C’est indéniablement le plus spectacle de théâtre vu depuis des mois et des mois. Il est donné à Paris jusqu’au 9 janvier prochain puis partira en tournée en 2011. Mais attention, le succès est au rendez-vous et il faut réserver longtemps à l’avance !
Créé en février dernier, Les Naufragés du Fol Espoir est le dernier spectacle du Théâtre du soleil, la compagnie d’Ariane Mnouchkine qui fête cette année ses 45 ans d’existence.
Mise en abyme magnifique, il parle de création artistique, de construction, de passion, d’engagement politique, de travail et de vie ensemble : il parle du Théâtre du soleil sans le dire et, en détournant le théâtre au profit… du cinéma ! Mettre le cinéma au théâtre sans montrer une once de pellicule, d’image cinématographique au sens propre, il fallait le faire, et Ariane Mnouchkine et sa troupe l’ont fait. C’est un coup de maître.
Nous sommes en 1914, dans le grenier d’une guinguette des bords de Marne dont le patron, fou de cinéma a mis son espace sous les toits à la disposition d’une équipe de cinéma dont le directeur vient de rompre avec la Pathé. Ils tournent un film sur les suites de l’assassinat de l’archiduc Rodolphe de Habsbourg en Autriche en 1889. De ses conséquences politiques en Europe aux appétits colonialistes – notamment victoriens – à l’extrême Sud de l’Amérique Latine, le film nous emmène à bord d’un navire, le Fol Espoir où, après avoir subi les tempêtes du Cap Horn, il croise les quelques Indiens de Patagonie non encore exterminés et en état de sursis.
Au moment du tournage, dans la vie "réelle", l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche est assassiné à Sarajevo ; quelques semaines après, c’est Jaurès qui succombe ; la déclaration de guerre est imminente, il faut se dépêcher de finir le film. Le directeur propose d’arrêter le tournage, mais toute l’équipe, en grande partie constitué du personnel de la guinguette au dessous, invitée à voter la poursuite ou non, décide de continuer.
Tout est dit dans ce spectacle de la passion qui anime l’entreprise cinématographique du temps du muet, du temps des débuts du cinéma. Mais c’est aussi le temps des innovations technologiques et scientifiques source de progrès social, des idéaux politiques, de la fondation de l’idée d’Europe, de l’espoir d’une société égalitaire, d’un nouvel humanisme.
Ces élans magnifiques vont se trouver confrontés, fracassés à la réalité, la réalité historique de l’époque du film et la réalité des événements de 1914.
Que d’intelligence et de sensibilité, cela en est presque vertigineux. La mise en scène est une merveille de beauté et d’invention, l’humour délicieux, le jeu des comédiens fascinant, la musique de l’époque enjouée ; le tout débordant d’énergie.
Il faudrait aussi parler de la neige, du vent, de l’oiseau, de la poésie… ; et encore du plaisir partagé, entre les comédiens, avec les spectateurs, autant de manières de dire le plaisir du spectateur tout court.
Les Naufragés du Fol Espoir
Théâtre du Soleil
Une création collective mi-écrite par Hélène Cixous, librement inspirée des Naufragés de Jonathan de Jules Verne sur une proposition d’Ariane Mnouchkine
La Cartoucherie, route du Champ-de-Manœuvre • 75012 Paris
M° Château-de-Vincennes, sortie nº 6 en tête de train vers la station d’autobus où une navette commence ses voyages 1 h 15 avant le début du spectacle et les termine 10 minutes avant – Desservi également par le bus 112
Réservations au n° 01 43 74 24 08 , TLJ de 11 h à 18 h
Mercredi, jeudi, vendredi à 19 h 30, samedi à 14 h et 20 h, dimanche 14 h
Durée : 3 h 50 avec entracte
Places : Individuels 27 € — Collectivités 22 € — Étudiants et scolaires 15 €
Jusqu’au 31 décembre 2010