Survage. Les années Collioure 1925-1932

Les années Collioure, Survage

Dans cette petite ville dont le nom évoque si bien couleurs et lumière, entrez, au pied du moulin à vent qui sait encore extraire son huile d’olive, au Musée d’Art Moderne : tout l’été une exposition vous introduit dans l’imaginaire de Léopold Survage, peintre d’origine russe mais installé à Paris dès 1908, inventeur les années suivantes des « Rythmes colorés », et qui visita Collioure régulièrement de 1925 à 1932.

Comme Matisse, Derain et bien d’autres (vous aurez vu des œuvres de certains de ces « autres » en buvant un pot au fameux bar des Templiers aux murs couverts de tableaux), Survage découvre alors la Méditerranée et l’éclat de son soleil, son cadre si propice à l’exposé des mythes antiques.

Les quelques soixante œuvres, en majorité toiles peintes mais aussi dessins, peuvent être relativement diverses par les formes, mais singulièrement homogènes par les thématiques. Les personnages sont des figures qui traversent le temps : dans un fond qui paraît plus ou moins cubiste, les visages des « Pêcheuses » semblent issus de la Renaissance. Les « Porteuses » passent sans cesse dans la ville, allégorie de l’éternel féminin.

Cette permanence des images féminines est interrogée par la présence obsédante de la feuille et de l’oiseau. L’oiseau vole de ses propres ailes, la feuille attend le vent qui l’entraîne. La porteuse et son panier sur la tête, la pêcheuse et son poisson dans la main, semblent incapables de vraiment s’arrêter dans leur course dans la ville et dans le temps. Pourtant, dans le magnifique « Femme à la fenêtre » de 1931, le visage est alors immobile et médite devant la feuille prête à s’envoler, poussée par le vent venu de la mer qu’on aperçoit à l’horizon.

Hommes et taureaux sont associés dans leur tentative de maîtriser les forces. Eléments perturbateurs, qui inquiètent les femmes, ils apparaissent rarement dans cet univers de porteuses et de pêcheuses qui se suffit à lui-même.

Les dessins de Survage mettent en relief ses recherches formelles sur le trait (perceptibles aussi dans sa peinture) : le trait, aussi continu que possible sans lever la main relie les éléments afin qu’ils forment un monde bien cohérent.

Au bord de la Méditerranée, à Collioure, on peut s’arrêter sur la beauté d’une œuvre qui fera aussi rêver.

Survage. Les années Collioure 1925-1932
Musée d’Art Moderne de Collioure
Villa Pams, Route de Port Vendres – 66190 Collioure
Tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h
Entrée 5 € (TR 3 €)
Jusqu’au 30 septembre 2012

Image : Leopold Survage – La femme a la fenêtre, 1931

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Gerhard Richter. Panorama

Exposition Panorama, Gerhard Richter à PompidouEn 50 ans de création, Gerhard Richter, l’un des peintres contemporains allemands les plus connus, dont le Centre Pompidou célèbre les 80 ans cette année en organisant cette première grande rétrospective, semble avoir "tout" peint.

Le titre de l’exposition itinérante, Panorama, qui est déjà passée par Berlin et Londres, reflète bien l’un des axes fondamentaux de l’œuvre de Richter : le travail d’inventaire.
Son œuvre peint, embrassé avec intelligence comme il l’est ici, apparaît en effet plus que jamais comme un "répertoire" de la peinture, dont l’entreprise semble naturellement tournée vers l’éternelle question "Qu’est-ce que la peinture ?".
Gerhard Richter y répond par une autre question : "Que peut la peinture ?", renvoyant sans fin le spectateur à lui-même et à ses propres questions par rapport au tableau : "Qu’est-ce que je vois quand je vois la peinture ?".

Autant dire que le visiteur de Panorama est de bout en bout en éveil, tout à tour ébloui, étonné, éclairé, questionné, renvoyé à de multiples références. C’est que Richter évoque tantôt à l’Histoire – il est un très grand peintre de l’Histoire contemporaine, Allemande bien sûr, mais pas seulement, comme en témoignent ses tableaux sur le 11 septembre 2001 par exemple -, tantôt l’histoire de la peinture, avec des citations de Marcel Duchamp (Rouleau de papier toilette, 1965), du Pop art (Séchoir pliant, 1962), mais aussi du pleinariste (Forêt, 1990), du romantisme (Chinon, 1987), ou encore de Chardin (Lys) et de Vermeer (Lectrice)…, le tout avec les questions de la représentation, du pouvoir de l’image et de ses illusions qui reviennent en fond comme un leitmotiv.

L’accès à l’objet ou au sujet par l’image est et restera une illusion. Richter le souligne de mille façons merveilleuses, qui tournent essentiellement autour de l’idée du verre, plus ou moins transparent, plus ou moins brillant, plus ou moins grossissant.
Il racle la peinture sur le support (de la toile, parfois de l’alu) comme s’il s’agissait d’une vitre. Il étale de la peinture d’émail sous verre, formant des marbrures et des veinures de couleurs brillantes et sublimes, évoquant la fluidité et l’impermanence du sable ou de l’eau (série Aladin de 2010). Il reproduit l’infiniment petit en très très gros (Silicate, 2003, mais surtout sa toile de 20 mètres de long reproduisant à échelle XXL un simple coup de pinceau). Il peint des photographies (il reproduit sur toile à la peinture à l’huile des photographies en les agrandissant au carreau et à l’épiscope), en les floutant plus ou moins, comme si l’objet était placé derrière une vitre légèrement opalescente. Il joue sur la lumière comme l’ont fait tous les peintres depuis la Renaissance, éclairant ici une nuque, là un paysage. Il joue enfin sur l’éloignement optique (de près ou de loin, un même tableau offre une vision fort différente, comme si on l’observait à travers une lentille plus ou moins grossissante). Ses sculptures en verre présentées au fil de l’exposition apparaissent comme le point de sublimation de ces interrogations-là.

