Picasso / Manet : Le déjeuner sur l'herbe, Musée d'Orsay

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbeCette exposition, l’un des volets du triptyque "Picasso et les maîtres" présenté en même temps au Louvre, au Grand Palais et au Musée d’Orsay, constitue une formidable démonstration de la créativité de Picasso, de sa faculté, non pas de copier ou d’imiter, mais de repenser une œuvre, en cherchant, en s’amusant, avec liberté et obstinément.

Combien de versions du Déjeuner sur l’herbe a-t-il réalisées ? Pas moins de vingt-six, entre février 1960 et août 1961, dont la moitié est ici visible. De l’œuvre d’Edouard Manet, il a tiré l’essentiel, comme le côté un peu artificiel, ou du moins "prétexte" du cadre de plein air : en la démantelant, puis en l’effaçant de plus en plus, Picasso fait apparaître cette clairière comme un simple écrin qui permet de concentrer toute l’attention sur les personnages.
Avec ceux-ci, Picasso va aborder de multiples possibilités, tout en conservant sa prééminence au personnage central, le nu féminin, qui, à l’époque, placé à côté des deux hommes vêtus, fit scandale.

Picasso, Manet, le déjeuner sur l'herbe, exposition au Musée d'Orsay Objet de son obsession chez le peintre qui n’a cessé toute sa vie de figurer des femmes, il s’en empare pour mieux enfler, parfois jusqu’à la démesure, réduire ou déplacer ses rondeurs féminines. Ce qui ne l’empêche pas de faire subir à ses voisins toutes sortes de variations quant à leur emplacement, leurs accessoires ou leurs vêtements (dans les cas où il conserve ces derniers)…

Déformés, déstructurés, on pourrait se dire que ces Déjeuners n’ont plus rien à voir avec l’œuvre de 1863. Pourtant, la rupture n’est pas tout à fait consommée. La vision d’ensemble que permet la scénographie de l’exposition, fraîche, aérée et bien pensée, avec le tableau de Manet au centre, donne une frappante impression de continuité. Peut-être tient-elle aux couleurs qui, malgré les différences de tonalités, plus ou moins foncées voire très claires, se retrouvent toujours (vert sombre, blanc, noir, gris, une touche de bleu) ; peut-être tient-elle surtout à la charge érotique du tableau, que Picasso, à travers ces jeux de recompositions, a longuement, passionnément réinterprétée.

Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay
1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Images : Picasso Pablo (dit), Ruiz Blasco Pablo (1881-1973), Le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet, 27 février 1960, Huile sur toile, 114 x 146 cm, Collection Nahmad © Succession Picasso 2008 et Edouard Manet, Le déjeuner sur l’herbe, 1863, Huile sur toile, 2,080 x 2,645 m, Paris, musée d’Orsay © Patrice Schmidt, Paris, musée d’Orsay

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De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris

Ernst, Musée du Luxembourg, expo Miro à WarholL’exposition présente une sélection issue de l’ensemble de 862 oeuvres que le grand entrepreneur portugais José Berardo a mis à la disposition du Centre Culturel de Bélem à Lisbonne depuis juin 2007.

Les soixante-quatorze tableaux, dessins et sculptures visibles au Musée du Luxembourg à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 22 février 2009 permettent de traverser les principaux mouvements picturaux du XXème siècle, Berardo ayant constitué à partir du début des années 1990 une très riche collection d’art moderne, tant européen qu’américain.

Le parcours se découpe sobrement en quatre parties : Dada et le surréalisme (autour de Miró, Magritte, Chirico, Masson, Ernst, Breton, Tanguy, Dali…) ; l’abstraction géométrique en Europe dans l’entre-deux-guerres (Mondrian, Gonzales, Vantongerloo…) ; le Pop Art américain (Warhol, Lichtenstein et autres Tinguely) et le Nouveau réalisme français (Klein, Villeglé notamment) ; les recherches de l’après-guerre, avec Vieria da Silva, Jean-Paul Riopelle, mais aussi Joan Mitchell ou Pierre Soulages.
Cette chronologie est précédée d’une "mise en bouche" donnant le goût et l’esprit de la collection de José Berardo : éclectisme haut de gamme, avec Pollock, Picasso et Nicolas de Staël côte à côte, tandis que le peintre portugais Amadéo de Souza-Cardoso est également mis à l’honneur.

