Florence, la célébration du Printemps

Botticelli, Le Printemps, OfficesAller à Florence hors saison, c’est entrer à la Galerie des Offices comme en son palais, arpenter les salles de la Galerie Palatine dans un silence d’église, n’avoir qu’à choisir sa table pour s’installer à la terrasse d’un café.

Car en février, le froid hiver toscan réserve de belles journées ensoleillées qui donnent tout à coup l’idée du printemps.

Le poète disait, paraît-il, dans la voix de Paul Valéry : "On doit toujours s’excuser de parler de peinture". On s’en s’abstient pourtant le plus souvent, tant la peinture touche qui a envie de voir, tant elle fait surgir des sentiments d’ordinaire enfouis sous la précipitation des "activités" : chacun prend la liberté de parler de peinture parce que la contemplation d’un tableau, rencontre d’un individu avec une œuvre, est toujours singulière.

Mais pourquoi un tableau nous touche-t-il davantage qu’un autre ? Sa beauté ? Certes, mais parfois, plus encore, sa richesse. On a souvent envie de s’attarder devant les peintures qui ne se révèlent pas au premier regard. On aime qu’un tableau nous séduise par sa beauté mais aussi, et tout autant, qu’il nous intrigue. Siri Hustvedt a brillamment mis en évidence ce phénomène dans son essai, déjà évoqué, Le mystère du rectangle.

C’est peut-être ce qui explique qu’à Florence, dans la salle des Offices où sont réunis les Botticelli, la contemplation du Printemps s’avère plus passionnante encore que celle de la splendide Naissance de Venus.
Est-ce la multiplicité des personnages et des allégories possibles, est-ce l’incertitude quant à leurs rôles respectifs qui nous attirent dans ce tableau ? Est-ce le décor végétal naturel qui semble comme suspendu dans les airs sur son tapis de fleurs ? Est-ce cette expression rêveuse et un peu équivoque sur le visage et dans les yeux de Flore couverte de fleurs ?
Sur tout cela à la fois, il y va de ce que l’on voit et de ce de que l’on imagine, du désigné et de l’invisible, et de toutes ces intrigues qui se superposent à une composition d’une beauté remarquable, aux couleurs et aux détails si délicats.

Mais ici, on pense aussi à la magie du lien entre le geste d’un artiste, vieux de plus de cinq siècles, et notre regard de visiteur d’un jour ; ce geste qui rejoint et réunit la communauté d’hommes de tous horizons et de toutes époques qui, chacun à sa manière, en peignant, en parlant, en écrivant, ou juste en regardant et en respirant aiment célébrer encore et toujours l’éternel retour du Printemps.

Galleria degli Uffizi

Primavera, Sandro Botticelli, vers 1482, peinture (tempera) sur panneau de bois, 203 × 314 cm, Galerie des Offices

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Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse

Fauves hongrois à DijonAprès le musée d’art moderne de Céret, puis le musée Matisse du Cateau-Cambresis, c’est au tour du musée des beaux-arts de Dijon d’accueillir la très belle exposition Fauves hongrois.

Pour cette ultime étape, la sélection de près d’une centaine de tableaux d’artistes hongrois est complétée de plus de cinquante œuvres des maîtres français du Fauvisme : Matisse en premier lieu, bien sûr, mais aussi Derain, Vlaminck, Marquet, Dufy ou encore Van Dongen.
De quoi prendre des couleurs pleins les yeux, tout en jouant les confrontations entre ces "groupes" de grands Fauves…

Fauves hongrois, 1904-1914 – La leçon de Matisse
Du 14 mars au 15 juin 2009
Musée des beaux-arts de Dijon
Palais des ducs et des états de bourgogne 21033 Dijon
TLJ sauf les mardis, 1er et 8 mai
De 10h à 17h jusqu’au 30 avril puis de 9h30 à 18h à partir du 2 mai
Entrée 7 € (TR 4 €, voire gratuité)

Catalogue, 264 p. 39 € (co-édition Biro, musée d’Art moderne de Céret, musée Matisse le Cateau-Cambrésis et musée des beaux-arts de Dijon).
Pour l’exposition dijonnaise, il est enrichi d’un album présentant le volet de l’exposition consacré au fauvisme français.

