C’est un gros roman au titre de station de métro parisien qui a été couronné par le Goncourt 1991. Comme les stations de métro, qui paraissent insensibles aux changements d’époque, le livre de Pierre Combescot semble vieilli depuis toujours. Le lecteur s’accroche pour lire l’histoire de Maud, tenancière de café, dans un style qui rappelle le roman populaire (en moins léger) ou les œuvres d’un Francis Carco sur le « milieu » (avec moins de talent).
Dans une première partie nous sommes donc à Paris dans l’après deuxième guerre mondiale. Autour du café-tabac des Trapézistes gravitent divers personnages que le lecteur est amené à qualifier de pittoresques, venus en particulier du Cirque d’Hiver voisin. Dans une deuxième partie nous remontons le temps aux origines de la famille de Maud, à La Goulette en Tunisie. Il est question d’une lignée de femmes juives dont les rapports entre mères et filles sont complexes.
La troisième partie, la plus longue, s’attache à l’installation de Maud à Paris durant la période de l’Occupation. Le sexe est le souci principal des personnages masculins, et la prostitution, surtout masculine, donne lieu à des observations toujours aussi pittoresques. On apprend d’ailleurs pourquoi Hitler persécutait les Juifs : « Parce que comment croyez-vous que ce peintre du dimanche survivait à Vienne quand il n’avait pas trois fifrelins en poche ? Comme tout le monde il faisait le trottoir. Et pas de bol pour nous, c’est une vieille chochotte de la synagogue qui la lui a mise. Et depuis ce jour il a la rondelle en feu. Voyez-vous Léa nous sommes ses morpions ! Et les morpions cela se brûle ! ».
En dernière partie nous suivons l’histoire d’une bouchère- chanteuse plus ou moins raccordée au reste du roman. Mais le style « populaire » (du moins essaie-t-on de le croire ainsi) des propos échangés par les personnages demeure, ainsi que les stéréotypes bien campés, tel cet Allemand qui au bistrot « y faisait chaque soir la fermeture sur l’air de ‘On lui roussira les poils du cul à la youpine’… », ou ce commentaire finement théologique : « Bref, démontrer par un pilpoul ‘du feu de Dieu’ (…) que toute cette chiée de rabbis, lesquels avaient monopolisé le verbe de Celui qui, nonobstant le vertige, proféra du haut du Sinaï les Commandements funestes aux oreilles des Hébreux, n’étaient en fait que des petits branleurs ».
Il arrive toutefois qu’une scène plus touchante émerge de ce monde interlope.
Andreossi
Les filles du calvaire, Pierre Combescot