Mais cet historien de la peinture regarde aussi du côté du pouvoir narratif de l’image : montrer le mouvement (Tigre, 1965 ; Nu à l’escalier, 1966 ; mais aussi ses tableaux dits abstraits, comme Juin, 1983, d’une énergie vitale incroyable) ; montrer le moment décisif (en 1988, Betty, sa fille, juste avant qu’elle ne tourne la tête ; en 1994, Lectrice, montrant encore sa fille, au moment où elle découvre le contenu d’une lettre) ; montrer que l’image elle-même disparaît (Nu à l’escalier mais aussi la série sur la Bande à Bader ou encore l‘Auto-portrait, qui fait songer aux peintures de Giacometti où le sujet semble s’évanouir dans le cadre), comme tout est voué à la disparition (chères natures mortes et vanités, comme sa célèbre Bougie et son Crâne, 1983 ou ses Lys, 2000), comme tout est voué à la transformation.

Cet insaisissable-là, Gerhard Richter s’obstine à le représenter. Il était l’un des seuls, dans les années 1960 et 1970, à croire encore à la peinture, et à le clamer. Ses œuvres en témoignent. Il est le seul à représenter les montagnes comme non pas un paysage mais comme la sensation d’absorption qu’elles lui inspirent (Alpes II, 1968), les nuages, avec un époustouflant tryptique, à hauteur non pas d’homme (par en dessous) mais d’anges (comme si l’on était dans les nues), la mer avec une telle somptuosité (Marine, 1969).

Tout est en apparence aérien, malgré la gravité de certains sujets. Tout , réellement ou symboliquement, semble lové dans une sorte de sfumato cher à Léonard. Comme si cet immense artiste, avec chaque œuvre, embarquait le spectateur sur le chemin si ambigu de la peinture, à travers une lecture profondément onirique de ses tableaux.

Gerhard Richter. Panorama
Centre Pompidou
Place Georges Pompidou – Paris 4ème
De 11 h à 21 h, nocturnes tous les jeudis jusqu’à 23 h
Fermé le mardi
Jusqu’au 24 septembre 2012

A lire également sur malgm au sujet de Gerhard Richter : Les photographies peintes ; Les mystères du rectangles de Siri Hustvedt ; Les artistes allemands contemporains à Dunkerque.

Image : Gerhard Richter, "Betty", 1988, huile sur toile, 102x72cm, Saint-Louis Art Museum Gerhard Richter 2012 © Gerhard Richter 2012

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Beauté animale au Grand Palais

Exposition beauté animale

Voici une exposition plaisante, conseillée à tous les publics, en particulier familiaux et/ou fatigués.
Une bonne centaine d’œuvres se succèdent, peintures, dessins, gravures et sculptures, agréablement agencées dans une scénographie colorée et aérée, et ne choquant jamais.
De la Renaissance au XXIème siècle, différentes époques se côtoient dans un espace-temps somme toute limité – quid avant le XVIème siècle, et plus encore avant l’Histoire ? – et un espace-lieu qui l’est tout autant – aucune représentation animale venue d’une culture autre qu’occidentale.

L’étude de l’animal sur le plan scientifique, l’approche symbolique, la découverte des bêtes exotiques ainsi que la menace que l’homme fait peser sur l’animal sont tour à tour abordées. Mais l’on regrette qu’aucune de ces thématiques ne soit véritablement creusée, les éclairages se limitant au mieux à quelques rappels historiques, sinon à des commentaires d’une décevante platitude.

Restent les œuvres, bien sûr ! Venues du Louvre, d’Orsay, de nombreux musées de province, mais aussi du Prado ou même du MoMA, elles réserves quelques belles découvertes, comme le tableau d’ouverture où un âne domine génialement un renard, inspiré d’une fable d’Esope et peint par l’Italien Michelangelo Cerquozzi.
La section "chats" est particulièrement réussie, avec le Rendez-vous d’un chat blanc et d’un chat noir sur une lithographie de Manet ou, plus frappant encore, le Combat de chats de Goya, un tableau tout en longueur car destiné à un dessus-de-porte au Palais de l’Escurial. A côté, tout en hauteur, un beau chat blanc de Bonnard et, d’un autre, un chat tout étiré de Giacometti…

Côté bêtes qui font peur, une superbe chauve-souris sculptée par César domine le palier de l’escalier monumental, quand Van Gogh nous surprend avec une autre sur une toile. Une gentille araignée de Louise Bourgeois s’étale sur papier là où l’on aurait tellement aimé une sculpture ! Rien d’effrayant, donc, qu’on se rassure : peu de reptiles, si ce n’est sous la patte d’un magnifique lion de bronze, et l’on reste bien loin de la glaçante meute de loups noirs visible il y a peu au Lieu Unique à Nantes dans le cadre de l’exposition La belle peinture est derrière nous.