Image : Vilmos Perlrott Csaba, Nature morte à l’horloge, vers 1910, Huile sur toile, 77 x 67 cm, Kecskemet (Hongrie), Kecskeméti Képtár

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Le Chemin de peinture au MAMAC à Nice

Le chemin de la peinture à NiceUn bâtiment qui prend sa place dans la ville, qui sur trois niveaux présente des volumes amples dans lesquels les œuvres sont à l’aise.

La promenade nous conduit vers les machines de Tinguely, que l’on aimerait en mouvement car il semble qu’elles soient faites pour ça. Mais tel câble d’alimentation n’a pas d’énergie, ou le visiteur n’ose appuyer sur un bouton sans encouragement.
Les sculptures de Nicki de Saint Phalle sont des assemblages d’objets de la vie quotidienne pour lesquels on hésite entre l’amusement et la gêne.
Yves Klein nous a laissé des œuvres bleues, mais pas seulement. On apprendra avec intérêt comment il a su passer d’une utilisation de la femme-objet à peindre à l’objet-femme à peindre (le corps féminin comme outil).
On comprend tout d’un coup comment Christo s’est emballé pour les empaquetages : une de ses premières œuvres est une galerie de voiture, telle qu’on en voyait autrefois sur le toits des autos, qui supporte un gros paquet bien ficelé et soigneusement empaqueté. A l’origine donc, le plus grand réalisme.
Une boutique de Ben, les Ecoles devenues classiques (support/surface, arte povera, abstraction américaine) nous font voyager dans l’histoire de l’art de la deuxième partie du XXème siècle, et nous titillent l’esprit de temps en temps.

Mais ces jours-ci, c’est l’exposition temporaire qui nous a le plus arrêté. Sous le titre « Le Chemin de peinture », cinq peintres contemporains montrent que leur moyen d’expression, par la toile et les couleurs, puisent dans l’Art en général aussi bien que dans les arts particuliers les plus divers. Leur mode est figuratif, mais aussi allusif comme la plupart de leurs bons prédécesseurs. Et comme eux aussi leur réflexion sur le temps est un thème majeur.
Gérard Gasiorowski (1930-1986) fait référence à la très longue histoire de l’art en mettant en présence la Vénus de Laussel (beauté d’il y a 25000 ans) et un orant à tête de faucon Egyptien. Même rapprochement de Denis Castellas (né en 1951) entre peinture et sculpture, à travers des œuvres de Picasso et de Julio Gonzalez.
Valérie Favre (1959) peint des scènes fantastiques, théâtralisées (elle a été actrice), où l’on reconnaît centaures et satyres évoluant dans des décors oniriques.
Alun Williams (1961) suit les traces de Garibaldi à New York, ou Jules Verne à Amiens, par des paysages résumés qui subissent une grande tache rouge.

Exposition le chemin de peinture au Mamac à NiceStéphane Pencréac’h (1970) frappe encore davantage l’inconscient : il prend pour point de départ une photographie, de très grand format, pour représenter des scènes intrigantes, qui content une histoire que nous sommes conviés à recomposer. Si l’on ne sait pas toujours ce que cela dit, « ça parle ». Telle l’Annonciation où l’on voit un intérieur bouleversé par les apparitions de l’extérieur : un aigle d’or vient se poser sur le dossier d’un fauteuil, le paysage urbain tente de passer par les fenêtres, une carcasse rouge d’animal est accrochée devant un homme le couteau au poing.
Tableaux à méditer, qui nous aident à communiquer avec le Mystérieux.

Musée d’Art moderne et d’Art Contemporain Nice
Promenade des Arts
06364 Nice cedex 4
Tous les jours de 10 h à 18 h sauf le dim., le 1er mai, le 25 déc. et le 1er janv.
Entrée libre pour tous depuis le 1er juillet 2008

Images : Valérie Favre, Redescription 2, 2007, Huile sur toile, Triptyque 250 x 195cm Coll. privée
et Stéphane Pencréac’h, L’aigle, 1994, Huile sur toile, 200 x 240 cm, Coll. Privée

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Table ronde – Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ?

