Les îles d’or et L’air du soir de Cross, la Vague d’Hokusaï, les Rosiers sous les arbres de Klimt… voici quelques uns des nombreux tableaux visibles à la splendide exposition – organisée par le Musée d’Orsay – qui vient d’ouvrir au Musée de l’Orangerie.
Il s’agit de l’une des différentes manifestations qui viennent célébrer cette année le 150ème anniversaire de la naissance de Claude Debussy, avec notamment un cycle de concerts du 16 février au 22 mai au musée d’Orsay et Pelléas et Mélisande dans la mise en scène de Bob Wilson du 28 février au 16 mars à l’Opéra Bastille.
L’exposition séduit par son intelligence tant ses commissaires ont su restituer la diversité des correspondances entre l’art du musicien et les arts plastiques et poétiques de son époque. A cette diversité, la musique de Debussy donne sa cohérence, réunissant des influences caractérisées par la rareté, le raffinement, la fraîcheur, l’onde, le nocturne, l’aérien ou encore la volute… dans une tension merveilleusement résolue entre sophistication et naturel. Articulée en sections thématiques, pratiquement dépourvue de musique (à chaque lieu son moment), l’exposition est un ravissement pour les yeux. Le plaisir aurait pu être plus complet encore si ses organisateurs n’avaient pas commis deux erreurs pratiques.
La première est le choix des lettres blanches sur fond bleu clair pour les cartels (le même bleu habille l’ensemble des murs) : alors que pour bien des œuvres présentées, le titre prolonge l’esthétique du tableau ou de l’objet, renvoyant en lui-même bien souvent à la musique de Debussy et inversement, les titres sont quasiment illisibles ! Un autre point laisse tout aussi perplexe : la section consacrée à l’Art nouveau et au japonisme est abritée derrière un filet noir certes très fin mais qui devient d’autant plus visible que l’on se rapproche des œuvres… faites de mille détails comme on sait ! Le même voile noir nous tient également à distance de La Petite Châtelaine et des Implorantes de Camille Claudel… dommage de réduire ainsi des sculptures à une double dimension seulement ! Choix d’autant plus mystérieux que l’on ne saurait reprocher à Guy Cogeval, président du Musée d’Orsay et de celui de l’Orangerie, de ne pas savoir mettre en valeur les œuvres : sa récente et excellente rénovation du Musée d’Orsay démontre l’exact contraire.
Amateur de peinture, de poésie et d’arts décoratifs, Claude Debussy a été l’ami du peintre Henry Lerolle, dont on peut admirer quelques tableaux d’intérieur, d’apparence sage mais aussi lumineux que délicats, du compositeur Ernest Chausson et du conseiller d’Etat Arthur Fontaine, tous trois unis par leurs épouses nées Escudier, musiciennes et modèles de nombreux peintres.
Ces trois familles soutiennent le compositeur dès les années 1890, et c’est chez elles qu’il rencontre Edgar Degas, Odilon Redon ou Maurice Denis… mais aussi André Gide ou Paul Valéry.
Ses sources d’inspiration vont des préraphaélites anglais comme Rossetti (La Demoiselle Elue) au modernisme de Munch et de Kandinsky, en passant par le Symbolisme, la redécouverte de l’Antique, l’Art nouveau et l’Orientalisme : de toutes ces esthétiques, Claude Debussy s’entoure et fait son miel.
Les projets de costumes et de décors restituent ses œuvres scéniques : Pelléas et Mélisandre bien sûr, mis en perspective avec des lithographies de Munch, mais aussi Le Martyre de Saint-Sébastien (magnifiques décors de Léon Bakst), et Jeux, où l’on découvre des esquisses de décor de Pierre Bonnard.
L’on voudrait citer toutes les œuvres, tant sont nombreuses les résonances plastiques et musicales dans l’univers de Debussy. D’un Après-midi d’un Faune de Gauguin à La Musique de Vuillard, de la Mer aux marines de Degas et de Manet et aux verreries de Gallé, et jusqu’au Pagodes et Estampes japonaises… Debussy semble être partout et tout semble être chez Debussy à cette vraiment très très "Belle époque".
Musée de l’Orangerie
Jardin des Tuileries 75001 Paris
Informations pratiques sur le site de l’Orangerie
Commissaires : Guy Cogeval, président de l’Etablissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie, Jean-Michel Nectoux, musicologue au CNRS et Xavier Rey, conservateur au musée d’Orsay
Jusqu’au 11 juin 2012
Images :
Katsushika Hokusai, Sous la grande vague à Kanagawa, 1830-1833, Paris, Musée national des arts asiatiques, Guimet
Henri-Edmond Cross Les Iles d’Or © RMN (Musée d’Orsay)