collages selon une technique qu’il a initiée à l’époque Dada et poursuivie à partir de 1929 sous forme de romans graphiques avec La femme 100 têtes et Rêve d’une petite fille qui voulut entrer au Carmel. Puisant dans la bibliothèque de ses hôtes, il découpe dans des livres illustrés de la fin du XIXème siècle les motifs qui l’inspirent pour en tirer pas moins de 184 collages, réunis dans Une semaine de bonté, roman graphique en sept parties publié en cinq cahiers l’année suivante à Paris.

Le public peut enfin découvrir ces collages originaux, présentés au Musée d’Orsay jusqu’au 13 septembre 2009. Parler de première serait inexact, mais de peu : ils n’ont été exposés qu’une seule fois. C’était à Madrid en 1936.

Une semaine de bonté, titre ironique tant le décalage avec son contenu est grand, se lit effectivement comme un roman. Le parcours suit l’ordre des sept chapitres, chacun représentant un jour de la semaine, auquel est associé un élément et un exemple. Les cinq volumes étaient revêtus d’une reliure de couleur vive que l’exposition reprend pour chacune des salles : mauve pour Dimanche, vert pour Lundi, rouge pour Mardi, bleu pour Mercredi et jaune pour le tome réunissant Jeudi, Vendredi et Samedi.

Ici chez Max Ernst, le premier jour est en effet Dimanche, et sa semaine commence fort. Avec la boue pour élément et le Lion de Belfort pour exemple, l’artiste met en scène la domination constante des faibles, des (belles) femmes en particulier. La bête humaine triomphante à tête féline enchaîne, menace, effraie, torture, tue. Ernst l’a muni de toutes sortes d’armes et a placé ça et là des serpents, crânes et autres éléments symboliques.
Le deuxième jour a pour élément et exemple l’eau. Ce Lundi n’en est pas moins chargé de violence, de peur et de mort : il envoie des flots jusqu’en haut des monuments parisiens, aux pieds des lits ou se trouvent de belles prisonnières, parfois endormies.
Ici aussi Ernst joue avec les corps et leurs positions, insère l’ambigüité et l’érotisme.
La narration, toujours aussi critique, se poursuit avec Mardi et sa Cour du Dragon, où, alors que dans l’ombre un reptile est toujours prêt à se déployer, la bourgeoisie est montrée dans soute son hypocrisie, son désordre intérieur et ses luttes.
Mercredi raconte le mythe d’Oedipe tandis que Jeudi place les menaces dans le signe du coq gaulois – l’Etat français. Vendredi et Samedi sont eux beaucoup plus symboliques et même proprement surréalistes avec L’intérieur de la vue et La clé des chants (ah, ces titres !) où les femmes, enfin libérées, s’envolent vers les cieux, au bord de l’extase, portées par l’étoffe, les nuages et le vent.

La qualité des collages, le soin que Max Ernst a mis à découper et à coller les motifs est tel qu’il est le plus souvent impossible d’en déceler les "coutures". Mais l’extraordinaire tient naturellement aux œuvres elles-mêmes, par lesquelles l’artiste a inventé des scènes allant du quasi-rationnel au totalement onirique, reliées entre elles par des thématiques et des éléments symboliques récurrents.
On peut également voir des planches des livres dont sont issus les motifs prélevés par Ernst, présentées à côté du collage réalisé : la façon dont il retourne les corps, ajoute des personnages, créé des relations entre eux et insère les mouvements est passionnante. Son imagination, son audace, sa férocité et les thèmes traités font de sa Semaine de bonté un livre indispensable. A dévorer des yeux tout l’été à Orsay.

