Après les riches expositions consacrées à Soutine, Vlaminck, Valadon et Utrillo, la Pinacothèque poursuit son chemin de l’Ecole de Paris, tout en s’attachant à mettre en valeur un grand collectionneur, avec un ensemble de plus de 120 tableaux issus de la collection de Jonas Netter.
Inconnu du grand public, Jonas Netter était un commerçant alsacien installé à Paris qui, passionné d’art (aussi bien de peinture que de musique) mais ne pouvant acquérir les artistes alors reconnus comme les impressionnistes, bien trop onéreux pour sa bourse, se dirige grâce au marchand polonais Zborowski vers des peintres moins ou pas connus et commence une merveilleuse collection. Il fut l’un des premier à acheter des toiles de Modigliani, à la suite de Paul Guillaume qui l’avait soutenu Avant-guerre. Il s’entiche aussi de Soutine et de bien d’autres peintres juifs du Montparnasse des Années folles.
L’on retrouve ainsi sur les cimaises de la Pinacothèque des œuvres signées des plus grands peintres de l’Ecole de Paris, à côté de toiles réalisées par des artistes qui n’ont pas passé la postérité. Organisé tout simplement par artiste, le parcours permet de croiser Suzanne Valadon, Maurice Utrillo, André Derain, Amédéo Modigliani, Moïse Kisling, Chaïm Soutine, Maurice de Vlaminck, Michel Kikoïne, Isaac Anchter et bien d’autres. Malgré la diversité des artistes représentés, la cohérence de la collection Netter est bien visible, l’ensemble de tableaux, uniquement figuratifs, étant essentiellement rattaché aux années 1910 et 1920 (avec quelques œuvres des années 1900).
Le moment le plus fort de l’exposition est celui où l’on découvre un ensemble de toiles de Modigliani, accessibles au public pour la première fois. Les quelques dessins qui les accompagnent permettent de relever les inspirations "primitivistes" de l’artiste, avant qu’il ne les transforme en sa manière propre, reconnaissable entre toutes. Sur l’un d’eux, l’on reconnaît une patte très brancusienne qui rappelle son amitié avec le célèbre sculpteur Roumain. Mais ce sont ses grands portraits à l’huile dont on se délecte le plus : la magnifique Elvire à la collerette de l’affiche, mais aussi d’autres portraits de femmes, une délicieuse Fillette en bleu et plusieurs de ses amis (notamment Zborowski et Soutine). Mains croisées sur le ventre, tête penchée, lèvres et joues rougies, de ces personnages hiératiques se dégagent une profondeur et une mélancolie qui les rendent sans âge ni époque, renvoyant davantage à la statuaire médiévale, aux primitifs italiens et aux sourires énigmatiques de la Renaissance qu’à l’expressionnisme du XXème siècle auquel Modigliani appartient.
Parmi les autres chefs d’œuvre du parcours, de magnifiques Soutine comme L’homme au chapeau, l’hyper expressionniste La Folle ou encore un Paysage montagneux à la limite de l’abstraction dont on raffole.
Et en début d’exposition, aux côtés de Valadon, l’on aura retrouvé de ces paysages urbains dont Utrillo avait le secret avec ses magnifiques lignes de fuite, trouées urbaines filant sur des rues désertes et d’émouvantes façades, venant souligner tout le charme du Paris populaire du début du siècle dernier, et qui était aussi celui de l’avant-garde artistique européenne.
Modigliani, Soutine et l’Aventure de Montparnasse
La collection Jonas Netter
Pinacothèque de Paris
8, rue Vignon – 75008 Paris
TLJ de 10h30 à 18h30, jsq 21h les mer. et ven.
Le 1er mai, ouverture de 14h à 18h30 Entrée 10 €
Jusqu’au 9 septembre 2012
Image :
Amedeo Modigliani, Elvire au col blanc (Elvire à la collerette), 1917 ou 1918, huile sur toile, 92 x 65 cm. Collection privée © Photo : Pinacothèque de Paris