Un soir, au théâtre, la décision est prise en quelques minutes, un échanges de regards, 3 ou 4 phrases : le dramaturge Dreyman – jusque là plus blanc que blanc aux yeux du gouvernement – est devenu suspect : il faut le surveiller, trouver une faille et s’en débarrasser.
Le motif réel est abject. Nous sommes en 1984 en R.D.A. La politique servait à tout ; couvrait toutes les salades.
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Dreyman – qui partage sa vie avec une belle comédienne – est mis sous écoutes serrées ; un agent de la Stasi, Wiesler, s’installe dans le galetas au dessus de leur appartement et écoute, note tout ce qui s’y dit et s’y fait.
A son visage, l’immuable expression du fonctionnaire zélé, l’insupportable satisfaction de celui qui fait son effroyable devoir – et celle, moins supportable encore, d’y prendre quelque plaisir.
En dessous, dans l’appartement, la vie des artistes comme elle va sous un régime communiste : on essaie de ne pas trop se faire remarquer pour pouvoir continuer à travailler ; mais un ministre vient vous chercher des poux alors que vous dansez avec votre belle ; mais un de vos amis meurt de ne plus pouvoir s’exprimer …
Alors, le silence, les compromis, jusqu’à quand ?…
Wiesler, lui, le premier de la classe du régime, est toujours au dessus, à tout écouter, noter …
Tout ?
Peut-être pas vraiment. Pourquoi ?
C’est toute l’histoire du film.
Très bien fait, bien joué – tous les rôles, principaux comme secondaires sont magnifiquement interprétés – le film a des moments extrêmement forts,qui sonnent très juste ; en particulier tous ceux qui ont trait au rapport de Dreyman avec son ami metteur en scène ; et aussi ceux qui concernent la comédienne, la compagne du dramaturge.
Peut-être l’épilogue donne-t-il l’impression de n’être pas tout à fait nécessaire – pour le spectateur français en tout cas -, donne au film un caractère un peu trop démonstratif dans les bons sentiments.
Qu’importe, après avoir vu La vie des autres, on pense aux metteurs en scène qui se sont suicidés parce qu’on les a empêchés de travailler ; aux machines à écrire qui ne sont pas passées à l’Est, à celles qu’on a fait passer vainement ; aux mots qui n’ont pu être écrits, à ceux qui n’ont pu être lus.
Tout ce silence laisse un poids sur l’estomac, estompe la fiction de « l’homme bon », et laisse, tenace, une affreuse envie de vomir.
La vie des autres
Florian Henckel von Donnersmarck
Allemagne, 2006
Avec : Ulrich Mühe (Wiesler), Sebastian Koch (Dreyman), Martina Gedeck
Durée : 2 h 17
Site officiel du film
"aux phrases de Brecht qui n’ont pu être lues" écrivez-vous.
Brecht était le poète officiel de la RDA, ses livres y étaient sans cesse réédités et faisaient partie des programmes scolaires…
Merci…
… Billet modifié !
est-ce une histoire véridique?
Bonjour Monique,
A ma connaissance, il s’agit d’une oeuvre de fiction, tirée du contexte historique de l’Allemagne de l’Est.
Mag