Pour témoigner des espèces éteintes, le fameux Dodo de l’ïle Maurice disparu dès le XVIIème siècle est là, sous le pinceau de Savery, alors que la fameuse sculpture blanche de Pompon nous rappelle la menace qui pèse sur l’ours polaire. Pas une image en revanche de l’ours brun des Pyrénées, dont l’homme a pourtant soigneusement fait la peau.

La découverte des animaux du Nouveau Monde, de l’Afrique et de l’Asie est rappelée à travers entre autres une chouette sculpture d’un dindon ou des représentations de la girafe offerte à Charles X. Rembrandt fait montre de son talent pour illustrer la vieillesse en gravant la peau ridée d’une pourtant jeune éléphante, mais s’emmêle les crayons face au rhinocéros, lui ajoutant une corne sur le haut du dos… sans doute n’en avait-il en réalité jamais vu ! Les beaux félins ne sont naturellement pas en reste, notamment sous la patte de Bugatti en sculpture ou la palette de Géricault.

Tout cela ne manque certes pas de charme mais, encore une fois aurait mérité davantage de profondeur, de souffle, voire… d’humour. Si Jean-Baptiste Oudry est bien présent, l’on aurait pu s’attendre à quelques unes de ses belles illustrations des Fables de la Fontaine… seraient-elles elles aussi trop inconvenantes pour le Grand Palais ?

Beauté animale, galeries du Grand Palais

Beauté Animale
Galeries nationales du Grand Palais
Place Clemenceau 75008 Paris
Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 20h
Nocturne le mercredi jusqu’à 22h
Entrée 12 €
Jusqu’au 16 juillet 2012

Images :
Théodore Gericault: Tête de lionne. Vers 1819
Francisco de Goya y Lucientes, Combat de chats (1786-1787), Museo Nacional del Prado, Madrid

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Le Petit Palais du XIXème siècle

Petit Palais, GalerieConstruit comme le Grand Palais qui lui fait face et le pont Alexandre III à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, le Petit Palais abrite depuis 1902 le musée des Beaux Arts de la Ville de Paris. L’art moderne ayant été transféré en 1937 au Palais de Tokyo, il est depuis consacré aux œuvres anciennes, dont beaucoup acquises par donations. Ainsi, y cohabitent des pièces de l’Antiquité, du Moyen-Age, de la Renaissance… jusqu’au XIXème siècle, fort bien représenté.

Un peu Néo-baroque, un peu Néo-classique, l’architecture du Petit Palais ne peut être rattachée qu’à l’éclectisme, style qui à force d’en mélanger plusieurs finit par en inventer un. A l’époque, l’édifice se démarque de ce qui avait constitué la signature des précédentes Expositions Universelles : le tout métallique, dont le symbole parisien est bien sûr la tour Eiffel, édifiée en 1889.
Pour autant, les façades en pierre cachent quelque peu leur jeu : l’ossature est elle métallique. Dessiné par l’architecte Charles Girault, le bâtiment est tout autant l’oeuvre d’ingénieurs. Il est à ce titre bien de son temps.

Malgré la richesses des fonds d’Antiques, d’icônes médiévales, de peinture XVIIème ou encore de mobilier du XVIIIème, le Petit Palais apparaît avant tout comme un musée du XIXème, et plus encore du second XIXème siècle.

Le début du parcours montre la montée en puissance du Naturalisme, en sculpture avec Aimé-Jules Dalou, comme en peinture, avec comme point de départ le réalisme de Courbet, dont on découvre une œuvre exceptionnelle, car non destinée au Salon : l’audacieux Sommeil, placé – comme un clin d’œil – à côté des Demoiselles du bord de Seine. Tandis que pour traiter la réalité Courbet cherchait à montrer la densité de la matière, les Naturalistes à sa suite se sont plutôt appliqués à faire appel à la sentimentalité du public : les tableaux sur le monde ouvrier de Jules Adler en sont un bel exemple. Le triomphe du Naturalisme aboutit en définitive à un résultat opposé à celui de Courbet, avec les palettes très claires (et la manière quelque peu assommante) d’un Léon Bonat ou d’un William Bouguereau.

Ce ne sont pas ces derniers qui attirent le regard dans le fond de cette salle, mais un immense tableau très sombre, illustratif du second Romantisme du XIXème : La Vallée de larmes, signé Gustave Doré. Il s’agit d’une rareté dans les collections françaises, car nous connaissons surtout Doré pour son travail d’illustrateur. En fait, il a réalisé aussi des peintures de dimensions monumentales, des thèmes religieux ou des paysages, mais qui ont été acquises par des Américains et se trouvent depuis de l’autre côté de l’Atlantique.

Petit Palais, escalierDe cette somptueuse Vallée de larmes, l’on passe à la peinture de paysage, lame de fond du XIXème à côté de la peinture d’histoire : ici se côtoient des peintres aussi différents que Sisley, Jongkind, Pissarro ou encore Monet. Leur point commun : l’abandon du paysage composé, au profit d’un paysage naturalise, parfois très influencé par la peinture hollandaise du XVIIème, comme le montrent les petits formats de G. Michel et de Jongkind.

Avec les Impressionnistes, l’objet du paysage évolue : alors que les peintres de l’école de Barbizon cherchaient une nature vierge, sans présence humaine, les Impressionnistes représentent des cadres davantage urbanisés : des banlieues desservies par des chemins de fer, des ports… avec eux, c’est l’idée même de nature pure qui a cessé de se manifester.
Si Monet va très loin dans la dé-construction du tableau, jusqu’à s’affranchir, avec les Nymphéas, de toute notion de structure, on assiste en revanche dans les années 1880 à un retour en force du dessin, notamment avec Renoir bien sûr, mais aussi avec les Néo-impressionnistes aux paysages très structurés comme Pissarro.

