Que dire face aux photographies de Willy Ronis, tant l’émotion nous serre la gorge devant la simplicité des sujets, mis en valeur par une esthétique si juste ?
Le regard, "on l’a ou on ne l’a pas", disait-il. Des 150 tirages présentés à la Monnaie de Paris, aux thèmes aussi divers soient-ils, aucun qui ne soit dépourvu de ce fameux regard, venant imprimer en nous le cliché tel une œuvre d’art.
Willy Ronis, décédé le 11 septembre dernier après avoir participé à une rétrospective de son œuvre aux Rencontres d’Arles 2009 aurait eu cent ans cette année. L’exposition de la Monnaie de Paris propose une première exploration du très riche fonds dont il a fait donation à l’Etat français. Au fil de cinq thématiques – la rue, le travail, les voyages, le corps et sa propre biographie – l’on retrouve des photographies célèbres, tout en découvrant des facettes moins connues de son travail, notamment celui effectué lors de ses voyages en Europe ou ailleurs.
Comme les autres grands humanistes, Willy Ronis a d’abord photographié les rues de Paris, celles du Paris populaire, ses cafés, ses badauds, ses passants, Belleville, Ménilmontant, Montmartre, la fête foraine – qui lui donnait le cafard -, et la banlieue aussi, comme les bidonvilles à Nanterre.
Engagé auprès des Communistes, il a photographié les usines textiles et automobiles, a montré les piquets de grève chez Citroën, femme haragant les autres travailleurs, ouvrier brandissant sa fiche de paye, un autre surveillant l’outil de production dans les usines désertées.
En 1967, en pleine guerre froide, il a passé cinq semaines en RDA, avec des excursions à Prague et à Moscou. Il est allé à Londres, à New-York, aux Pays-Bas, en Belgique, à Venise, à Naples… Plus tard, il est allé sur l’Ile de la Réunion. Sans misérabilisme, il a saisi les vivants de ces rues, gens simples, enfants, femmes, vieillards (magnifique vieux lançant sa boule de pétanque à Aubagne !), en faisant de chacune de ses prises un tableau. Les jeux de lignes sont parfaits. Les oppositions créent la surprise et l’équilibre. La mise ne valeur d’un détail renvoie à un autre. Les oppositions de lumière en clair-obscur sont proprement picturales (Noël, boulevard Haussmann, 1952) ; certains nus évoquent la peinture de Dominique Ingres.
Avec toujours, à fleur de pellicule, une pointe de mélancolie, que Willy Ronis ne reniait ni n’affichait : "J’ai creusé mes sillons avec mon instinct, ma petite honnêteté, chanté ma chanson à mi-voix ; je me suis souvent fait plaisir et cela compense le reste que, par bonheur, on oublie facilement".
Willy Ronis, une poétique de l’engagement
Une exposition coproduite par le Jeu de Paume et la Monnaie de la Paris, avec le concours de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine / Ministère de la culture et de la communication
Monnaie de Paris – 11, quai de Conti – Paris 6°
Jusqu’au 22 août 2010
TLJ sf le lundi et le 1er mai, de 11 h à 19 h, le jeudi jusqu’à 21 h 30
Entrée 7 € (TR 5 €)
Images : Willy Ronis, Usine de textile du Haut-Rhin, 1947, tirage argentique, 40 x 30 cm © Ministère de la culture et de la communication & Stéphane Kovalsky / dist. Agence Rapho
et Willy Ronis, Lorraine en hiver, 1954, tirage argentique, 36 x 26 cm © Ministère de la culture et de la communication & Stéphane Kovalsky / dist. Agence Rapho