Max Ernst. "Une semaine de bonté". Les collages originaux
Jusqu’au 13 septembre 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf lun. de 9 h 30 à 18 h, le jeu. jusqu’à 21 h 45
Entrée 8 € (TR 5,50 €)

Exposition organisée en partenariat avec l’Albertina de Vienne, le Max Ernst Museum de Brühl, la Kunsthalle de Hambourg et la FUNDACION MAPFRE de Madrid

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Le jardin de Monet à Giverny : l'invention d'un paysage

Le bassin aux nymphéas à GivernyA Giverny dans l’Eure, le musée des Impressionnismes – installé dans les murs de l’ancien Musée d’Art Américain, à proximité des jardins de Claude Monet – présente sa toute première exposition.
S’appuyant sur des photographies, lettres, documents administratifs (notamment une lettre du préfet autorisant le peintre aménager un bras de l’Epte pour y créer son bassin aux nymphéas), elle retrace l’installation des célèbres jardins du père de l’impressionnisme.
Complétée d’une vingtaine de très beaux tableaux de l’artiste, elle rend compte de quelques unes des recherches picturales développées par Claude Monet à Giverny.

Le parcours montre bien les deux processus créatifs qui s’y sont succédés : d’abord l’aménagement du "modèle" (le jardin à la française, suivi du bassin aux nymphéas, d’inspiration plus orientale, avec son illustre pont japonais), puis l’élaboration de l’oeuvre peinte.
Monet attendra que les décors végétaux, et la pièce d’eau dans un second temps, soient en place avant de se mettre à les peindre. Cette entreprise de passion – Monet était fou de jardins -, amorcée en 1883 avec son arrivée à Giverny alors qu’il avait 43 ans ne s’achèvera qu’à sa mort en 1926. Elle trouvera un déploiement et un aboutissement spectaculaire avec la merveilleuse suite des Nymphéas réalisée pour l’Orangerie à Paris.

Avant d’arriver à ce résultat aux limites de l’abstraction, et depuis ses toiles impressionnistes du XIXème, l’évolution de l’oeuvre de Monet est bien lisible à travers les tableaux présentés ici : on y observe un travail de plus en plus précis sur la manière de transposer les changements de lumière, le fouillis et les couleurs du végétal, la transparence, les reflets et le miroitement de l’eau.

Giverny, les jardins de Claude MonetProlongement naturel ou introduction à cette didactique exposition, une promenade dans les jardins de Monet tout à côté nous plonge au cœur des paysages savamment et patiemment construits par l’artiste et ses nombreux jardiniers.
Une balade courte mais si belle que l’on prend le temps, en s’arrêtant à chaque changement de perspective, d’admirer les massifs d’iris et de roses et de mille autres espèces, le petit étang et ses saules si émouvants, le pont sous lequel s’étalent les nénuphars… Une visite qui permet aussi de renouveler son regard sur l’oeuvre de Monet, de l’apprécier mieux encore, rendue ainsi beaucoup plus vivante et attachante.

Le jardin de Monet à Giverny : l’invention d’un paysage Jusqu’au 15 août 2009
Musée des Impressionnismes
99, rue Claude Monet – Giverny (27)
Tel. : 02 32 51 94 65
TLJ de 10 h à 18 h (jusqu’au 13 juillet)
TLJ sf le lun. de 10 h à 18 h (du 14 juillet au 31 octobre)
Entrée 5,5 € (TR 3 € et 4 €)
Gratuit le premier dimanche du mois

Du 23 août au 31 octobre 2009, le musée des Impressionnismes accueillera une exposition consacrée à Joan Mitchell, peintre de l’abstraction lyrique qui a vécu à Vétheuil, tous près de Giverny

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Commémoration de la Retirada : expositions Joan Jordà dans l'Aude

Expositions Joan Jorda à Montolieu et CarcassonneDe fin janvier à début février 1939, près d’un demi-million de Républicains fuient l’Espagne, où la victoire de Franco – soutenu par les régimes totalitaires allemands et italiens – a sonné le glas de la 2ème République.
La France n’est pas préparée à les accueillir et, lorsque la plupart d’entre eux arrivent en Languedoc-Roussillon, tandis que les femmes et les enfants sont répartis dans des centres d’hébergement, les hommes sont groupés sur les plages du Roussillon (à Argelès-sur-mer notamment) à même le sable en plein hiver. Ils sont ensuite internés dans différents camps dans le sud de la France. Beaucoup de ces exilés sont enrôlés dans des Groupements de Travailleurs Etrangers, certains sont déportés vers les camps d’extermination nazis. D’autres s’engagent dans la Résistance Française.

