Renée est concierge dans une immeuble cossu du 7ème arrondissement.
Paloma, 12 ans ½, est la cadette de l’une des familles fortunées qui occupent les vastes appartements de la résidence.
Toutes deux ont un point commun : le décalage par rapport à la réalité sociale qui à laquelle elles appartiennent.
Vue de l’extérieur, Renée ressemble en tous points à ce qu’on attend d’une gardienne d’immeuble. Robes affreuses, savates traînantes, télévision l’après-midi et conversation limitée.
Mais à l’intérieur, au fond de son antre, son programme est tout autre : littérature, philosophie, mets raffinés, thé au jasmin.
Elevée dans l’aisance bourgeoise, Paloma est quant à elle prédestinée à reproduire la réussite sociale de ses parents sans souci ni question, voie dans laquelle sa soeur aînée est déjà bien engagée.
Surdouée qui le cache pour avoir la paix, comme Renée cache sa finesse et sa culture, la petite Paloma éprouve déjà le plus grand dégoût pour le seul modèle de vie qu’on lui propose et en conclut à l’absurdité de la vie.
Toutes deux racontent leur vie dans l’immeuble, les rites de ce microcosme privilégié, le mal-être qu’ils leur inspire, leurs tentatives pour trouver du sens et de la joie dans ce monde matériel, suffisant et tourné vers lui-même.
Les regards croisés que portent sur cette communauté sociale une pré-adolescente qui y appartient sans s’y reconnaître et une femme d’âge mûr qui la côtoie tous les jours sans en être font de L’élégance du hérisson un savoureux récit.
Mais c’est aussi un roman "positif " – clé de son succès d’ailleurs. Face à la vacuité et à l’absurdité de vies fondées sur l’apparence, face au déterminisme de la naissance, les deux narratrices proposent un autre choix : l’amour de l’art, de l’unique, le souci attentif de l’autre, un regard poétique sur le monde, l’ouverture sur un "ailleurs", dans un choix de vie singulier.
En cela L’élégance du hérisson relève à la fois du récit initiatique, du conte philosophique mais aussi du conte de fées, dans une inspiration qui n’est pas sans rappeler Anna Gavalda. On y retrouve l’attachement aux menus détails du quotidien et des types de personnages chers à l’auteur d‘Ensemble c’est tout, individus souffrant dans ce monde, dont les sensibilités finissent par se reconnaître et qui y trouvent ainsi leur place.
Le roman se lit très vite et avec beaucoup de plaisir, mais avec aussi parfois le regret que le trait soit un peu épais et les clous visibles : on voit pourquoi L’élégance du hérisson fonctionne si bien ; il semble avoir été fabriqué pour.
L’élégance du hérisson. Muriel Barbery
Gallimard (2006)
368 p., 20 €
L’élégance du hérisson est le deuxième roman de Muriel Barbery après Une gourmandise publié chez Gallimard en 2000 et réédité en Folio.
Sorti en août 2006, L’élégance du hérisson a reçu le prix des Libraires 2007 et à ce jour a été tiré à 250 000 exemplaires.