La salle suivante entraîne vers un autre mouvement : celui de la peinture décorative, avec Gauguin, Maurice Denis et les Nabis. Ici règne le culte des grands aplats et des effets de rythme ondulants et chatoyants…
Poursuivez l’exploration du XIXème au niveau inférieur, avec notamment la sculpture néo-baroque de Carpeaux, les portraits réalistes de Courbet et de Daumier (en profiter pour y voir une de ses rares peintures : L’amateur d’estampes).

Et si vous ne l’avez pas fait en début de visite, n’oubliez pas de vous arrêter devant les pièces Art nouveau, en particulier de Lalique et de Gallé : elles déploient leurs merveilleuses couleurs, leurs verres opalescents et leurs reflets irisés dans la galerie de façade, en hommage au "moment 1900", qui est celui de l’édification de ce très séduisant Petit Palais.

Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston Churchill – 75008 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Fermé le lundi et les jours fériés
Nocturnes le jeudi jusqu’à 20h uniquement pour les expositions temporaires
Accès gratuit aux collections permanentes
Entrée payante pour les expositions temporaires

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Sainte Anne, l'ultime chef-d'œuvre de Léonard de Vinci

Sainte-Anne, ultime chef d'oeuvre de VinciSi la collection de la Reine d’Angleterre est la plus fournie en dessins de Léonard de Vinci, c’est au Louvre que se concentre le plus important ensemble de peintures du maître de la Renaissance : la Joconde bien évidemment, mais aussi notamment la Vierge aux rochers, le Saint-Jean-Baptiste et… la Sainte-Anne.

Sainte-Anne, tableau célèbre, énormément copié au XVIème siècle, inspirant Delacroix au XIXème, puis au XXème Max Ernst (Le baiser, 1927) et même Freud, qui commis une étude à partir de la détection d’un vautour sur le tableau (formé par les jambes un bras de la Vierge) relié à un rêve que Léonard aurait fait dans son enfance… pour ne citer que quelques exemples de sa renommée.

Malgré tout, cette Anne trinitaire demeurait quelque peu en retrait au Louvre : plus exactement, elle se trouvait dans l’ombre que l’épreuve cruelle du temps lui avait infligée au fil des cinq siècles qui nous séparent du moment de sa création : jaunissement et microfissures du vernis, multiplication des couches de peintures liées aux restaurations, sans parler des vilaines taches noires qui constellaient sa surface. Elle était devenue une bien pauvre trinité, salie, aux couleurs pâlottes et aux contours imprécis.

Il a donc fallu prendre le taureau par les cornes pour rendre à Sainte-Anne, à la Vierge, à l’enfant Jésus et même à l’agneau et aux montagnes toute leur dignité.
Mais la prudence s’imposait, les restaurations de chefs-d’œuvre pouvant parfois susciter le scandale (voir la restauration de la chapelle Sixtine dans les années 1980, jugée trop "lumineuse" par certains…). Fut donc mise en place une commission scientifique de haut vol, tandis que Vincent Delieuvin, conservateur au département des Peintures du musée, se lançait dès 2006 dans une passionnante enquête sur l’histoire de ce tableau que Léonard de Vinci commença en 1501, travailla près de 20 ans (envisageant successivement pas moins de trois versions) et laissa inachevé à sa mort en 1519.
Les quatre planches de peuplier du grand tableau (1,68 m par 1,30 m) étaient elles soumises non seulement à la loupe mais aux techniques d’imagerie les plus sophistiquées : pas un mm² de peinture qui n’ait été ausculté. Enfin, Cinzia Pasquali, Parisienne d’origine Italienne fut désignée pour passer à l’acte crucial : restaurer le tableau pour le débarrasser de toutes ses scories et lui rendre son éclat originel. Cette ultime étape seule l’occupa près d’un an et demi…

Sainte-Anne, exposition du LouvreNe restait alors plus qu’à valoriser ce travail d’orfèvre et toutes ces recherches, et à partager cette renaissance avec le public. C’est chose faite depuis le 29 mars dernier grâce à l’exposition du Louvre qui restera ouverte jusqu’au 25 juin prochain. De l’histoire du tableau, de ses inspirations, de ses copies, de ses suites et de ses copies, tout nous est dit, tout nous est montré, y compris les questions encore en suspens, y compris les "repentirs" de son auteur Léonard.
Pas moins de 134 œuvres entourent le chef-d’œuvre, dont un bon nombre sont aussi des chefs-d’œuvre… Un seul exemple : cette merveilleuse étude pour la tête de la Vierge, venue du Metropolitan Museum of Art. La reine Elisabeth II a elle aussi prêté son ensemble exceptionnel de dessins. C’est bien simple, c’est la première fois de son histoire que son réunis autour du tableau l’ensemble de ses documents préparatoires et de ses copies.
Et le travail d’exposition est si bien fait que l’on suit le parcours non seulement avec une curiosité de tous les instants, mais aussi avec l’agréable impression de tout saisir de l’histoire dense et pleine de rebondissements de cet inoubliable tableau.