Soixante dix ans après, d’octobre 2008 à l’été 2009, la région Languedoc-Roussillon a voulu commémorer la Retirada (Retraite en espagnol), en encourageant la recherche historique et en organisant des manifestations avec les partenaires associatifs et institutionnels, afin que le passé ne soit pas oublié, et transmis aux jeunes générations.

Montolieu dans l’Aude (aujourd’hui, village du Livre et des Arts graphiques – véritable paradis des bibliophiles en terre cathare) hébergea l’un de ces camps. A son emplacement, outre quelques cachots, on peut y lire une plaque inaugurée le 11 avril dernier : "Ici dans l’ancienne usine furent internés du 30 février au 2 septembre 1939 des Républicains espagnols (au moins 400 détenus) fuyant le fascisme franquiste. Passant souviens-toi."

Expositions Joan Jorda dans l'AudeAgé de dix ans lors de la Retirada, Joan Jordà connaît l’exil, le dénuement, les camps et l’éclatement de la famille. Il se fixe définitivement à Toulouse en 1945. Pratiquement en auto-didacte, il se lance dans la peinture dès 1947. Sa première exposition personnelle, en 1976, montre son engagement dans la dénonciation de la violence des pouvoirs dictatoriaux. Egalement sculpteur, il créé pour la ville de Toulouse le mémorial en bronze L’Exode des Républicains d’Espagne. Il a aussi illustré des ouvrages de Joseph Delteil, Miguel Hernandez, Arthur Rimbaud…

On peut voir les différents aspects de son travail à travers deux expositions complémentaires, à Montolieu et à Carcassonne, la première consacrée aux œuvres sur papier et la seconde aux toiles, sculptures et livres illustrés.
Si certaines œuvres sont abstraites, la plupart des figurations sont des scènes de souffrance, d’enfermement ou d’exil. Les corps des hommes comme ceux des animaux sont brisés, désarticulés ou ligotés. L’œil est effrayé et on croit entendre des cris s’échapper des bouches.
Dans les thématiques et dans certaines compositions, on pense au Picasso de Guernica, alors que la manière, larges aplats, peu de volumes, parfois couleurs pures, cernes noirs, évoque Miró. Quoi d’étonnant à ce que le peintre, qui s’inscrit dans l’Histoire, soit influencé par ses compatriotes, eux-mêmes marqués par leur culture nationale ? On retrouve ainsi chez Jordà la présence de la tauromachie, mais surtout des oppositions, des luttes et la thématique du chaos, dans une recherche de sens et d’humanité qui lui est propre et qui fait de ses peintures des œuvres fortes et émouvantes.

Joan Jordà, Oeuvres sur papier
Jusqu’au 30 septembre 2009
Musée des Arts et Métiers du Livre
Rue de la Mairie – 11170 Montolieu (Tel. 04 68 24 80 04)
Du lun. au sam. de 10 h à 12 h et de 14 h à 18 h
Le dim. de 14 h à 18 h
Entrée libre
Joan Jordà, Peintre et sculpteur
Jusqu’au 13 juin 2009
Centre Joë Bousquet et son Temps
53, rue de Verdun – 11000 Carcassonne (Tel. 04 68 72 50 83)
Du mar. au sam. de 9 h à 12 et de 14 h à 18 h
Entrée libre

A paraître : Joan Jordà, Peintre et sculpteur (coédition Centre Joë Bousquet et son Temps / Association Montolieu Village du Livre et des Arts graphiques), 112 p. sur papier ivoire, souscription 10 € au Centre Joë Bousquet et son Temps

Programme des manifestations organisées pour la commémoration de la Retirada sur le site de la région Languedoc-Roussillon

Voir également le billet consacré au livre de Jordi Soler "Les exilés de la mémoire".

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Filippo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato

Exposition Lippi au Luxembourg, NativitéLe pan de l’histoire de l’art que le musée du Luxembourg nous révèle aujourd’hui a pour cadre la ville de Prato, longtemps occultée par le rayonnement de sa voisine Florence.
Pourtant, Prato connut son heure de gloire, du milieu du XIVème au XVème siècle, époque où le commerce de tissus et de la soie vint enrichir la cité. Pour manifester ce faste, on fit élever un duomo et passa des commandes pour décorer églises et couvents.