Pollock et le chamanisme, table ronde sur le primitivismeMercredi 4 févier, dans le cadre de l’exposition « Pollock et le chamanisme« , la Pinacothèque de Paris propose une table ronde sur le thème « Le primitivisme : racines de l’art moderne et contemporain ? ».

Marc Restillini (directeur de la Pinacothèque de Paris), Françoise Michel-Jones (anthropologue, sociologue, maître de conférences à l’Université de Picardie), Eric de Chassey (professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Tours), Christine Valluet (directrice de la galerie Schoffel-Valluet à Paris), Philippe Peltier (conservateur en chef, Musée du quai Branly) et Didier Ottinger (conservateur en chef, Musée national d’art moderne) échangeront leurs points de vue autour de Guy Boyer, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts.

Qu’est-ce que le primitivisme ?, Comment l’art et la culture des sociétés tribales sont-ils devenus des objets d’intérêt artistique ? ou encore Le primitivisme dans l’art contemporain seront quelques unes des questions abordées au cours de cette soirée.

Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Mercredi 4 février 2009
A 19 h, durée 1 h – 1 h 30
Inscription sur réservation :
servicedespublics@pinacotheque.com
Tel : 01 42 68 81 07

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Picasso et les maîtres au Grand-Palais

Picasso et les maîtres au Grand Palais, Picasso autoportraitAu détour du XXème siècle, âgé d’à peine vingt ans, il avait déjà fait ses académies à Madrid, fréquenté les grands maîtres espagnols, Vélasquez, Goya et Zurbarán au Prado, el Greco à Tolède, côtoyé l’avant-garde barcelonaise et, à Paris, connu la peinture de Puvis de Chavannes, des impressionnistes et les chefs-d’œuvre du Louvre.
Lorsqu’il s’y installe définitivement, en 1904, le jeune Pablo Picasso se mêle à la bohème artistique, met ses pas dans ceux d’Henri-Toulouse Lautrec et d’Edgar Degas en poussant les portes des maisons closes, et, dans les grands Salons des années 1900 découvre les Fauves, Manet, Cézanne, mais aussi Le Bain turc de Dominique Ingres…

En même temps, et alors qu’il a déjà fait l’objet de sa première exposition parisienne grâce à Ambroise Vollard en 1901, il poursuit sans fatigue son exploration du Louvre.

Au cours de sa longue vie, il ne détournera jamais complètement des grands maîtres, comme il ne se détournera jamais de lui-même et de sa liberté créatrice. Point d’école pour Picasso, il le sait très tôt : "Je ne suis pas partisan de suivre une école déterminée, parce que ça n’apporte rien que le maniérisme à ceux qui suivent cette voie".
De tout ce matériau pictural absorbé dans ses jeunes années, naturellement le peintre espagnol se nourrira, certaines veines sont bien visibles, principalement dans ses premières peintures. Mais comment parler véritablement d’influences chez celui qui a tout déconstruit puis reconstruit, figures, espace, composition, qui s’est emparé de tous les sujets, a inventé et fait évolué ses styles, démultiplié ses inspirations, pour produire un œuvre à nul autre pareil, certainement le plus éclatant, le plus riche et le plus fascinant du XXème siècle ?

L’intention de l’exposition du Grand Palais est louable, qui remet ensemble ceux qui se sont fréquentés d’une manière ou d’une autre naguère, Picasso et les maîtres.
L’exploit est à saluer : plus de deux tableaux et dessins venus de partout, des plus grands musées aux collections privées, donnant ainsi l’occasion d’aller visiter une magistrale assemblée.
Picasso et les maîtres au Grand Palais, el grecoEl Greco, Vélasquez, Goya, Zurbarán, Ribera, Poussin, David, Ingres, Delacroix, Manet, Courbet, Lautrec, Degas, Puvis de Chavannes, Cézanne, Renoir, Gauguin, Douanier Rousseau, Titien, Cranach, Rembrandt, Van Gogh… se côtoient, avec, mêlés à eux, une foultitude de Picasso.
Ces grands noms ont de quoi faire tourner la tête.

