Dès l’entrée, le visiteur tombe sur une maquette en marbre rose de la maison familiale surmontée d’une guillotine.
"Les gens se guillotinent à l’intérieur de leur famille. Le passé est guillotiné par le présent" explique l’artiste.
Louise Bourgeois ajoute encore : "La peur est un état passif, et l’objectif c’est d’être actif et de prendre le contrôle, d’être vivant ici et maintenant. Le mouvement se fait du passif vers l’actif, car si le passé n’est pas nié dans le présent, on ne vit pas."
Voilà, c’est dit.
A partir de là, il va falloir détruire, et reconstruire. Table rase du passé ; puis viendra le temps du patient tissage des liens avec le passé. il surgit d’abord par éclats, avec des fragments de tapisserie et des pelotes de fil puis avec l’araignée – thèmes évocateurs de l’enfance auprès de parents tapissiers, et surtout de la mère, sa "meilleure amie". Beaucoup plus tard, le tissu deviendra à son tour la matière même des sculptures, en tissu éponge, tapisserie, mousse. Louise Bourgeois devenue âgée réalise à partir de ce matériau doux et dépourvu de résistance des corps, des têtes, des mères, des nourrissons, des enfants. Précision étant faite qu’à quatre-vingt seize ans, la dame continue inlassablement son travail.
Auparavant, dans les années 1950, sur la terrasse de son appartement new-yorkais, la Française aura recrée en totems les gens qu’elle aimait et qui lui manquaient, ceux qu’elle avait laissés pour suivre son époux américain. Un peu plus tard, elle aura inventé des sculptures organiques aux connotations sexuelles très fortes, des "cumulus" passionnants, paysages évoquant la renaissance, le mouvement, la force jaillissante sous le poli du marbre. En 1974, elle aura détruit son père avec l’explicite The Destruction of The Father, une fascinante oeuvre toute rouge peuplée de boursoufflures inquiétantes. Elle aura aussi recréé des espaces intimes, chambres ateliers dans des cellules de grillages ou de bois.
Ce qu’a créé cette femme est extraordinaire. L’on contemple ses oeuvres avec un sentiment d’intimité rare, encore renforcé par les nombreuses citations qui ponctuent l’exposition. Celle-ci, pour finir :
"Il faut abandonner son passé tout les jours, ou bien l’accepter, et si on n’y arrive pas, on devient sculpteur".
Louise Bourgeois
Centre Pompidou
Jusqu’au 2 juin 2008
TLJ sauf le mardi de 11 h à 21 h
Le jeudi jusqu’à 23 h
Entrée de 8 € à 12 €