Beaux hommages à La Rochelle

Muriel ou le temps d'un retourLe 35ème Festival International du Film de La Rochelle s’est achevé hier 9 juillet. Comme chaque année depuis 1973, il y eut abondance de découvertes, hommages, rétrospectives … en dehors de tout jury et compétition.

Avec 200 films dont 150 longs métrages de fiction, le programme était chargé.
Il fut l’occasion de rendre hommage aux finlandais Anastasia Lapsui et Markku Lehmuskallio, à l’autrichien Ulrich Seidl, au japonnais Isao Takahata ainsi qu’au français Jean-Paul Rappeneau dont la filmographie fut projetée en intégralité ; mais aussi de découvrir, à travers seize films, les cinéastes iraniennes d’aujourd’hui.

Les traditionnelles rétrospectives de réalisateurs et acteurs disparus étaient placées sous le signe de la diversité : entre celles consacrées à John Ford et au « cinéma muet et érotisme », une troisième mettait à l’honneur Delphine Seyrig.

L’inoubliable fée de Peau d’Anne ("Mon enfant, …"), comédienne de théâtre et de cinéma, mais aussi réalisatrice de documentaires, militante féministe, fut découverte au cinéma grâce à Alain Resnais qui l’engagea dès 1960 pour tourner L’Année dernière à Marienbad (Lion d’or de la Mostra de Venise en 1961).

Elle travailla ensuite avec les plus grands, Jacques Demy, François Truffaut (Baisers volés), Marguerite Duras (La Musica, India Song…), Luis Buñuel …
Au théâtre, elle interpréta Harold Pinter (La Collection, L’Amant) et Peter Handke (La Chevauchée sur le lac de Constance).

Après L’année dernière à Marienbad, Alain Resnais ne tarda pas à faire appel à elle une nouvelle fois pour jouer dans Muriel ou le temps d’un retour, qui obtint le prix de la critique à la 24ème Mostra de Venise en 1963.
Son regard troublant, sa voix singulière ne sont pas pour rien dans l’ambiance étrange et dérangeante de Muriel ….
Film magistral sur le poids du passé, sur la construction d’un présent dont l’histoire a pour cadre Boulogne-sur-Mer, ville touchée par les bombardements et reconstruite à la hâte.
S’y croisent les souvenirs de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d’Algérie (qui venait alors de s’achever et constituait un sujet totalement tabou) et des amours de jeunesse.
Comment reconstruire, vivre dans un aujourd’hui « neuf » alors que les erreurs du passé, les choix que l’on a fait ou les événements qu’on a subis ne veulent pas disparaître ?
Les personnages d’Hélène (Delphine Seyrig) et de son beau-fils, Bernard (remarquablement interprété par le tout jeune Jean-Baptiste Thierrée) sont poignants. En contre-point, Françoise incarne une légèreté et un ancrage dans le présent que seule l’absence de souvenirs pesants semble autoriser.
Entre eux, le personnage d’Alphonse, l’ancien amant d’Hélène peu scrupuleux, opportuniste et insincère croit pouvoir faire « comme si ». Mais il participe lui aussi de l’Histoire et ne peut lui échapper…

Muriel ou le temps d’un retour est un hommage à saluer à double titre, pour l’actrice littéralement extraordinaire, disparue en 1990, que fut Delphine Seyrig et pour le cinéaste exceptionnel qu’Alain Resnais demeure depuis près de cinquante ans.

Festival International du Film de La Rochelle

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