Le problème est que, in situ, l’effet produit est exactement celui-là. A l’étage en particulier, les tableaux sont à touche-touche, vous n’êtes pas encore "entré" dans une œuvre que déjà le portrait d’à côté vous fait de l’œil, avant que le suivant ne détourne votre attention tout aussi vite. Drôle d’impression, comme s’il y avait trop de chefs d’œuvre au même endroit, et, finalement, presque un sentiment d’indécence.

Au rez-de-chaussée, l’on respire davantage, avec une galerie de natures mortes (dont de splendides Chardin, qui permettent enfin de se poser "quelque part"), mais aussi un ensemble de nus absolument magnifiques devant lesquels on n’a plus le cœur à se plaindre, non vraiment pas.
Alors, même si on n’est plus proche du pudding que du digeste bouillon du soir, on ne se permettra pas de "cracher dans la soupe". Mais ce qui est sûr, c’est qu’en sortant de cette plantureuse et frénétique exposition, l’on a très envie d’aller arpenter, au calme, les musées de Paris, de France, de Navarre et d’ailleurs, pour déguster tranquillement la belle peinture française, italienne et espagnole dont ceux-ci regorgent, en choisissant "ses maîtres », selon son envie, son lieu et son moment, et non pas en roulant des yeux comme des billes comme si tout l’art de la terre, allait, l’instant d’après, disparaître à jamais.

Picasso et les maîtres
Jusqu’au 2 février 2009
Galeries nationales du Grand Palais
3 avenue du Général Eisenhower – Paris 8ème
Entrée par le Square Jean Perrin
M° Franklin-Roosevelt ou Champs-Élysées-Clemenceau
TLJ sf le mardi, de 10 h à 22 h, le jeudi jusqu’à 20 h
Ouverture 24h/24, du vendredi 30 janvier 9 h au lundi 2 février 20 h
Entrée 12 € (TR 8 €)

Images : Pablo Picasso, L’artiste devant sa toile, Paris, musée Picasso © RMN, Gérard Blot et Portrait d’un artiste, El Greco, Séville, Museo de Bellas Artes © Photo Scala

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Mantegna au musée du Louvre

Exposition Mantegna au LouvreDe l’école de Padoue du milieu du Quattrocento, il a repris ces mille ornementations, guirlandes décoratives, angelots, fruits rebondis et marbres polychromes, autant de petites festivités qui animent le tableau et enchantent le regard.

De l’humeur vénitienne, il a aimé la douceur des personnages belliniens, cet air faussement rêveur d’une Sainte Justine délicieusement drapée d’un vêtement au rose délicat. Devenu l’époux de la fille de Jacopo Bellini, il a entretenu, pendant une petite dizaine d’années, un dialogue fructueux avec son beau-frère Giovanni, autour d’une lumière raffinée, de couleurs vives et d’un sens narratif proche de celui du théâtre.

Mais c’est peut-être du côté de la sculpture qu’il faut chercher l’inspiration la plus déterminante d’Andrea Mantegna (1431-1506). En 1443, Donatello, le plus grand sculpteur de son siècle, le Florentin imprégné des idées humanistes et du retour à l’Antique vient à Padoue pour y déployer son art pendant dix ans. De là peut-être est née chez le jeune Mantegna cette veine sculpturale, monumentale, souvent jugée "sévère", ses mises en perspective et ses décors antiquisants.

De toutes ces inspirations, la magnifique exposition du Louvre rend compte. Elle présente le parcours de Mantegna de façon chronologique mais prend soin d’entourer ses œuvres de celles d’autres peintres de son temps, faisant apparaître les influences réciproques et les modalités de diffusion des styles, grâce à des supports comme la gravure ou la collaboration des artistes avec les artisans, orfèvres, menuisiers, tapissiers, potiers…