La Sainte Anne, l’ultime chef-d’œuvre de Léonard de Vinci
Musée du Louvre
TLJ sauf le mar., de 9 h à 17 h 45, mer. et ven. jsq 21 h 45
Sam. et dim. jsqu 19 h 45
Entrée 11 €
Jusqu’au 25 juin 2012

Images :
Léonard de Vinci, Sainte Anne, vers 1503-1519 © RMN, musée du Louvre / René Gabriel Ojéda
et Léonard de Vinci, Etude pour la tête de la Vierge, vers 1507-1510, New York, The Metropolitan Museum of Art © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN / image of the MMA

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Modigliani, Soutine et l'Aventure de Montparnasse

La collection Jonas NetterAprès les riches expositions consacrées à Soutine, Vlaminck, Valadon et Utrillo, la Pinacothèque poursuit son chemin de l’Ecole de Paris, tout en s’attachant à mettre en valeur un grand collectionneur, avec un ensemble de plus de 120 tableaux issus de la collection de Jonas Netter.

Inconnu du grand public, Jonas Netter était un commerçant alsacien installé à Paris qui, passionné d’art (aussi bien de peinture que de musique) mais ne pouvant acquérir les artistes alors reconnus comme les impressionnistes, bien trop onéreux pour sa bourse, se dirige grâce au marchand polonais Zborowski vers des peintres moins ou pas connus et commence une merveilleuse collection. Il fut l’un des premier à acheter des toiles de Modigliani, à la suite de Paul Guillaume qui l’avait soutenu Avant-guerre. Il s’entiche aussi de Soutine et de bien d’autres peintres juifs du Montparnasse des Années folles.

L’on retrouve ainsi sur les cimaises de la Pinacothèque des œuvres signées des plus grands peintres de l’Ecole de Paris, à côté de toiles réalisées par des artistes qui n’ont pas passé la postérité. Organisé tout simplement par artiste, le parcours permet de croiser Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, André Derain, Amédéo Modigliani, Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Maurice de Vlaminck, Michel Kikoïne, Isaac Anchter et bien d’autres. Malgré la diversité des artistes représentés, la cohérence de la collection Netter est bien visible, l’ensemble de tableaux, uniquement figuratifs, étant essentiellement rattaché aux années 1910 et 1920 (avec quelques œuvres des années 1900).

Le moment le plus fort de l’exposition est celui où l’on découvre un ensemble de toiles de Modigliani, accessibles au public pour la première fois. Les quelques dessins qui les accompagnent permettent de relever les inspirations "primitivistes" de l’artiste, avant qu’il ne les transforme en sa manière propre, reconnaissable entre toutes. Sur l’un d’eux, l’on reconnaît une patte très brancusienne qui rappelle son amitié avec le célèbre sculpteur Roumain. Mais ce sont ses grands portraits à l’huile dont on se délecte le plus : la magnifique Elvire à la collerette de l’affiche, mais aussi d’autres portraits de femmes, une délicieuse Fillette en bleu et plusieurs de ses amis (notamment Zborowski et Soutine). Mains croisées sur le ventre, tête penchée, lèvres et joues rougies, de ces personnages hiératiques se dégagent une profondeur et une mélancolie qui les rendent sans âge ni époque, renvoyant davantage à la statuaire médiévale, aux primitifs italiens et aux sourires énigmatiques de la Renaissance qu’à l’expressionnisme du XXème siècle auquel Modigliani appartient.

Parmi les autres chefs d’œuvre du parcours, de magnifiques Soutine comme L’homme au chapeau, l’hyper expressionniste La Folle ou encore un Paysage montagneux à la limite de l’abstraction dont on raffole.
Et en début d’exposition, aux côtés de Valadon, l’on aura retrouvé de ces paysages urbains dont Utrillo avait le secret avec ses magnifiques lignes de fuite, trouées urbaines filant sur des rues désertes et d’émouvantes façades, venant souligner tout le charme du Paris populaire du début du siècle dernier, et qui était aussi celui de l’avant-garde artistique européenne.

Modigliani, Soutine et l’Aventure de Montparnasse
La collection Jonas Netter
Pinacothèque de Paris
8, rue Vignon – 75008 Paris
TLJ de 10h30 à 18h30, jsq 21h les mer. et ven.
Le 1er mai, ouverture de 14h à 18h30 Entrée 10 €
Jusqu’au 9 septembre 2012

Image :
Amedeo Modigliani, Elvire au col blanc (Elvire à la collerette), 1917 ou 1918, huile sur toile, 92 x 65 cm. Collection privée © Photo : Pinacothèque de Paris

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Matisse, paires et séries à Pompidou

Matisse, Paires et séries, Pompidou

Quel printemps, amis Parisiens, quel printemps ! Après Artemisia il y a quinze jours et Degas et le nu le week-end dernier, nous poursuivons l’exploration des expositions de la saison avec autant de joie. Morceau de choix s’il en est, voici Matisse, Paires et séries, présentée à Pompidou jusqu’au 18 juin prochain. Soixante peintures et une trentaine de dessins couvrant plus d’un demi-siècle de la longue carrière d’Henri Matisse (1869-1954) : voici de quoi cheminer gaiement à travers l’ensemble de son œuvre.

Le thème de l’exposition est novateur dans la façon de présenter l’œuvre de Matisse ; pourtant, en la parcourant, cette approche semble relever de l’évidence, tant le travail en série était fondamental chez lui.
Dès le début, avec ses Nature morte, pommes, oranges des années 1898-1899, l’on découvre qu’il a commencé très vite à travailler un même motif sur des toiles de dimensions identiques, en recherchant différents modes de représentation.
Les œuvres sont ainsi accrochées systématiquement deux par deux, ou trois par trois, parfois plus, comme à la toute fin, avec les quatre grandes gouaches découpées des célèbres Nu bleu de 1952.