C’est dans ce contexte que le florentin Filippo Lippi (1406–1469) fit son entrée à Prato, sollicité par la ville pour orner la cathédrale.
Les commandes se multiplièrent et l’atelier de ce frère carmélite compta de nombreux disciples.
Certes, ce foisonnement artistique ne dura guère – dès le début du XVIème siècle, Prato fut écrasée par sa grande rivale Florence sous la férule des Médicis – mais il donna naissance à des œuvres magnifiques. L’exposition du Luxembourg en témoigne.

Y sont réunis une soixantaine de tableaux et sculptures, issus en grande partie du musée de Prato (en cours de rénovation) et montrés en France pour la première fois.
Si ces œuvres permettent de se rendre compte de l’intense activité artistique de Prato à cette époque, elles révèlent également l’importance des échanges avec les artistes florentins. La présence d’Uccello, de Fra Angelico – maître de Filippo Lippi -, de Botticelli – dont Lippi père fut le maître avant que Lippi fils en deviennent l’élève – montre les influence entre ces deux cités, il est vrai séparées d’une quinzaine de kilomètres seulement.

Exposition au musée du Luxembourg, Lippi, Vierge à la ceintureDe ce parcours toscan à la présentation très élégante, on retient avant tout le travail de Filippo Lippi. Son évolution est ici bien visible. Déjà très beau mais encore hiératique dans les années 1430, il devient ensuite de plus en plus vivant, de plus en plus soigné dans les détails comme dans la composition.
Les trois grands tableaux religieux que Lippi a exécutés avec son élève et ami Fra Diamante, présentés côte à côte sont à cet égard des merveilles : La Présentation au Temple, avec ses éléments d’architecture très Renaissance ainsi que La nativité avec saint Georges et saint Vincent Ferrer, où l’artiste a multiplié les groupes de personnages à différents plans : anges, musiciens, enfants, et enfin les saints tout devant, réunis autour d’une scène très familière, pleine de tendresse et d’humanité. Les deux peintures entourent le clou de l’exposition : la Vierge à la Ceinture.
Cette splendide composition, comme les autres éclatante de couleurs, fourmillant de détails, de riches étoffes, mais aussi pleine de délicatesse dans les traits, de transparence dans les chairs, est une évocation de l’histoire de la ville. Selon la légende en effet, la ceinture de la Vierge lui appartient depuis qu’un marchand de Prato l’a ramenée de Terre Sainte au XIIème siècle.
Mais la Vierge à la ceinture rappelle également la vie de Filippo Lippi. Celui-ci a peint ce tableau pour le couvent Sainte-Marguerite en donnant à la sainte les traits de sa belle, Lucrezia Buti, une nonne échappée du couvent. De cette scandaleuse aventure, en 1457, naquit Filippino Lippi, peintre comme son père, et dont les œuvres présentes ici soulignent l’influence de son maître Botticelli.

Filipo et Filippino Lippi. La Renaissance à Prato
Musée du Luxembourg
19, rue de Vaugirard – Paris 6ème
Jusqu’au 2 août 2009
Ouvert TLJ
Lundi et vendredi de 10 h 30 à 22 h
Mardi, mercredi, jeudi et samedi de 10 h 30 à 19 h
Dimanche et jours fériés de 9 h 30 à 19 h
Entrée 11 € (TR 9 € et 6 €)

Images : Filippo Lippi, Fra Diamante, Nativité (ou Adoration de l’Enfant) avec saint Georges et saint Vincent Ferrer, c. 1456, Détrempe sur panneau, 158 x 168 cm, Museo Civico, Prato © Archivio Museo Civico di Prato
et Filippo Lippi, Fra Diamante, Vierge à la Ceinture entre saint Thomas et la commanditaire Bartolomea de ‘Bovacchiesi et les saints Grégoire, Augustin, Tobie, Marguerite et l’archange Raphaël c. 1456-1465 Détrempe sur panneau, 199 x 191 cm, Museo Civico, Prato © Archivio Museo Civico di Prato