Tout autant, ce parcours est un hommage au talent et au succès précoce d’Andrea Mantegna, de ses premières réalisations, notamment pour la chapelle Ovetari alors qu’il n’est âgé que de dix-huit ans, au triptyque de San Zeno de Vérone, resté à son emplacement d’origine mais dont on peut admirer ici réunis les trois panneaux de la prédelle. Ils témoignent d’un sens de la mise en scène qui n’a d’égal que celui du détail, digne des maîtres flamands.
Saint-Sebastien du Louvre, MantegnaPuis, très vite, Mantegna est demandé à la cour des Gonzague à Mantoue, où il s’installe en 1460 pour y rester jusqu’à sa mort.
Les tableaux et décors les plus splendides – et souvent somptueux – se succèdent. Si le célèbre Christ mort de Milan n’a pu faire le déplacement, le musée fait en revanche côtoyer son Saint-Sébastien avec celui de Vienne, moins monumental mais peut-être plus touchant, et plus intrigant aussi avec son cavalier dans les nuages. Avec leur décorum ultra-antique, les deux manifestent la nostalgie d’un âge d’or classique idéalisé.

A tant d’austérité, les dernières toiles apportent un divertissement inattendu : avant le cycle des neuf toiles des Triomphes qui occupèrent ses dernières années, Mantegna dut répondre à la commande d’Isabelle d’Este Gonzague, qui voulait orner son studiolo de peintures de différents artistes, et surtout d’oeuvres novatrices. La Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu offre un ensemble d’êtres étranges symboles de l’avarice, de l’ignorance, de la paresse… : voici un Mantegna à l’imagination prolifique, dont la fantaisie et l’inventivité rappellent celles de certaines de ses gravures, où il trouvait quelque espace de liberté, tels Le Combat des dieux marins, plein de monstres en mouvement.

Andra Mantegna s’éteint au tout début du XVIème siècle, après avoir croisé Léonard de Vinci à Mantoue. Il paraît que les deux artistes ne se comprirent pas. Il faut dire que s’ouvrait alors une autre ère, faite de sfumato et d’expressions de l’âme ; la "modernité" de Mantegna n’était déjà plus.

Mantegna
Musée du Louvre
Jusqu’au 5 janvier 2009
TLJ, sf le mardi, de 9 h à 18 h et jusqu’à 22 h les mercredi et vendredi
Jusqu’à 20 h tous les samedis, les 27,28,29 décembre et les 3,4,5 janvier
Billet spécifique pour l’exposition Mantegna : 9,50 €

Images : Andrea Mantegna, Sainte Justine (1453-1455), Bois; H. : 1,18 m ; L. : 0,42 m, Milan, Pinacoteca di Brera, inv. 165 © Sovr. Beni artistici e storici, Pinacoteca di Brera, Milan et Saint Sébastien (vers 1478-1480 ?), Tempera sur toile de lin; H. : 2,55 m ; L. : 1,40 m Paris, Musée du Louvre, dép. des Peintures, RF 1766 © 2008 C2RMF/ Jean-Louis Bellec

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Paris probable et improbable au musée d'Orsay

Paris probable et improbale, dessins d'architectureFinesse des traits, perfection de la ligne, proportions étudiées, voile de couleur, un brin de fantaisie parfois : c’est tout cela que vous admirerez à l’accrochage présenté en ce moment au musée d’Orsay.
Son objet ? Des dessins d’architecte de la fin du XIXème siècle. Son propos : donner un aperçu du visage qu’aurait eu Paris si des choix autres que ce dont nous connaissons le résultat avaient été arrêtés.
Au XIXème en effet, la ville a été largement remodelée, dans une frénésie de construction et de rénovation qui semblait sans limite. A la fin du siècle, il s’agissait de remplacer ce qui avait été détruit par la Commune, mais aussi de construire des édifices destinés à promouvoir la vie culturelle et le rayonnement de la capitale de la France.
Mêlez à ces préoccupations des problématiques politiques – liées à la succession des régimes -, vous aurez une idée de l’effervescence qui agitait les crayons et les équerres à l’époque.
D’autant que la procédure du concours a été alors très largement utilisée, permettant à de jeunes inconnus, et plus généralement à ceux qui n’appartenaient pas aux services de la Ville de prétendre à la commande publique également.

Les dessins d’architecte issus de la collection du musée d’Orsay réunis ici ont été sélectionnés selon trois axes : les projets pour les édifices ; ceux pour des aménagements de la ville ; enfin un florilège de dessins plus saugrenus.

