Albertine est donc repartie chez elle en Tourraine, laissant le narrateur en proie aux pires douleurs.
Malgré la répétition, dans sa stratégie pour la faire revenir, d’erreurs du passé, et malgré les jours qui passent sans qu’il reçoive de son ami Saint-Loup la bonne nouvelle attendue, il ne peut s’empêcher de croire au succès de son entreprise.
Son espoir semble alors indestructible ; il lui est surtout indispensable :
« C’est toujours une invisible croyance qui soutient l’édifice de notre monde sensitif, et privé de quoi il chancelle. »
Mais, décidément, Albertine ne revient pas. Il sait qu’il faudrait qu’il l’oublie ; n’y parvient pas.
Si le bonheur, ou du mois l’absence de souffrances, peut être trouvé, ce n’est pas la satisfaction, mais la réduction progressive, l’extinction finale du désir, qu’il faut chercher. On cherche à voir ce qu’on aime, on devrait chercher à ne pas le voir, l’oubli seul finit par amener l’extinction du désir.
Ces réflexions l’amènent à réaliser la solitude de chaque être, malgré les illusions dont il se berce :
Les liens entre un être et nous n’existent que dans notre pensée. La mémoire en s’affaiblissant les relâche, et, malgré l’illusion dont nous voudrions être dupes et dont, par amour, par amitié, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, disant le contraire, ment.
Mais cette idée est bien entendu insupportable, comme l’est celle de l’oubli :
Et j’aurais eu si peur, si on avait été capable de le faire, qu’on m’ôtât ce besoin d’elle, cet amour d’elle, que je me persuadais qu’il était précieux pour ma vie. Pouvoir entendre prononcer sans charme et sans souffrance les noms des stations par où le train passait pour aller en Tourraine m’eût semblé une diminution de moi-même (simplement au fond parce que cela eût prouvé qu’Albertine me devenait indifférente).
Bel été et belles lectures à tous.
coucou,
je profite de mon dernier jour au boulot sur Paris pour faire un petit commentaire sur ce blog génial. A la surprise générale, je choisis le billet sur Proust pour le faire alors que cet écrivain n’est vraiment pas ma tasse de thé (n’est-ce pas Mag ?). Mais je voulais juste dire que tous ces billets sur Proust (même si je ne l’ai pas tous lu) m’ont permis d’approcher l’oeuvre de ce grand écrivain, de manière intelligente et claire et d’être même touchée par son écriture et ses sentiments. Merci donc à Maglm pour son analyse toujours juste de ce qu’elle voit ou lit, et pour ses billets qui sont toujours un petit bonheur le matin. Mention spéciale pour la forme des derniers billets sur Proust qui sont beaucoup plus simples à aborder et plus "conviviaux" en quelque sorte.