Entre ces deux points de repère, c’est toute une évolution que l’on suit, avec beaucoup de découvertes et de rapprochements jusqu’alors inédits. Sur le processus de création, l’évocation de l’exposition de la galerie Maeght de 1945 est passionnante : Matisse y fait présenter six de ses œuvres entourées de photographies (tirées aux mêmes dimensions que les peintures) représentant cinq états intermédiaires du tableau ! En effet, depuis les années 1930, l’artiste avait pris l’habitude de faire photographier ses peintures lorsqu’elles lui paraissaient avoir atteint un résultat satisfaisant. C’est ici que l’on comprend que Matisse pouvait changer de nombreuses fois successives la façon de représenter son sujet. Les modifications ne relèvent d’ailleurs pas du détail, loin de là : c’est toute une perspective, un point focal, un objet, des couleurs qui peuvent être remises en cause à chaque fois. Parfois, comme avec Le rêve ou la dormeuse, l’étape ultime du tableau ne semble plus qu’être la représentation d’une idée : tant de clarté dans les teintes, de douceur dans les traits de la femme, de rondeur dans les les lignes de son corps (en contrepoint de la relative dureté géométrique du soubassement de la table et des motifs de la blouse), c’est bien l’idée même de sommeil, de rêve et d’abandon que Matisse nous place sous les yeux.

Toutes les œuvres réunies pour l’occasion sont magnifiques et méritent bien entendu d’être vues pour elles-mêmes. Les motifs – des femmes, des fleurs, quelques vues et paysages, une grande prégnance des décors et des étoffes -, les couleurs – splendides et profondes -, la manière – aplats de peinture, formes de plus en plus simplifiées puis presque stylisées – font des tableaux d’Henri Matisse une peinture éminemment séduisante, à la fois reposante et rafraîchissante. Une occasion de plus de le constater, tout en enrichissant considérablement la connaissance de son œuvre immense.

Matisse, Paires et séries
Centre Pompidou
Jusqu’au 18 juin 2012
TLJ sauf le mardi de 11 h à 21 h, nocturne le jeudi jsq 23 h
Voir toutes les informations pratiques sur le site

Image :
Détail de l’affiche de l’exposition :
Henri Matisse, "La Blouse Roumaine", 1940, Huile sur toile, 92x73cm © Succession H. Matisse – Collection Centre Pompidou / J-C. Planchet / Dist. RMN-GP (à gauche)
Henri Matisse, "Le Rêve ou la Dormeuse", 1940, Huile sur toile, 81x65cm, Succession H. Matisse – Collection particulière (à droite)

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Artemisia Gentileschi au musée Maillol

Artemisia Gentileschi, Musee Maillol

Elle est, selon les commissaires de l’exposition "la moins connue des plus grands peintres du XVIIème siècle européen". Née en 1593, Artemisia Gentileschi est la fille d’Orazio Gentileschi, lui-même grand peintre baroque à Rome. Initiée à la peinture par son père, Artemisia a ensuite suivi son propre chemin au fil d’une carrière de premier plan, qui la mena de Rome à Florence, puis de Rome à Naples, avec un passage par l’Angleterre.

Pourquoi est-elle encore si peu connue aujourd’hui ? Sans doute parce qu’étant une femme, l’éclairage de son œuvre s’est au fil des siècles avéré moins favorable que celui apporté aux peintres hommes. Mais surtout, parce qu’au XXème siècle, son travail a été essentiellement abordé sous un aspect psychologisant, avec une lecture de ses tableaux avant tout biographique, ramenant leurs thématiques au traumatisme qu’elle a subi à l’âge de 17 ans, violée par un peintre collègue de son peintre, événement suivi d’un retentissant procès.
Or, s’il est vrai que les représentations violentes issues de la mythologie sont bien présentes dans son œuvre, comme le Suicide de Lucrèce, Artemisia Gentileschi ne s’est pas, loin de là, enfermée dans cette voie. Et si elle a peint beaucoup de femmes, à travers des portraits, des peintures religieuses ou d’histoire, ces thèmes ne sont que le reflet des goûts de l’époque.

La rétrospective du Musée Maillol, une première dans notre pays, permet enfin au public français de découvrir l’œuvre d’Artemisia Gentileschi.
A rebours chronologique, l’exposition débute avec par la période napolitaine, où l’artiste, entre 1630 et 1654, à l’apogée de son art, connaît son plus grand succès international.
C’est ici que l’on admire quelques uns de ses plus beaux tableaux. Si l’on tombe en premier regard sur un impressionnant Suzanne et les vieillards, la visite démarre à proprement parler avec une très belle suite de femmes : un autoportrait, deux Madeleine, une Cléopâtre. La maîtrise de la lumière et des expressions apparaissent d’emblée dans ces portraits cadrés en très gros plans. L’on retrouve ce talent pour montrer la nuance d’expressions dans un grand Nymphe Corisca et le Satyre, où la nymphe, non dénuée d’ambiguïté, a un air légèrement moqueur. Quant à L’Allégorie de la peinture, on se demande si son auteur la prend véritablement au sérieux…

Les autres sections montrent les différentes phases de son œuvres, avec notamment de délicieuses Vierge à l’enfant, dont deux placées côte à côte permettent de relever l’évolution de l’artiste entre 1608-09 et 1616-18 : entre ces deux périodes, Artemisia s’est détachée du style de son père marqué par des couleurs claires, pour accentuer les contrastes clairs-obscurs et celui des couleurs, et donner davantage de présence à des personnages.
Cette heureuse manière se retrouve dans deux merveilleuses huiles sur cuivre de dimensions modestes, mais si délicates et lumineuses : une Danaé recevant la pluie d’or et une Vierge au rosaire de 1651. Cette dernière est installée dans une petite salle à part, à côté d’un David méditant devant la tête de Goliath, œuvre de son père Orazio Gentileschi, découverte quelques semaines seulement avant l’ouverture de l’exposition et brillant exemple de peinture sur pierre, avec un précieux lapis-lazuli afghan d’un bleu inoubliable.