Si l’exposition, didactique, ne prétend à une quelconque exhaustivité, cette judicieuse sélection permet de confronter et regrouper un grand nombre d’artistes qui furent les acteurs des révolutions artistiques des années 1910 aux années 1960.
Une, deux œuvres maximum de chaque peintre ou sculpteur suffisent à souligner le bouillonnement, la frénésie, voire la compétition dans cette soif de renouveler la peinture, entre figuration bousculée, abstractions, non figurations ou encore peintures gestuelles : il s’agissait, de toutes ces manières, d’en finir avec un système de représentation hérité de la Renaissance.

L’aperçu d’ensemble donne vraiment envie d’aller visiter le musée José Berardo à Lisbonne, bénéficiaire de sa collection pendant dix ans (au bout de ce délai l’Etat aura une option d’achat exclusive). En attendant, l’inlassable collectionneur continue d’amasser oeuvres d’art moderne mais aussi d’arts africain et brésilien, de mobilier Art déco, azulejos, minéraux, faïences, étains, et même des collections botaniques (que l’on peut voir au Montepalace à Madère). Son but à chaque fois ? "Garder la mémoire d’une culture". On dirait que l’entreprise a plutôt bien commencé…

De Miró à Warhol. La Collection Berardo à Paris
Musée du Luxembourg
19 rue de Vaugirard – Paris 6ème
Du 16 octobre 2008 au 22 février 2009
Horaires d’ouverture : lun., ven., sam., de 10 h 30 à 22 h
mar., mer., jeu., de 10 h 30 à 19 h et dim.et jours fériés de 9 h 30 à 19 h
Entrée 11 € (TR de 6 € à 9 €)

Image : Max Ernst Coquilles-fleurs, 1929, huile sur toile – Musée Collection Berardo, Lisbonne © Adagp, Paris, 2008

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Aller voir les Nymphéas

Aller voir les Nympheas de Monet à l'OrangerieSi vous avez envie de peinture mais craignez de rencontrer la foule chez Picasso & Co, profitez donc de la lumière automnale et de ces belles journées pour aller vous perdre dans le jardin aquatique de M. Monet.

L’Orangerie, construite sous Napoléon III pour y entreposer les plantes fragiles du jardin des Tuileries pendant l’hiver abrite depuis en 1927 les Nymphéas de Claude Monet. Une installation conforme au vœu de l’artiste, qui avait décidé, dès les années 1910, de les offrir à l’Etat. Les deux salles en ellipse qui en sont tapissées (les toiles ont été marouflées à même les murs) ont été créées spécialement à cet effet.

Les travaux aboutis en 2006 ont permis de mettre fin aux errements qui perduraient depuis les années 1960, époque où, pour accueillir la donation Walter-Guillaume, des aménagements avaient privé les Nymphéas de leur positionnement de choix.

Ils sont désormais et comme à l’origine superbement et simplement éclairés à la lumière du jour, offerts à la contemplation du visiteur venu ici se poser un peu, se fondre dans ces étendues de couleurs, d’eaux et de végétaux. Il y reviendra certainement tant est vrai qu‘"un paysage ne vous imprègne pas en un jour".
Monet a prononcé cette phrase magnifique et prometteuse pour expliquer les quatre années qu’il a laissé passer entre la création de son "jardin d’eau" à Giverny et le début de son entreprise picturale. Sa justification s’est d’ailleurs avérée prophétique puisque de 1897 à sa mort en 1926, il ne cessa de peindre encore et toujours le jardin de sa propriété des bords de Seine, avec son pont japonais, ses iris et ses nénuphars blancs.
Si cette longue fresque d’eau (91 mètres de long au total des huit compositions) est si apaisante, les teintes de bleu constellé de blanc, de vert, de brun et parfois de rose n’y sont pas pour rien ; on est loin du verdâtre morbide des eaux stagnantes. Ici se reflètent les nuages, une ondulation douce semble parcourir le bassin, les fleurs éclore, les saules pleureurs couler avec une tranquillité extrême, la nature suivre son lent mouvement.
Un temps, en 1909, Claude Monet avait envisagé "d’employer à la décoration d’un salon ce thème des nymphéas : transporté le long des murs, enveloppant toutes les parois de son unité, il aurait procuré l’illusion d’un tout sans fin, d’une onde sans horizon et sans rivage ; les nerfs surmenés par le travail se seraient détendus là, selon l’exemple reposant de ces eaux stagnantes et, à qui l’eût habitée, cette pièce aurait offert l’asile d’une méditation paisible au centre d’un aquarium fleuri".
Le peintre a fait mieux que cela, en offrant au public ce moment de grâce qu’il a si bien décrit et qui, un siècle après, lui est toujours aussi nécessaire.

Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries – 75001 Paris
TLJ sf le mardi, le 1er mai et le 25 décembre, de 9 h à 18 h
Métro : 1, 8, 12 station Concorde
Bus : 24, 42, 52, 72, 73, 84, 94 arrêt Concorde
Entrée : 7,5 € (TR : 5,5 €)
Gratuit le premier dimanche de chaque mois

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Le mystère et l'éclat. Pastels du Musée d'Orsay

Le mystère et l'éclat, exposition de pastels à OrsayLes dessins au pastel, apparus au XVème siècle, adorés au XVIIIème avec Chardin et autres Quentin de La Tour, puis délaissés par le le néo-classicisme ont connu un regain d’intérêt dans la seconde moitié du XIXème siècle.

Le Musée d’Orsay rappelle cet engouement et son succès en présentant jusqu’au 1er février une sélection de 118 œuvres issues de ses collections qui en comptent plus de 300.

Un chemin buissonnier en quelque sorte, à côté de la déferlante de la peinture cette saison à Paris, et une première pour l’institution, qui n’avait jamais proposé d’accrochage exclusivement consacré à cette technique.

Une visite d’autant plus conseillée que le parcours se révèle particulièrement riche et, en outre, des plus agréables, dans une belle scénographie de bleus et de mauves. Où l’on découvre que bien des maîtres de la fin du XIXème siècle se sont essayés au pastel, tels Manet, Renoir, Millet, Pierre Puvis de Chavannes…
On aime la douceur des contours et la subtilité des couleurs de ces touches crayeuses et grasses, qui donnent aux portraits davantage de proximité que la peinture, et une impression de vie que n’autorise pas forcément le dessin. Les personnages de Manet prennent ainsi parfois une autre tournure, moins frontale, malgré le réalisme un peu cruel de Madame Emile Zola.

La technique a aussi fait le régal des impressionnistes, comme Boudin, Monet, Pissaro, qui y ont vu le moyen de composer de splendides paysages tout en fondus et délicatesse, profitant du rendu exceptionnel de la lumière du trait au pastel. Une esthétique un peu brumeuse, diaphane, faite d’estompes et de nuances.

Le vaste espace dédié à Degas est sans doute le plus beau du parcours, où danseuses et baigneuses se succèdent dans une explosion de couleurs, d’audace, de grâce et de sensualité, alors que la dernière partie, consacrée aux symbolistes, ne fera peut-être pas l’unanimité. Elle permet toutefois de saluer, par exemple, l’exercice de style de Georges Desvallières, qui avec son impressionnant tableau des Tireurs à l’arc, confirme les possibilités du pastel pour mettre en valeur les volumes (bonjour la musculature de ces athlètes dignes des canons grecs…). Odilon Redon, avec un Grand vitrail a quant à lui rendu à merveille l’ambiance et la splendeur mi-ombre mi-couleur du gothique.

Enfin, le Musée d’Orsay a eu la bonne idée de présenter également des créations contemporaines. On peut notamment admirer, à côté de portraits du XVIIIème, une Lilette dans les feuillages (ou Jardin d’hiver) de Sam Szafran, évocatrice et intrigante à la fois, mettant en scène une femme assise dans le coin d’une immense végétation ciselée, d’un bleu décoratif et délicat… Ce pastel superbe et captivant montre si besoin en est que cette technique n’a pas fini d’inspirer les artistes.

