La terre est couverte de cadavres et de cendre, et du ciel grisâtre tombe une pluie glacée. La civilisation n’est plus et les survivants s’entre-dévorent.
Dans ce monde d’après-apocalypse, un homme tente avec son fils de continuer à vivre. Contraints de fuir sans cesse, ils avancent vers la côte en poussant un pauvre charriot, y entassant ce qu’ils trouvent.
Il y a celui qui a connu le monde d’avant et essaie de s’adapter à ce qui n’a pas de nom ; et il y a l’enfant qui ne connaît que celui-ci mais a besoin de son père pour le comprendre. Deux êtres démunis face à l’inhumain, face à l’indicible. Pourtant, pour le père comme pour le fils, il s’agit justement de cela : dire.
Comment dire ce qui est quand ce qui est n’est que ravage et barbarie ? Comment montrer ce qui est bon quand le mal l’a de toute évidence emporté ? Comment exprimer les sentiments quand un seul semble subsister : la peur ? Comment transmettre ce qui nous a construit quand de cela plus rien n’est visible ? Et pourquoi choisir de continuer et ne pas accepter la mort qui se présente à chaque pas ?
De toutes ces questions, McCarthy ne fait pas une thèse mais un récit d’une simplicité biblique qui nous tire vers sa fin avec une force inouïe.
L’on en ressort complètement sonné, sonné d’avoir lu l’inimaginable ; sonné par l’émotion finale.
Et sonné par le talent de Cormac McCarthy qui d’une trame mince comme un fil et d’une plume asséchée à l’extrême créé un monde qui s’appelle une histoire, qui a pour nom littérature et dont la puissance et la valeur nous paraissent soudain infinies.
Le monde allait être bientôt peuplé de gens qui mangeraient vos enfants sous vos yeux et les villes elles-mêmes seraient entre les mains de hordes de pillards au visage noirci qui se terraient parmi les ruines et sortaient en rampant des décombres, les dents et les yeux blancs, emportant dans des filets en nylon des boîtes carbonisées et anonymes, tels des acheteurs revenant de leurs courses dans les économats de l’enfer.
La route de Cormac McCarthy
Editions de L’Olivier
256 p., 21 €
L’auteur de Non ce pays n’est pas pour le vieil homme a reçu pour La route le prix Pulitzer 2007.
Ce roman s’est vendu à plus de 2 millions d’exemplaires aux Etats-Unis.