En janvier 1972, huit photographes (Alain Dabgert, Claude Dityvon, Martine Franck, Hervé Gloaguen, François Hers, Richard Kavlar, Jean Lattes, Guy Le Querrec) se réunissent autour d’un projet imprégné de l’esprit de Mai 1968.
L’idée est de mener, en se démarquant des grandes agences que sont Gamma et Magnum et en prenant du recul par rapport à l’actualité, un travail photographique de fond.
Dans une inspiration de gauche, communautaire, ses fondateurs ne se pensent pas comme de simples photo-journalistes fournisseurs d’images, mais comme des auteurs, animés d’un désir commun de réflexion, de critique sociale et de créativité.
Le positionnement singulier des membres de Viva a tenu leur production photographique à l’écart de la presse, qui publiait alors principalement des images liées à l’actualité internationale ou, pour ce qui concernait la société française, des illustrations beaucoup plus conventionnelles.
Ces images, dont la qualité esthétique pour un grand nombre d’entre elles incontestable, présentent surtout l’intérêt d’offrir un regard sur la société française d’alors ressenti désormais comme simple et réaliste : si l’approche était considérée comme décalée il y a trente ans, le visiteur d’aujourd’hui éprouve face à ces photographies une impression de grande proximité.
Des foins dans les Pyrénées aux usines à charbons en Bretagne en passant par les manifestations Lip à Besançon et les meetings des OS Renault à Paris ; des portraits d’intellectuels et d’artistes (Jean-Paul Sartre en conférence de presse à Libération, Ariane Mouchkine, Michel Foucault) aux photos d’hommes politiques en situation (Alain Krivine au Palais des Sports, François Mitterrand en meeting, ou dans un café à Creil, à une époque où on voit Georges Pompidou en train de jouer au billard dans sa maison de campagne, avant que le président Valéry Giscard d’Estaing ne découvre le métro en 1977), le travail de l’agence Viva souligne une France en pleine mutation économique, sociale et politique.
Au terme d’une aventure qui n’a pas excédé 10 ans, épuisée par les dissensions internes et les difficultés économiques, mais animée de la volonté de saisir sans concession les creux et les reliefs de la France de leur temps, cette poignée de photographes idéalistes nous a laissé un précieux témoignage des années 1970.
Coup de coeur de Mag :
Pour « Familles », le seul projet véritablement collectif qu’ont mené les membres de l’agence : loin de l’image d’Epinal de la famille unie et lisse, il montre des enfants s’égayant en liberté, des pères qui font les clowns, des regards qu’on devine happés par l’écran de télévision, des générations qui ne communiquent plus entre elles et s’ennuient ensemble à table, …
Beau et émouvant reportage mais auquel les média français ne se sont alors pas intéressés, préférant peut-être masquer les pages qu’une partie de la société française était en train de tourner …
Viva,une agence photographique
Jeu de Paume, site Sully
62, rue Saint-Antoine – Paris 4ème
Jusqu’au 9 avril 2007
Catalogue Les Années Viva, 30 €