Le mystère et l’éclat. Pastels du Musée d’Orsay
Jusqu’au 1er février 2009
Musée d’Orsay – 1, rue de la Légion d’Honneur, Paris 7ème
TLJ sf le lundi de 9 h 30 à 18 h, le jeudi jusqu’à 21 h 45
Entrée avec le billet du Musée (9,50 €, TR 7 €)

Image : William Degouve de Nuncques (Monthermé, Ardennes, 1867 – Stavelot, Belgique, 1935) "Nocturne au parc royal de Bruxelles", 1897, Pastel, 65 x 50 cm – Paris, musée d’Orsay © RMN (Musée d’Orsay) / © Hervé Lewandowski

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Georges Rouault. Chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu

Georges Rouault, chefs-d'oeuvre de la collection Idemitsu à la Pinacothèque de ParisPeintre catholique adepte des couleurs sombres, ne se rattachant clairement à aucun grand courant pictural du XXème siècle, Georges Rouault (1871-1958) n’est pas a priori un peintre des plus attrayants.

Il mérite pourtant d’être connu au delà de ces poncifs tant sa peinture est belle, parfois gaie et, bien souvent, évoque une gamme d’émotions profondes.
Telle est la découverte que nous réserve l’exposition présentée à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 18 janvier 2009.

D’une manière très vivante, les 70 tableaux issus de la prestigieuse collection japonaise Idemitsu (riche de plus de 400 œuvres) sont organisés autour des grandes amitiés de Georges Rouault, qui sont autant de pistes biographiques et artistiques.
Gustave Moreau, son maître, dont il fut après sa mort le premier directeur du musée qui lui a été consacré ; Matisse, qu’il connut dans l’atelier de Moreau et dont il demeura toute sa vie l’ami ; Léon Bloy, le romancier et critique avec qui les divergences artistiques n’empêchèrent pas une solide amitié ; Ambroise Vollard, son marchand d’art et éditeur qui selon sa méthode lui acheta dès 1913 la totalité de son atelier ; le couple de philosophes Jacques et Raïssa Maritain auprès de qui le natif de Belleville vécut à Versailles ; enfin l’écrivain André Suarès : de cette dernière amitié est né Passion, l’un des plus célèbres ouvrages illustrés de Rouault.

Délaissant le côté religieux de son œuvre, l’exposition souligne au fil des salles le rapprochement qui peut être fait avec la peinture japonaise, conforté sur ce point par le succès que Georges Rouault connut très tôt au Japon. Il est vrai que l’écriture picturale de l’artiste, avec ses cernes noirs (qui peuvent également rappeler, dans une toute autre direction, les vitraux moyenâgeux) et certaines de ses compositions évoquent les estampes traditionnelles Ukiyo-e.

Il n’en demeure pas moins que la peinture de Rouault est à admirer avant tout pour ce qu’elle est : esthétiquement passionnante, multiple et séduisante.
Se laisser choquer, d’abord, par l’outrance, les grands aplats de couleur pure et la violence de ces Hécate guerrière, Juge et autre Lutteur. Admirer ensuite la stylisation qui confine parfois à l’esquisse, comme avec cette Petite écuyère, impression trompeuse tant est fin le travail des couleurs et des ombres. S’émerveiller devant la grâce de Bacchanales parfaitement composées dans une alliance de teintes chair et turquoise, sur des volumes qui ne sont pas sans rappeler Cézanne et Picasso. Ou encore devant la sensualité provocante de ces Baigneuses, en pensant peut-être à l’état de nature cher à Gauguin.
Voyez aussi cette Femme au tambourin : qui a dit couleurs sombres ? Voici du bleu, du jaune, du vert lumineux. Quel profil, quelle classe dans ce portrait, quelle superbe ambiance décorative. Un peu plus loin, Madame X évoquera une non moins grande majesté.