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Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium

Italiennes modèles au musée d'OrsayCette présentation d’œuvres du peintre Ernest Hébert (1817-1908) est l’une des manifestations dédiées à l’Italie à voir en ce moment au musée d’Orsay autour de l’exposition Voir l’Italie et mourir.
Elle nous mène dans les pas du voyage entrepris en 1853 par Hébert en compagnie de deux de ses amis peintres paysagistes, Édouard Imer et Eugène Castelnau. Partis de Marseille avec Naples en ligne de mire, c’est dans les monts Simbruini qu’ils s’attardent. Les croquis et peinture qu’ils en tirent soulignent la fascination que les autochtones ont dû exercer sur les jeunes Français.
Certes, les nombreuses études de villageois en costume traditionnel traduisent l’emballement des peintres pour un certain pittoresque. Mais le charme opère toujours face aux grands et magnifiques tableaux montrant ces jeunes et belles paysannes, sereines près de leurs sources et de leurs rochers. Elles font effectivement de parfaits modèles : ovale du visage, dessin de la bouche charnue, chevelure brune et épaisse surplombant un corps aux courbes charnelles et harmonieuses. Si ces portraits ne sont pas sans évoquer un regard empreint des canons de l’Antique, Hébert a pourtant saisi des femmes pleines de vie, dont les grands yeux noirs immobiles et les traits impassibles semblent voiler bien des pensées, un certain orgueil, un insondable mystère, et peut-être même une grande mélancolie.

Italiennes modèles : Hébert et les paysans du Latium
Musée d’Orsay
Jusqu’au 19 juillet 2009
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : Hébert Ernest Antoine Auguste (1817-1908), Les Filles d’Alvito, 1855, 220 x 152 cm, huile sur toile, Paris, musée national Ernest Hébert © RMN – Franck Raux

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L'Italie des architectes : du relevé à l'invention. Musée d'Orsay

L'Italie des architectes au Musée d'OrsayPour compléter l’exposition Voir l’Italie et mourir, un accrochage de quelques soixante-dix dessins met en évidence l’importance de l’architecture italienne dans la formation des architectes français.

Depuis 1663, aux lauréats du Grand Prix de Rome, revenait le privilège de passer plusieurs années à l’Académie de France à Rome. Mais avec le développement des moyens de communication et de l’intérêt pour l’archéologie, les architectes furent au XIXème siècle de plus en plus nombreux à accomplir leur "Grand Tour" pour découvrir de visu les bâtiments qu’ils avaient étudié dans les livres.

Les deux salles réunissent ainsi des dessins des plus grands architectes français de l’époque, Charles Garnier, Eugène Viollet-le-Duc ou Hector Lefuel, mais également de très belles aquarelles – traduisant l’influence de la peinture chez les architectes français, souvent venus en Italie, il est vrai, accompagnés d’amis peintres.

Une belle place est faite à Louis Boitte qui, outre l’Italie, eu également la possibilité de visiter la Grèce. Le futur architecte du château de Fontainebleau passa cinq ans à la Villa Médicis et a laissé un fonds de quelques huit cents documents de toutes natures, études, relevés archéologiques, croquis, photographies, dont on voit ici d’instructifs échantillons, y compris des dessins de sa participation au concours ouvert en 1883 par l’Etat italien pour le monument dédié à la mémoire de Victor-Emmanuel II.

L’Italie des architectes : du relevé à l’invention
Dessins d’architecture de la collection du musée d’Orsay
Jusqu’au 19 juillet 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : Eugène Viollet-le-Duc (Paris 1814 – Lausanne 1879), Fragment d’architecture pompéienne pour " Histoire d’un dessinateur ", crayon et aquarelle, H. 0.17 x L. 0.108m, musée d’Orsay, Paris, (c) musée d’Orsay / Patrice Schmidt

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La rétrospective Kandinsky au Centre Pompidou

Rétrospective Kandinsky à PompidouC’est une exposition comme on aimerait en voir tous les jours, dans de vastes espaces blancs qui laissent les toiles respirer et le visiteur déambuler à sa guise.

