L’Américain Edward Steichen (1879-1973) semble avoir tout fait, et toujours premier parmi les premiers.
Influencé par le symbolisme, l’impressionnisme et l’orientalisme, il introduit l’art dans la photographie au tout début du XXème siècle. Ses images dites pictoralistes effleurent dans une atmosphère voilée des corps nus énigmatiques, évoquent plus qu’elles ne les montrent des paysages, arbres, neige et cours d’eau dans une ambiance floue et poétique proche de la peinture.
A Paris, chez Gertrude et Léo Stein, il rencontre Toulouse-Lautrec, Renoir, Manet, Cézanne, Matisse, Picasso, Brancusi et les fait connaître de l’autre côté de l’Atlantique en les exposant dans sa galerie new-yorkaise. Il photographie Richard Strauss à la façon d’un personnage sorti du fantastique, mais aussi Matisse, Jaurès, Roosvelt et bien sûr Auguste Rodin. A Meudon, il réalise d’étranges clichés du Balzac de Rodin, mi-homme, mi-fantôme surgissant dans une lumière crépusculaire effrayante.
Il réalise de lui-même, bel homme, d’étonnants et remarquables autoportraits.
Mais cette approche "romantique" ne sera qu’une période, qu’il abandonnera résolument au cours de la Première Guerre mondiale, alors engagé dans la photographie militaire.
Avec les années 1920 débute donc la seconde manière de Steichen, dite moderniste.
Nommé photographe en chef des magazines Vogue pour la mode et Vanity Fair pour les mondanités, il devient LE photographe es-célébrités et monde du luxe. Sous son objectif, les robes des grands couturiers semblent des oeuvres d’art dont la perfection laisse encore aujourd’hui pantois ; les portraits de personnalités (toutes y sont passées) sont systématiquement réussis. Il joue avec la lumière artificielle et les ombres avec une virtuosité sans appel. Son talent pour mettre en valeur avec art et précision s’exerce jusque dans la publicité.
Sa créativité dépassera le strict champ photographique. Pour le textile, il photographie des objets insolites (riz, haricots, lunettes, boutons, fil…) en plan rapproché ; une fois transposée en couleur, l’image est répété sur l’imprimé. Les motifs abstraits qui en résultent – d’un superbe style "Arts Déco" – connaissent un grand succès.
A la fin des années 1930, ce passionné d’horticulture sera aussi le premier à faire entrer ses fleurs dans un musées – et au MoMA s’il vous plaît ! Il en sera d’ailleurs nommé directeur du département de photographie en 1946.
Présentée en 1955 après trois ans de recherche en Europe et aux Etats-Unis, l’exposition qu’il a mise en place The Family of Man, destinée à promouvoir la solidarité entre les peuples par le rapprochement d’images du monde entier, circulera dans trente-huit pays. Plus de neuf millions de personnes l’auraient vue jusqu’en 1962. Une version restaurée est aujourd’hui installée de manière permanente au Luxembourg, pays où il est né.
Steichen, une épopée photographique
Jeu de Paume – site Concorde
1 place de la Concorde – Paris 8ème
Jusqu’au 30 décembre 2007
Mar. de 12h à 21h, mer. au vend. de 12h à19h, sam. et dim. de 10h à 19h
Tél. 01 47 03 12 50
Image : Fred Astaire dans le film Top Hat, New York, 1927, Edward Steichen, Courtesy Howard Greenberg Gallery, New York © 1927, Condé Nast Publications
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