Et puis il y a l’émotion face à ce Clown de face, aux teintes pastel relevées de noir, qui semble tout tourné vers son monde intérieur. A quoi pense-t-il ? Cette étrange expression méditative n’est-elle pas celle d’un homme qui doute ? La Tête de femme, yeux démesurés sur un visage penché vers l’avant suscitera les mêmes questions.

On finira par les vues de Georges Rouault. Elles nous montrent un paysagiste au sens de la composition sûr, imprimant sérénité, vie et équilibre. Que ces toiles aux empâtements épais paraissent éloignées des tout petits paysages du début, ceux peints au temps où Moreau conseillait à ses élèves de "peindre la nature" ! Pour autant, sur un autre support, dans d’autres formats, avec une autre technique et un style pictural fondamentalement différent, il s’en dégage la même tranquillité d’un artiste qui malgré ses dénonciations des travers de la société des hommes, a foi en ce monde, tel ce "modèle de l’intégrité absolue, de la patience acharnée et du travail dévorant, de l’inflexible fidélité à la vision intérieure que sont les premières exigences de l’art", trouvé par Jacques Maritain en son ami Rouault.

Georges Rouault. Chefs-d’oeuvre de la collection Idemitsu
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
TLJ de 10 h 30 à 18 h, les 25 déc. et 1er janv. de 14 h à 18 h
Nocturnes les premiers mercredi du mois jusqu’à 21 h
Entrée 9 € (TR 7 €)

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Peter Doig au Musée d'Art Moderne à Paris

Peter Doig au MAM de la Ville de ParisIl ne reste plus que ce week-end pour y aller. Il faut absolument le faire, et pas seulement pour égayer cette rentrée pluvieuse : tout simplement parce que la peinture de Peter Doig est fascinante et merveilleusement belle.

D’ailleurs, c’est une visite que l’on a envie de refaire dès le lendemain.
Si les grandes toiles du peintre écossais séduisent d’emblée – toutes, sans exception -, en même temps, elles ne se donnent pas entièrement, loin s’en faut, au premier regard, aussi long et attentif soit-il.

Un phénomène est significatif : une fois le circuit terminé, lorsqu’on revient en arrière, on a l’étrange impression de voir certains tableaux pour la première fois, comme si la représentation ne s’était pas vraiment imprimée dans notre iris.

Il y a d’évidence quelque chose qui échappe dans les toiles figuratives de celui qui compte désormais parmi les peintres les plus chers du marché de l’art : au delà de la splendeur des couleurs, de l’intemporalité des paysages, des compositions exceptionnelles, au delà de la sérénité et du sentiment d’empathie avec la nature qui s’en dégagent, subsiste presque toujours une ambiguïté, un mystère. Non, cette peinture-là ne se livre pas entièrement. Et c’est le spectateur qui se met alors à "travailler" irrésistiblement, en se racontant des histoires à partir du tableau.

Regardez par exemple Figures in red boat, représentant un sympathique groupe de jeunes gens en train de canoter. Le reflet de la barque rouge dans l’eau s’étale bizarrement, bien au delà de la proportion visuelle attendue ; ainsi dilué, il se met à évoquer une mare de sang. Et à côté du moteur, l’un des personnages semble être assis à l’extérieur du bateau… enfin, rien n’est moins sûr ; tandis que les palmiers, en partie absorbés par la toile, sont sur le point de disparaître.

Quant à Girl in white with trees, l’un des nombreux très gros coups de coeur de l’exposition, féérique et émouvante fillette perchée dans les arbres sous un ciel nocturne, ce tableau laisse pourtant apparaître, dans le bas, la silhouette d’un homme : juste un bras, une ceinture. A peine esquissé, comme dans un rêve.

Les thématiques de Peter Doig sont récurrentes : ciel étoilé, neige, lac, nuit ou lumière, les deux à la fois, et parfois entre les deux, arbres déclinés à l’infini – arbres qui voilent ; arbres "écrins" ; arbres qui se fondent à l’homme et vice-versa ; arbres "refuges" – et, souvent, un être isolé peuple comme il peut ce paysage.

