Contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer, Un jeu d’enfant La philosophie n’est pas un manuel de philosophie, une sorte de digest de Apprendre à vivre de Luc Ferry.
Mélange de récit autobiographique et de discours sur quelques philosophes, Raphaël Enthoven y raconte comment il en est arrivé à se destiner à cette discipline : presque par un jeu d’enfant.
Entre ses morceaux de vie choisis, il intercale les réflexions que tel ou tel auteur lui inspire.
Pour qu’un tel exercice donne au lecteur une impression d’harmonie, l’idée d’un tout – correspondances entre l’homme qui se décrit et les philosophies qui l’ont nourri – peut-être faut-il un peu plus de recul sur sa vie et sur la discipline qu’on a fait sienne.
Ou peut-être développer davantage les deux, les creuser, pour qu’un relief, une personnalité intéressante ressortent.
On en est loin, finalement, avec Raphaël Enthoven.
Et on le regrette, car son "essai-récit" séduit autant qu’il irrite.
Les souvenirs d’adolescence qu’il relate ont quelque chose qui sonne juste, qui rendent son auteur attachant : à certains moments, Enthoven parvient à souligner – peut-être à son insu – la part de posture dont il semble être victime.
Mais que dire des conversations avec son fils de 5 ans ? Des échanges avec son "amour", la célèbre Carla ?
Rien, car ils sont bien peu de choses.
Comment lui pardonner, surtout, d’avoir écrit tranquillement des horreurs, courtes de vue et d’ouïe, sur les accents, du sud de la France ou des Antilles, qui relèvent, au mieux, d’un parisianisme petit-bourgeois périmé, au pire, d’une idéologie nauséabonde ?
D’un autre côté, les commentaires sur certains philosophes s’avèrent pour beaucoup d’entre eux rapidement vains : réduits à des formules, à l’enchaînement d’avis lapidaires, non étayés, ils laissent le lecteur non initié assez éloigné de la matière et des auteurs, ce dont on ne peut le féliciter.
Heureusement, au fil des pages, on a la joie de trouver d’heureuses citations de Clément Rosset, de beaux hommages à Jean-Paul Sartre, Raymond Aron, Vladimir Jankélévitch, et tout à la fin, un passage réussi sur Leibniz et Spinoza, que Raphaël Enthoven affectionne particulièrement : enfin il devient fluide, convaincant, donne envie d’aller au texte. Et cela devient un plaisir.
A son père qui lui disait : "Tu est devenu con, le jour où tu as choisi la philosophie contre la littérature", Raphaël répond qu’il n’a pas choisi.
Visiblement, il n’a pas voulu choisir pour ce texte non plus : ni récit autobiographique, ni essai philosophique.
Dans le même exercice pourtant, d’autres ont réussi – Marcel Conche par exemple avec un très beau Avec des "si", Journal étrange.
Mais eux l’ont fait plus tard.
Un jeu d’enfant La philosophie. Raphaël Enthoven
Fayard, 2007
204 p., 15 €
Raphaêl Enthoven est professeur de philosophie et journaliste. Un jeu d’enfant est son premier livre. Il est le fils de Jean-Paul Enthoven, journaliste et écrivain.