Artemisia
Pouvoir, gloire et passions d’une femme peintre
Musée Maillol
61, rue de Grenelle 75007 PARIS
TLJ même les jours fériés, de 10h30 à 19h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30
Entrée plein tarif 11 €
Jusqu’au 15 juillet 2012

A voir aussi en ce moment au 2ème étage du Musée Maillol : des tableaux de la désormais célèbre Séraphine, si colorés, lumineux et pleins de vie !

Images :
Artemisia Gentileschi, Danaé, c. 1612, huile sur cuivre, 41,3 x 52,7 cm © Saint Louis, The Saint Louis Art Museum

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Degas et le nu au Musée d'Orsay

Après le bain, femme nue s'essuyant les pieds, Degas et le nuIl s’agit assurément de l’une des plus belles expositions de ce début de printemps. Degas et le nu est une merveilleuse façon de traverser le parcours de cet artiste majeur du XIXème siècle (1834-1917) qui a fait la transition entre l’Académisme et la modernité avec une extraordinaire souplesse.

Au départ, cet enfant de la haute bourgeoisie est formé à l’école ingresque classique, enseignement qu’il complète par la fréquentation des maîtres de la Renaissance italienne. Ses premiers dessins ici exposés témoignent de cette parfaite maîtrise du dessin, qui lui donnera sans doute plus tard l’aisance pour appréhender le corps de manière beaucoup moins conventionnelle. Rare corps masculin du parcours, son Nu aux bras croisés exécuté à la sanguine en 1857 relève certes de la tradition du nu en atelier d’après modèle, mais annonce déjà le désir d’une approche plus "naturelle", avec une pose en équilibre d’une étonnante décontraction.

Ses premiers grands tableaux appartiennent encore à la peinture d’histoire. Ils sont surprenants, quand on ne connaît que ce qui a fait plus tard le succès d’Edgar Degas ! Mais dans les années 1860, en s’essayant à des compositions historiques ou mythologiques, il était bien de son temps… Voici donc un très classique Petites filles spartiates provoquant les garçons, suivi d’une Scène de guerre au Moyen-Age entourée d’un ensemble aussi complet qu’intéressant de dessins préparatoires, où l’on voit que l’artiste commence à se défaire de sa formation académique, pour à la fois s’inspirer de certaines scènes des Désastres de la guerre de Goya, et innover de nouvelles postures des corps. D’ailleurs, ces dernières ne sont pas sans annoncer les baigneuses qu’il réalisera plus tard…

C’est une veine résolument naturaliste qu’il entreprend dans les années suivantes, oubliant les canons classiques, pour dévoiler les corps féminins tels qu’ils sont intrinsèquement, mais aussi tels qu’ils se tiennent, se courbent, s’abandonnent… Il ne semble y avoir chez le Degas moderne nulle recherche purement esthétique ou sensuelle, mais uniquement le désir de montrer la vérité des corps dénudés, là où ils se trouvent. C’est ainsi que l’on découvre, dans une salle améthyste à l’ambiance boudoir, une suite sur le thème des maisons closes, occasion pour l’artiste de se faire, comme les écrivains d’alors, chroniqueur de la réalité sociale, sans exclure de cette approche les rapports hommes/femmes sous un angle particulier : celui de l’homme qui va perdre sa morale et sa santé auprès des prostituées, alors que son célèbre tableau Le viol (venu du Phildelphia Museum of Art) souligne la domination masculine avec une violence rarement vue ailleurs chez Degas.

Femme se peignant, Degas et le nuPuis, de plus en plus, sur dessins, monotypes et pastels, Degas travaille le thème des baigneuses, avec une prédilection pour les femmes se coiffant. Il atteint dans ce registre, et en utilisant à merveille le pastel, une maîtrise éblouissante, livrant dans les années 1880 une multitude de chefs d’oeuvres sur papier – dont il faut profiter ici pleinement, car leur fragilité ne permet pas au musée de les exposer fréquemment.

Degas transpose également ces magnifiques modelés en sculpture : outre les fameuses danseuses qui soulignent son travail sur le corps en mouvement, la statuette en bronze Le tub, montrant une femme étendue sur le dos dans son bain mais jambes repliées, est passionnante à regarder sous tous ses angles.

La dernière salle, à travers une poignée de tableaux seulement, permet de se faire une idée de l’étendue du "legs" de Degas : Bonnard, Picasso et Cézanne notamment n’aborderont le nu qu’instruits de l’immense travail de "dé-idéalisation" du corps et des recherches sur le modelé et le mouvement d’Edgar Degas.