Vers la fin de l’exposition, voici Pelican Island, l’un des tableaux aux dimensions beaucoup plus réduites que la plupart des toiles de Peter Doig : montagnes brunes venant "mourir" dans l’eau rouge profond dont la ligne d’horizon est finement soulignée de rose, barque bleue, ciel mauve, végétaux émeraude et iris et, au beau milieu de ce ciel du soir, un seul oiseau blanc. Impossible de quitter ce paysage des yeux. D’où vient cet effet d’hypnose ? Il s’agit certainement, pour reprendre le titre d’un livre de Siri Hustvedt évoqué ici, de l’un de ces mystères du rectangle ; on aussi envie de parler, parce que tout à coup l’expression prend son sens, de perfection faite paysage.

Peter Doig
Jusqu’au 7 septembre 2008
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
11, avenue du Président Wilson – Paris 16ème
Du mardi au dimanche de 10 à 18 h et le jeudi jusqu’à 22 h
Entrée : 5 €

Image : Peter Doig, Girl in White with Trees (2001-2002), Oil on Canvas, 300×200 cm, Collection – Bonnefanten Museum Maastricht

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La Pinacothèque de Paris : hier, aujourd'hui, demain

La Pinacotheque de Paris, bilan et programmeAlors qu’elle fêtait son premier anniversaire, le 15 juin dernier, la Pinacothèque de Paris établissait la preuve qu’elle avait d’emblée séduit le public : 700 000 visiteurs en un an, dont plus de 300 000 pour « Soutine » et 200 000 dès les deux premiers mois de l’exposition « Les soldats de l’Eternité ».

La clé de cette réussite : la richesse et la variété de la programmation. Si ces deux manifestations phares furent les plus attractives, notamment en raison de l’originalité et de l’aspect inédit des oeuvres, la Pinacothèque a aussi accueilli Roy Lichtenstein et Man Ray, et rendu hommage aux photographes de l’agence Magnum, ainsi qu’Alexandra Boulat et Anne-Catherine Becker-Echivard.

Cette politique ambitieuse se poursuivra à la rentrée avec deux expositions de peinture, l’une consacrée à Georges Rouault (à partir du 17 septembre), l’autre à Pollock.
La première permettra de redécouvrir un peintre un peu sous-estimé en France et dont la compagnie japonaise Idemitsu possède la plus grande collection au monde. Une sélection de soixante-dix de ces oeuvres, gouaches, huiles, aquarelles et dessins sera présentée pour la première fois au public parisien à l’occasion du cinquantenaire de la disparition du peintre.
La seconde exposition, qualifiée de « pointue » par Marc Restellini, le Directeur de la Pinacothèque de Paris, proposera une relecture de l’oeuvre de Pollock autour de l’idée selon laquelle l’artiste a été à une période influencé par le chamanisme (Pollock et le chamanisme, à partir du 15 octobre).

Et l’exposition Les soldats de l’éternité demeure visible durant tout l’été, jusqu’au 14 septembre.

Les soldats de l’éternité
Pinacothèque de Paris
28, place de la Madeleine – Paris 8ème
Jusqu’au 14 septembre 2008
Tlj de 10 h 30 à 18 h
Entrée 10 € (TR 8 €)

Image : catalogue Soutine, par Marc Restellini, 240 p., 55 €

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Trésors de l'Accademia Carrara de Bergame

Exposition à la fondation de l'HermitageMaglm est en vacances… mais les expos continuent ! Avant de partir, j’ai repéré ceci pour vous… à vous donc d’aller voir, chers lecteurs !

La peinture italienne est à l’honneur cet été à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne, où est présentée une sélection de toiles issues de la collection de l’Accademia Carrara de Bergame.

Outre une école des Beaux-Arts, l’Académie lombarde, fondée en 1796, abrite plus de mille huit cents oeuvres datées du XVème au XIXème siècles.
L’exposition de la Fondation de l’Hermitage réunit des artistes de l’école vénitienne, avec Giovanni Bellini, Carpaccio, Titien, Canaletto, Longhi ou encore Guardi, mais aussi du florentin Botticelli, du lombard Lorenzo Lotto, sans oublier un Saint-Sébastien de Raphaël… au total, ce sont plus de cent oeuvres de la Renaissance au XVIIIème siècles qui sont à admirer jusqu’au 26 octobre 2008.