Ainsi l’on découvre le Paris "probable", avec les variations autour du théâtre de la Ville, du Sacré-Coeur, de l’opéra qui deviendra finalement Garnier, de l’opéra Comique ou encore de l’hôtel de Ville dont la reconstruction après l’incendie de mai 1871 était une priorité. Pour celui-ci, le cahier des charges était très strict car il avait été décidé de le rebâtir à l’identique. Malgré tout, par geste politique, l’on voulu tout de même passer par la procédure du concours, le but étant d’affirmer l’esprit républicain…
Le théâtre des Champs-Elysées donna lieu à un véritable feuilleton, opposant l’architecte belge van de Velde aux entrepreneurs Perret qui s’approprièrent son projet et en définitive s’en attribuèrent la paternité au motif qu’ils l’adaptaient à un nouveau matériau, le béton armé : l’innovation technique prenait alors tout son poids…

Dessins d'architecture, accrochage au Musée d'OrsayCôté aménagement de la ville, une autre histoire à épisodes est celle des Tuileries : le palais avait lui aussi été mis à feu pendant la Commune, mais, au contraire de l’hôtel de ville, les tergiversations durèrent tant que ce n’est qu’en 1889, et après bien des hypothèses que les jardins furent en définitive mis en place.

Les Paris "improbables" sont quant à eux les plus amusants. Ainsi, à la place du néo-classique Grand Palais, on peut imaginer, à partir du dessin d’Ernest Sébille un palais fourmillant d’ornementations et exhibant des références phocéennes : proues de navire flanquant la porte d’entrée, cartouches contenant les noms d’artistes marseillais… un tout autre esprit en somme !
Pour finir, un projet de monument à la gloire de la Révolution Française, vieille lune du XIXème siècle, mais qui ne manqua pas d’étonner, Ernest Lheureux ayant conçu cette pyramide évoquant les temples aztèques ! Mais il était un peu trop tôt – juste un petit siècle d’avance sur les pyramides de M. Peï, qui elles, purent voir le jour…

Paris probable et improbable. Dessins d’architecture du musée d’Orsay
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur – Paris 7ème
TLJ sf le lundi, de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Henri Schmit (1851-1904), Projet de reconstruction de l’Opéra Comique : façade sur la Place Boïeldieu et vue perspective de cette façade 1893, plume et encre noire, aquarelle et rehauts d’or H: 0,998 m ; L: 0,647 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn
et Ernest Lheureux (1827-1898), Monument à la gloire de la Révolution française, projet (vue perspective), 1886, crayon, plume et encre, lavis, aquarelle et rehauts d’or, H: 0,48 m ; L: 0,865 m, Musée d’Orsay, Paris © photo musée d’Orsay / rmn

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Pollock et le chamanisme. Pinacothèque de Paris

exposition Pollock et le chamanisme à la Pinacothèque de ParisDe l’américain Jackson Pollock (1912-1956), chef de file de l’expressionnisme abstrait, l’on connaît surtout les drippings, qu’il réalisait en versant ou en jetant de la peinture sur la toile étalée au sol.

La Pinacothèque de Paris propose jusqu’au 15 février 2009, à travers une exposition ambitieuse, d’aborder son œuvre sous un jour nouveau.
Réunissant une quarantaine de tableaux et de gravures issus de collections privées, elle met en lumière l’influence du chamanisme sur l’œuvre de Jackson Pollock, y compris sur la période dite des drippings. La démonstration s’appuie sur les travaux de l’historien d’art Stephen Polcari, commissaire de l’exposition, en pointant les résonances de l’oeuvre de Pollock avec celle du surréaliste André Masson et les rites des cultures amérindiennes.

Entre les explications fournies sur les pratiques initiatiques et les très beaux objets des peuples amérindiens utilisés lors des rites (tels que masques, mats totémiques et cuillères gravées), les superbes tableaux colorés de Pollock des années 1930 et du début des années 1940 trouvent à l’évidence une place de choix. Les rouges, les jaunes, les oranges et les verts s’affrontent et éprouvent leur puissance dans des formes étirées et mouvantes. Il y a le chaos, la contrariété des forces, mais aussi la transformation, la renaissance.