Y sont réunies les œuvres de Vassili Kandinsky (1866-1944) appartenant aux trois grandes collections mondiales, celle de la Städtische Galerie in Lenbachhaus de Munich, celle du Solomon R. Guggenheim Museum de New York et enfin celle de Beaubourg, qui les accueille aujourd’hui.
D’autres institutions et fonds privés ont également prêté leurs trésors pour compléter cette rétrospective historique, qui, après avoir été présentée à Munich cet hiver, s’attardera à Paris jusqu’au 10 août, avant de faire sa rentrée au Guggenheim de New-York en septembre.

En plus des spectaculaires tableaux, le parcours chronologique est ponctué de salles aménagées en cabinets de dessins, où l’on trouve aussi des extraits de publications, permettant de mieux appréhender les échanges, les associations et les contributions de l’un des plus grands maîtres – et pionniers – de la peinture non figurative. Les textes de présentation sont sobres et courts ; juste ce qu’il faut pour éclairer les œuvres et surtout les laisser parler au visiteur, qui, spécialiste comme profane, "entendra" beaucoup d’images et d’émotions malgré l’abstraction.
Au demeurant, l’exposition montre clairement que Kandinsky n’a évacué le sujet du tableau qu’assez progressivement. Et encore, même une fois passé du côté du non-figuratif, il lui arrivait souvent de glisser des formes identifiables dans ses toiles. Comme si, simplement, le sujet n’était pas un sujet pour lui.
Tout semble dire qu’il n’était question que de composition, de formes et de couleurs. La composition, les formes et les couleurs. On pourrait s’arrêter là ; les mots ont quelque chose de déplacé face à l’art de Kandinsky. Pour le moins, ils n’ont pas à s’imposer aux autres.

Car l’on a envie de laisser au visiteur tout le plaisir de découvrir ces œuvres, de passer tranquillement d’un tableau à un autre, de s’arrêter parfois longuement, en reculant ou en se rapprochant de la toile, tant l’effet visuel peut s’en trouver modifié. Et d’y voir ce qu’il y voit, d’apprécier telle association de couleurs, telle "ambiance", d’être sensible à tel ensemble ou encore à tel élément. Les oeuvres de Kandinsky sont bavardes, accueillantes, elles n’en finissent pas de se découvrir, de prolonger la conversation.

On peut aussi lire bien des textes sur la vie, le cheminement et les réflexions artistiques de Kandinsky, eux aussi tout à fait passionnants.
Mais son oeuvre semble s’adresser à une part de chacun qui échappe à la science et au verbe. Il forme un tout très cohérent, où l’approche cosmique n’a d’égal que le soin du détail et du petit, où le goût des formes géométriques n’empêche pas les évocations tendres et sensuelles, où les couleurs aussi contrastées soient-elles jouent toujours l’harmonie.

Kandinsky envisageait la peinture comme une musique pour l’oeil, avec ses Composition, Improvisation et autre Fugue de couleurs. Il y a de cela ; et en même temps, prévaut la délicieuse illusion qu’aucun rythme n’est imposé. Chaque tableau est une surprise et de chaque tableau jaillissent mille surprises. Composition, formes, couleurs. Le reste n’est que littérature, ou l’affaire de chaque spectateur.

Centre Pompidou
Jusqu’au 10 août 2009
Ouvert TLJ sauf le mardi et le 1er mai
De 11 h à 21 h, le jeudi jusqu’à 23 h
Entrée 12 € (TR 9 €)

Image : Einige Kreise, 1926. Guggenheim Museum, New York – © Solomon R. Guggenheim Museum, New York. Collection, by gift © ADAGP, Paris 2009

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Valadon / Utrillo : au tournant du siècle à Montmartre

Exposition Maurice Utrillo et Suzanne Valadon à la Pinacotheque de ParisA travers une centaine de tableaux de Maurice Utrillo et de sa mère Suzanne Valadon, la Pinacothèque de Paris propose jusqu’au 15 septembre 2009 une exposition des plus narratives.