Degas et le nu
Musée d’Orsay
1 rue de la Légion d’Honneur – Paris 7°
TLJ sauf le lun., de 9h30 à 18h, le jeu. jsq 21h45
Entrée 12 € (TR 9,5 €)
Jusqu’au 1er juillet 2012

Publications : outre le catalogue de l’exposition, voir notamment le Hors-série Découvertes Gallimard, Degas et le nu par Xavier Rey (8,40 €)

Images :
Edgar Degas, Après le bain, une femme s’essuyant les pieds, 1886, Pastel sur carton, 54 x 52 cm, Paris, musée d’Orsay, legs du comte Isaac de Camondo, 1911 © RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Edgar Degas, Femme se peignant ou La Chevelure, entre 1886 et 1890, Pastel sur papier beige collé sur carton, 82 x 57 cm, Paris, musée d’Orsay © RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski

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Debussy, la musique et les arts

La grande Vague, Hokusai, Debussy, la musique et les arts

Les îles d’or et L’air du soir de Cross, la Vague d’Hokusaï, les Rosiers sous les arbres de Klimt… voici quelques uns des nombreux tableaux visibles à la splendide exposition – organisée par le Musée d’Orsay – qui vient d’ouvrir au Musée de l’Orangerie.

Il s’agit de l’une des différentes manifestations qui viennent célébrer cette année le 150ème anniversaire de la naissance de Claude Debussy, avec notamment un cycle de concerts du 16 février au 22 mai au musée d’Orsay et Pelléas et Mélisande dans la mise en scène de Bob Wilson du 28 février au 16 mars à l’Opéra Bastille.

L’exposition séduit par son intelligence tant ses commissaires ont su restituer la diversité des correspondances entre l’art du musicien et les arts plastiques et poétiques de son époque. A cette diversité, la musique de Debussy donne sa cohérence, réunissant des influences caractérisées par la rareté, le raffinement, la fraîcheur, l’onde, le nocturne, l’aérien ou encore la volute… dans une tension merveilleusement résolue entre sophistication et naturel. Articulée en sections thématiques, pratiquement dépourvue de musique (à chaque lieu son moment), l’exposition est un ravissement pour les yeux. Le plaisir aurait pu être plus complet encore si ses organisateurs n’avaient pas commis deux erreurs pratiques.

Cross, Iles d'Or, Debussy, la musique et les arts La première est le choix des lettres blanches sur fond bleu clair pour les cartels (le même bleu habille l’ensemble des murs) : alors que pour bien des œuvres présentées, le titre prolonge l’esthétique du tableau ou de l’objet, renvoyant en lui-même bien souvent à la musique de Debussy et inversement, les titres sont quasiment illisibles ! Un autre point laisse tout aussi perplexe : la section consacrée à l’Art nouveau et au japonisme est abritée derrière un filet noir certes très fin mais qui devient d’autant plus visible que l’on se rapproche des œuvres… faites de mille détails comme on sait ! Le même voile noir nous tient également à distance de La Petite Châtelaine et des Implorantes de Camille Claudel… dommage de réduire ainsi des sculptures à une double dimension seulement ! Choix d’autant plus mystérieux que l’on ne saurait reprocher à Guy Cogeval, président du Musée d’Orsay et de celui de l’Orangerie, de ne pas savoir mettre en valeur les œuvres : sa récente et excellente rénovation du Musée d’Orsay démontre l’exact contraire.

Amateur de peinture, de poésie et d’arts décoratifs, Claude Debussy a été l’ami du peintre Henry Lerolle, dont on peut admirer quelques tableaux d’intérieur, d’apparence sage mais aussi lumineux que délicats, du compositeur Ernest Chausson et du conseiller d’Etat Arthur Fontaine, tous trois unis par leurs épouses nées Escudier, musiciennes et modèles de nombreux peintres.
Ces trois familles soutiennent le compositeur dès les années 1890, et c’est chez elles qu’il rencontre Edgar Degas, Odilon Redon ou Maurice Denis… mais aussi André Gide ou Paul Valéry.
Ses sources d’inspiration vont des préraphaélites anglais comme Rossetti (La Demoiselle Elue) au modernisme de Munch et de Kandinsky, en passant par le Symbolisme, la redécouverte de l’Antique, l’Art nouveau et l’Orientalisme : de toutes ces esthétiques, Claude Debussy s’entoure et fait son miel.

Les projets de costumes et de décors restituent ses œuvres scéniques : Pelléas et Mélisandre bien sûr, mis en perspective avec des lithographies de Munch, mais aussi Le Martyre de Saint-Sébastien (magnifiques décors de Léon Bakst), et Jeux, où l’on découvre des esquisses de décor de Pierre Bonnard.
L’on voudrait citer toutes les œuvres, tant sont nombreuses les résonances plastiques et musicales dans l’univers de Debussy. D’un Après-midi d’un Faune de Gauguin à La Musique de Vuillard, de la Mer aux marines de Degas et de Manet et aux verreries de Gallé, et jusqu’au Pagodes et Estampes japonaises… Debussy semble être partout et tout semble être chez Debussy à cette vraiment très très "Belle époque".

Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries 75001 Paris
Informations pratiques sur le site de l’Orangerie
Commissaires : Guy Cogeval, président de l’Etablissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie, Jean-Michel Nectoux, musicologue au CNRS et Xavier Rey, conservateur au musée d’Orsay
Jusqu’au 11 juin 2012

Images :
Katsushika Hokusai, Sous la grande vague à Kanagawa, 1830-1833, Paris, Musée national des arts asiatiques, Guimet
Henri-Edmond Cross Les Iles d’Or © RMN (Musée d’Orsay)

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