Ces tableaux déjà très physiques et animés laisseront place, à partir de 1947 (mais non exclusivement), à la fameuse "peinture gestuelle" du dripping. Si l’on peut voir dans ces jaillissements de couleur pure le résultat d’une spontanéité presque enfantine, ils évoquent aussi une danse autour de la toile. Pollock les exécutait-il dans une sorte de transe ? Faut-il y voir une autre manifestation de l’influence du symbolique chez Pollock ? Ces lacis de lignes recèlent-ils une signification ?
Beau débat. En toute hypothèse, et chamanisme pour chamanisme, ces tableaux "amérindiens", avec leurs couleurs de feu et la formidable énergie qu’ils dégagent n’ont pas leur pareille pour venir réchauffer, à point nommé, le redoutable hiver parisien.

Pollock et le chamanisme
Jusqu’au 15 février 2009
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
TLJ de 10 h 30 à 18 h, jusqu’à 21 h ts les 1ers mercredis du mois
Les 25 déc. et 1er janv., de 14 h à 18 h
Entrée : 9 € (TR 7 €)
Ateliers enfants les mercredis et samedis : 9 €, durée 1 h 30 (à réserver)

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Fauves hongrois, 1904-1914

Fauves hongrois au musee MatisseAu musée Matisse, le contraste, à la veille de la Toussaint, entre le ciel gris et bas, le froid piquant du Nord et l’explosion de couleurs de ces Fauves hongrois a quelque chose de revigorant. D’autant que les œuvres présentées au Cateau-Cambresis (après une première halte au Musée d’art moderne de Céret cet été) sont totalement inédites en France.

Le public hongrois lui-même ne les a découvertes qu’en 2006 : l’aventure picturale commencée dans les années 1900 quand des peintres sont venus de Hongrie se mêler à la vie créative bouillonnante à Paris, puis poursuivie dans les colonies artistiques hongroises, a été interrompue dès la Grande guerre. Et l’histoire du XXème siècle, avec ses deux Guerres mondiales et ses révolutions, a eu raison de ces œuvres et ces artistes. Il a fallut attendre le début des années 2000 pour qu’à Budapest des étudiants se mettent en projet, avec la Galerie Nationale Hongroise, de les retrouver pour les faire connaître. Après deux années de recherches acharnées, dans le pays et un peu partout en Europe ainsi qu’aux Etats-Unis (les tableaux étaient cachés dans les réserves des musées de province ou chez les particuliers), de vingt-cinq au départ, la "collection" des Fauves hongrois réunissait deux-cent-cinquante peintures. Elles firent l’objet d’une grande exposition à Budapest, dont sont issus les cent-cinquante tableaux présentés en France (la troisième et dernière étape sera Dijon du 13 mars au 15 juin 2009).

Fauves hongrois au musée Matisse, expositionDans ces paysages, natures mortes, portraits et autoportraits se lisent de grandes influences de la peinture française de l’époque : Cézanne, Gauguin, Derain, Van Gogh… et bien sûr Matisse.
Se contenter de ce déchiffrage serait pourtant restrictif. Les Hongrois venus en France ont découvert la peinture moderne et le fauvisme et ont ensuite importe ce "choc culturel" dans leur pays, y initiant une révolution picturale. Mais d’une part ils ne se sont aucunement constitué en mouvement (l’appellation "fauvisme hongrois" est rétrospective) et d’autre part ils ont mêlé l’inspiration occidentale à une manière spécifiquement hongroise, une gestuelle et une utilisation des couleurs originales qui ont donné lieu à des oeuvres singulières, en particulier dans les paysages.
Avec une audace inouïe, les Rippl-Ronai, Czobel autres Bornemisza associent des couleurs vives, voire violentes (vert et rouge, rose et orange, orange et violet) qui ne s’entrechoquent pas, ne se "mangent" pas les unes les autres mais au contraire se valorisent. Ces villages, maisons, églises, vues frontales où la perspective est très peu présente n’ont pour autant rien d’un carnaval. Cernés de larges traits bruns, compartimentés, ces aplats de couleur pure sont soutenus et structurés par un solide sens de la composition et un grand équilibre architectural. La souplesse et la puissance du geste, associées au plein de peinture et à la simplification des formes impriment aux paysages verdoyants et aux maisons colorées une présence exceptionnelle qui ne peut que séduire immédiatement le spectateur.

