Voici quinze ans qu’Amédée et Marguerite se tiennent enfermés dans cet appartement sans jamais voir personne.
Lui est écrivain mais ne parvient plus à écrire – seulement deux répliques au cours de ces quinze dernières années -, elle est standardiste, travaille dans un coin de l’appartement et fait bouillir la marmite.
Le couple ne se supporte plus, se chine à tout propos, ne cesse de se lancer des reproches.
Il faut dire qu’ils sont un poids sur les bras, ou du moins dans la chambre : un cadavre dont Amédée ne parvient à se débarrasser. Il les encombre, leur fait redouter toute visite, occupe leurs disputes mais aussi les occupe tout court.
De cette pièce sombre sur le couple, Roger Planchon a réalisé une mise en mise en scène très réussie ; sous des airs très légers, elle ne masque en rien la gravité du texte.
Au contraire, ses choix font d’autant mieux ressortir la cruauté du couple qu’ils mettent en valeur la joie des amours débutantes et l’attachement qui malgré le temps perdure.
L’appartement-prison d’Amédée et de Marguerite a certes les murs rayés et il y pousse de plus en plus de champignons – au moins autant que le cadavre s’allonge – mais il est aussi décoré gaiement, tout de blanc, de rose et de lilas frais.
Le couple se jette injures et assiettes, mais de joyeuses et douces chansons des beaux temps anciens viennent régulièrement, façon comédie musicale, imposer une trêve à ces déchirements, pour quelques instants de magie, de souvenirs et de rêve.
A ces intermèdes musicaux, Roger Planchon ajoute encore de petites séquences vidéo qui n’ont rien d’un artifice. Petits zooms sur les difficultés et les discussions d’Amédée et de Marguerite pour "s’en débarasser", elles soulignent astucieusement l’intimité du couple, ce qui se passe et se dit à l’abri des regards.
Quant à l’interprétation de ces deux très grands comédiens, Roger Planchon et Colette Dompiétrini, énergiques, drôles et convaincants, elle tient le spectateur en haleine jusqu’au bout de cette pièce grinçante, touchante et ici bordée d’humour d’une délicieuse façon.
Amédée (ou Comment s’en débarrasser). Eugène Ionesco
Mise en scène Roger Planchon
Avec Colette Dompiétrini, Roger Planchon, Patrick Séguillon
Théâtre Silvia-Monfort
Mardi, vendredi, samedi 20 h 30
Mercredi et jeudi à 19 h, dimanche à 16 h
Surtitrages pour les sourds et malentendants les 19, 22, 24, mars, 8 et 10 avril
Durée : 1 h 40
Jusqu’au 19 avril 2009
Places de 15 € à 22 €