La peinture italienne, de la Renaissance au XVIIIème siècle
Trésors de l’Accademia Carrara de Bergame à Lausanne
Fondation de l’Hermitage
2, route du Signal – CH – 1000 Lausanne 8
Jusqu’au 26 octobre 2008
Du mar. au dim. de 10 h à 18 h, le jeu. jusqu’à 21 h
Entrée CHF 15. (10 €)
Tarif réduit pour les retraités, les étudiants, les apprentis et les demandeurs d’emploi
Entrée libre pour les enfants

Image : Antonio Canal, dit Canaletto,Le Grand Canal vu du Palais Balbi, 1730, huile sur toile, 62 x 90 cm,Bergame, Accademia Carrara, legs Guglielmo Lochis © photo Accademia Carrara de Bergame

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Les Fauves Hongrois réunis à Céret

Les fauves hongrois au musée de Céret, expositonMaglm est en vacances… mais les expos continuent ! Avant de partir, j’ai repéré ceci pour vous… à vous donc d’aller voir, chers lecteurs !

Faire connaître au public français le travail des artistes hongrois qui révolutionnèrent la peinture de leur pays au contact des nouveaux courants picturaux du XXème siècle, tel est le propos de l’exposition présentée au Musée d’art moderne de Céret (Pyrénées-Orientales) jusqu’au 12 octobre 2008.
Réalisée en partenariat avec le Musée Matisse Le Cateau-Cambrésis et le Musée des Beaux-arts de Dijon, l’exposition réunit quelques cent-soixante oeuvres venues de Hongrie, d’Allemagne, des Etats-Unis ou encore de collections françaises. Est ainsi mis en lumière le fauvisme hongrois de 1904 à 1914, très lié à l’apparition du mouvement fauve en France et notamment au travail d’Henri Matisse.

1904-1914, Fauves hongrois
Jusqu’au 12 octobre 2008
Musée d’art moderne de Céret
8, Bd Maréchal Joffre
BP 60413, 66403 Céret
Ouvert TLJ de 10 h à 19 h jusqu’au 15 septembre
Puis de 10 h à 18 h
Fermeture le mardi du 1er octobre au 15 février
Entrée collection permanente + exposition temporaire 8 € (TR : 6 euros)

Image : Tihanyi Lajos, Scène de rue à Nagybánya (vue depuis la tour), 1908, Huile sur toile, 70 x 70 cm © Coll. Galerie Nationale Hongroise

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Fernand Léger, Paris-New York

Exposition Fernand Léger à BâleMaglm est en vacances… mais les expos continuent ! Avant de partir, j’ai repéré ceci pour vous… à vous donc d’aller voir, chers lecteurs !

La Fondation Beyeler à Bâle rend hommage cet été à l’oeuvre de Fernand Léger (1881-1955) et à son influence dans les développements de l’art moderne, en particulier américain.
A travers une centaine d’oeuvres, la Fondation dresse un panorama des principales phases du travail du peintre, largement représenté dans les collections Beyeler.

Des oeuvres des jeunes années à Paris, influencées par le cubisme, aux Constructeurs et aux grandes toiles colorées des dernières années, cette "rétrospective resserrée" balaye plus de trente ans de création en mettant en relief les liens de Fernand Léger avec les Etats-Unis. Exilé pendant la Seconde guerre mondiale, il y a réalisé d’importantes oeuvres, essentiellement de commande.

Son influence sur la génération du Pop Art américain est également mise en avant par l’exposition d’oeuvres de Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Andy Warhol, Frank Stella entre autres.

Fernand Léger, Paris-New York
Fondation Beyeler
Baselstrasse 101, CH-4125 Riehen/Bâle, Suisse
Jusqu’au 7 septembre 2008
TLJ de 10 h à 18 h, le mercredi jusqu’à 20 h

Image : Fernand Léger, La grande Julie, 1945, Museum of Modern Art (MoMA), New York © 2008, Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala Florence

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