Fauves hongrois, 1904-1914
Jusqu’au 22 février 2009
Musée Matisse Le Catau-Cambrésis
Palais Fénelon – 59360 Le Cateau-Cambresis
tél. : 00 33 (0)3 27 84 64 64
Tlj sauf le mardi, de 10 h à 18 h
Entrée 4,50 € (TR 3 €), gratuit les 1ers dimanches du mois
Audio guide gratuit (français, anglais, néerlandais)
Visites guidées sans réservation le samedi à 15 h et le dimanche à 10 h 30
Accès : à 90 km de Lille et 170 de Paris ; les week-ends et jours fériés un train Corail Intercités fait la liaison Paris/Le Cateau-Cambresis

Images : Sándor Ziffer, Vieux pont à Nagybánya, 1908, Huile sur toile, 50,5 x 65 cm, Collection Lorenz Czell et Sándor Ziffer, Paysage d’hiver à la barrière, début des années 1910, Huile sur toile, 91,5 x 109,3 cm, Budapest, Magyar Nemzeti Galéria

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Artistes dans la grande guerre. Musée Paul Dupuy, Toulouse

Musée Paul Dupuy à Toulouse, Artistes dans la grande guerreLes musées n’ont pas seulement pour fonction de faire découvrir des œuvres qui méritent l’arrêt du visiteur.
Dans celui-ci, qui est aussi musée d’art graphique, on dresse le portrait d’une génération d’artistes dont les travaux auraient peut-être pu garnir le fonds du musée, si la guerre de 14-18 n’avait décimé les élèves de l’Ecole des Beaux Arts de Toulouse, comme elle a décimé toutes les professions (en Haute Garonne, 20% des jeunes hommes de 18 à 25 ans ont été tués).

Deux salles sont consacrées aux agrandissements de photographies de ces « poilus » dont le plus souvent l’épaisseur des moustaches ne permet pas de distinguer la nature de leur expression : fierté du « devoir », un mot qui revient au revers des photos, impassibilité de la résignation, ou ironie grinçante face à l’absurdité de la situation ? L’un d’entre eux, dans les quelques mots qui accompagnent sa photographie se défini comme « zigouilleur » à tel régiment d’infanterie.

On se demande alors si tel blessé dont la main disparaît sous les bandages pourra continuer à exercer son talent, et pour tel autre, amputé d’un bras, si celui qui lui reste était le bon pour travailler les couleurs.
Devant les photographies des morts, on méditera sur des expressions qui paraissent étranges (« tué à l’ennemi ») ou sur des circonstances insolites (« tué dans le déraillement d’un train de permissionnaires »).
Ces jeunes gens ont laissé leurs fusains réalisés à l’école avant de partir au front. Après, comme pour toute l’activité hors la guerre, les femmes sont plus nombreuses à suivre l’Ecole des Beaux Arts. On connaît même le portrait de la concierge de l’établissement.

Dans la dernière salle, la guerre est mise en images par des dessins de Dunoyer de Segonzac et des estampes de Jacques Bertrand, qui ont illustré le livre de Dorgelès « Le tombeau des poètes ». Les dessins semblent réalisés rapidement, presque à la sauvette : un visage presque d’enfant sous le casque, un fusil, un soldat debout affalé sur la tranchée, un blessé le front et les yeux bandés. Les estampes décrivent des scènes, des paysages. Les arbres sont calcinés, la terre a été bouleversée, ses formes n’ont plus rien de naturel, images d’une planète inconnue.

Une exposition de mémoire, comme on dit des lieux de mémoire, qui suggère que parmi tous ces morts presque anonymes certains auraient connu la gloire. Mais presque tous, sans doute, se seraient contentés de vivre, même anonymement.

Artistes dans la Grande Guerre
Musée Paul Dupuy
13 rue de la Pleau – Toulouse (31)
M° ligne A Esquirol / ligne B Carmes
Jusqu’au 5 janvier 2009
TLJ sf les mardis et jours fériés de 10 h à 17 h
Entrée 3 €, gratuit le 1er dimanche du mois

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