Voici en effet une histoire que les grands romanciers du XIXème siècle auraient pu inventer : Suzanne Valadon, née Marie-Clémentine Valade en 1865, fille naturelle d’une blanchisseuse, brièvement acrobate, devient modèle à l’âge de quinze ans, après avoir italianisé son prénom en Maria pour obtenir plus de succès. Elle pose pour Renoir, Degas, Puvis de Chavannes, devient la maîtresse de Toulouse-Lautrec. Elle n’a pas vingt ans lorsqu’elle donne naissance à un fils, Maurice, lui aussi de père inconnu. Mais le sort de modèle ne la comble pas et, très vite, encouragée par Degas, et en autodidacte, elle se met au dessin.

L’exposition montre que la belle brune (un autoportrait à l’encre de chine souligne sa bouche charnue, ses grands yeux et ses cheveux épais) a eu raison de suivre cette voie : dès 1894, sa Fillette nue allongée sur un canapé montre l’efficacité de son coup de crayon, pour tracer magnifiquement ce corps de fillette anguleux et abandonné, mais aussi pour saisir l’ennui et la mélancolie d’un moment d’attente ou de lassitude.

Le fils Maurice, quant à lui, ne tarde guère à attraper les pinceaux : suivant la mode impressionniste, il va à Montmagny dans le Val d’Oise où, en compagnie de son ami Utter, il peint champs et vergers. La végétation dense est fondue en de superbes camaïeux de verts constellés d’orangés automnaux, et, déjà, la peinture est épaisse, tout en matière.

Mais, en 1909, un événement bouleverse la vie et l’oeuvre de la mère et par contre-coup celles du fils : une passion amoureuse naît entre Suzanne et Utter, qui est aussi jeune que Maurice. Tandis que Suzanne Valadon abandonne le dessin traditionnel pour la peinture, Maurice Utrillo, profondément bouleversé par cette relation, se détourne définitivement de la nature pour ne peindre désormais que la ville. Il s’installe dans le quartier populaire de Montmartre et là, boit sans soif ni mesure. Errements éthyliques, éclats sur la voie publique, tentatives de suicide seront suivies d’emprisonnements et d’internements psychiatriques et établiront à jamais une triste notoriété.

Exposition à la Pinacothèque, Valadon UtrilloPourtant, avant qu’il ne rencontre le succès, en 1914, et se mette alors à peindre "en série" pour acheter sa boisson quotidienne, Utrillo a réalisé de magnifiques paysages urbains (c’est sa période dite "blanche") : ciels blafards, rues grises et désertes, églises de banlieue comme abandonnées, Maurice Utrillo se fait le topographe d’une ville sans couleur ni espoir. Sa peinture, avec ses petites touches en reliefs est d’une superbe matérialité (il n’hésite d’ailleurs pas à utiliser du plâtre pour en garnir ses toiles), mais aussi d’une grande poésie, qui se déploie en particulier dans ses vues urbaines enneigées.

Lorsque la qualité de sa production décline au profit de la quantité, c’est sa mère Suzanne Valadon qui se met à peindre, tous azimuts et en éclatantes couleurs. Ses nus et des natures mortes témoignent d’une extraordinaire vitalité, à l’opposé des perspectives éteintes de son fils.
Du coup, en refermant ce passionnant feuilleton parisien du début du XXème siècle, tout en admirant l’audace de cette femme du peuple devenue artiste par la seule force de sa volonté à une époque où une telle destinée, pour une femme de son rang, n’allait pas de soi, l’on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne devait pas être facile d’être fils d’une telle personnalité…

Suzanne Valadon – Maurice Utrillo
Au tournant du siècle à Montmartre. De l’impressionnisme à l’École de Paris Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Jusqu’au 15 septembre 2009
TLJ de 10 h 30 à 18 h
Les vendredi 1er mai et mardi 14 juillet 2009, de 14 h à 18 h
Nocturnes jusqu’à 21 h tous les premiers mercredis du mois
Entrée 9 € (TR 7 €)

Image : Maurice Utrillo, Le café de la Tourelle à Montmartre, vers 1911, Huile sur carton, 50×73 cm, Courtesy Jean-Thierry Besins, Monaco © Jean Fabris, 2009 © Adagp, Paris 2009

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