Dictionnaire amoureux de Venise. Philippe Sollers

Philippe Sollers, Dictionnaire amoureux de Venise, PlonAvec ce dictionnaire, Philippe Sollers asseoit définitivement son statut d’inconditionnel de Venise, déjà largement annoncé dans ses romans.
L’amoureux fou de la Sérénissime lui associe ses autres passions : Nietzsche ; le XVIIIème ; la musique.

Voici donc Casanova, Charles de Brosse, cité longuement et avec délices, mais aussi Zorzi Baffo, ce haut magistrat qui écrit des poèmes obscènes, Canaletto, Guardi, Tiepolo bien sûr (les autres peintres vénitiens sont traités avec autant d’égards).
Et Vivaldi, qui revient sans cesse ; et la grâce de Cecila Bartoli ; ou encore l’inoubliable entrée de l’auteur à la Fenice… Il parvient même à réunir Nietzsche et Proust après avoir restitué un poème du premier et reproché à Paul Morand de s’être par trop arrêté à la Venise du deuxième.

Lorsqu’il revient à l’auteur de La Recherche, à nouveau retour au texte, largement : plaisir de reproduire et de savourer une fois de plus le superbe flot de mots en le donnant en partage – "Il faudrait tout citer, je m’arrête". Evidemment, il continue.

L’on retrouve avec bonheur les embardées de Philippe Sollers, qui font le charme de son écriture en nous faisant entr’apercevoir un autre possible.
Rites, délicieuses habitudes, mais aussi liberté, mouvement, joyeuse imagination :

L’iconographie d’une époque est trompeuse (surtout pour le XIXème siècle et ses photos en noir et blanc). La mort photographique ment : elle nous oblige à voir en Nietzsche un fanatique moustachu, et en Proust un petit monsieur genre Chaplin frileusement recroquevillé dans un fauteuil au bord du Grand Canal. Bientôt, leurs mères viendront prendre soin de ces grands malades décalés et sombres. Ajoutez une soeur et le bouclage est complet.
Nietzsche, en forme et rasé de près, assis au soleil sur la place Saint-Marc (au Florian si vous voulez), Proust, le souffle léger, marchant à grands pas sur les quais (lui aussi sans moustaches), voilà qui est plus près de ce qu’ils ont vécu et écrit que des épinglages de pseudo-identité morbide.

En fin de dictionnaire, la notice consacrée à Vivaldi et avec elle l’improbable situation de Nietzsche écoutant du Vivaldi, et livrant le commentaire suivant :
"Les pieds ailés, l’esprit, la flamme, la grâce, la grande logique, la danse des étoiles, la pétulance intellectuelle, le frisson lumineux du sud – la mer lisse – la perfection."

Dictionnaire amoureux de Venise. Phlippe Sollers
Plon (2004), 486p., 22 €

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Une réflexion au sujet de « Dictionnaire amoureux de Venise. Philippe Sollers »

  1. Magnifique dictionnaire de l’Amour ! Je me demande pourquoi j’ai attendu 2008 pour lire ce délicieux bouquin. Mais j’aimerais poser une question à Sollers : comment Etre à Venise sans être touriste si on n’est pas au moins écrivain (vivant de sa plume of course) ?
    est-il certain d’autre part que même un vilain touriste est incapable de sentir-ressentir-cette ville magique autrement qu’avec un oeil de touriste de "masse".
    Sollers serait sans aucun doute un grand écrivain avec un peu plus d’humilité.

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