Poète, romancier, résistant, communiste, Gaston Massat aurait eu cent ans cette année.
A cette occasion, le pays du Couserans (Ariège) salue enfin la mémoire et l’œuvre de cette figure littéraire, en rééditant ses écrits tombés dans l’oubli depuis trop longtemps.
La ville de Saint-Girons a également proposé durant l’été une exposition autour des peintres amis du poète, où l’on pouvait aussi découvrir de nombreuses photos et lettres, autant de témoignages d’amitié des proches d’idées et de cœur de Gaston Massat : Paul Eluard, Aragon, Elsa Triolet, Joë Bousquet, Jean Marcenac…
Petit-fils et fils de libraires installés à Saint-Girons et à Toulouse, Gaston Massat fait ses études de philosophie dans la ville rose, où, avec son frère cadet René, il rencontre en autres le futur psychiatre Lucien Bonnafé, le poète Jean Marcenac… Ils sont ainsi quelques étudiants à créer à la brasserie Tortoni place du Capitole un groupe de mouvance surréaliste, dont Gaston Massat est un fervent connaisseur et partisan.
Ses études terminées, Gaston Massat revient à Saint-Girons où il prend la direction d’une librairie qui devient vite une sorte de « salon » sans façon, point de rendez-vous intellectuel, artistique et politique de la capitale du Couserans. Outre une abondante correspondance, il reçoit la visite de Paul Eluard, Jean Marsenac, Lucien Bonnafé… se rend fréquemment à Carcassonne voir son ami Joë Bousquet.
Engagé dans la Résistance pendant l’Occupation, l’ensemble de sa vie et de son œuvre témoignent de sa révolte et de son combat contre la dictature, la torture, les massacres de l’homme par l’homme. C’est d’ailleurs ainsi que Jean Marsenac saluera sa mémoire : « C’est grâce à lui, à cette immense fantaisie qui faisait voler en éclats le monde des gens sérieux que j’ai appris la force des mots qui remettent l’univers en question. J’ai appris avec lui la vertu véritable de la poésie qui est de dire non aux conditions inacceptables qui sont faites à l’homme par les mots qu’on accepte, les faits auxquels on obéit ».
Seul roman qu’il ait écrit, Capitaine Superbe a été publié aux éditions Bordas en 1946 puis dans le journal Action en 1947. Il a fait dire à Aragon qu’il était à lire « avec une espèce de reconnaissance ». Il vient d’être réédité à l’initiative de sa nièce Catherine Massat aux éditions Libertaires avec des illustrations d’Ernest Pignon Ernest.
Inspiré de l’histoire tragique du Couserans pendant Seconde guerre mondiale, dédié « A ceux qui se reconnaîtront dans le livre », il retrace les violences et meurtres commis par la Gestapo, les combats du maquis contre l’armée allemande, mettant en scène sans fard aucun exactions des miliciens locaux et faits de Résistance en juillet et août 1944.
La réussite de ce roman tient de toute évidence à la façon dont Gaston Massat a mêlé une prose poétique magnifiant le cadre naturel dans lequel il se déroule (et l’histoire d’amour qui en fait la trame) à un compte-rendu sans détour des brutalités commises, des lâchetés, du désespoir et de la révolte.
Publiés dans Les Lettres Françaises, Les Cahiers du Sud ou la revue Europe, et dans deux recueils (Piège à Loup en 1935 et Adam et Eve, La Source des Jours, illustré par Raoul Duffy, en 1948) les poèmes du Saint-Gironnais sont tout aussi poignants.
Ils ont été réunis dans leur intégralité cette année dans Voici ma voix aux éditions Le Pas d’Oiseau, à l’initiative de la ville de Saint-Girons. On y trouvera ce poème de 1949 « Je meurs d’Espagne », qui montre l’attachement à l’Espagne de celui qui durant l’Occupation a combattu dans le maquis aux côtés de réfugiés Républicains :
(…)
Je suis de vieille race sarrazine
Je suis la fleur d’un évêque en gâteau d’amis
Et d’une chanteuse borgne de Bilbao
Une aile bat pour chaque espoir
Je me souviens du temps des magiciens
Du temps où Soledad grenier des lézards
Faisait son lit d’écume et de pierres…
Et maintenant au bord des yeux
Il n’y a plus que les oiseaux qui viennent
Sifflant les airs volés aux portes des prisons…
Plus un parfum ne vient de la terre des femmes …
Et l’on dit que le pain se pourrit sous les langues
Hier Guernica était remplie de fleurs
De fleurs de sang de fleurs de bouche
Rien ne se perd des vies volées
Un mot s’est pris à la glace des lèvres
Un mot brûlant liberté.
A lire :
Capitaine Superbe, 13 € (éd. Libertaires, 170 p.)
Voici ma voix, 17 € (éd. Le Pas d’Oiseau)
et le dossier consacré à Gaston Massat dans le n° 177 de l’Ariégeois Magazine (juillet-août 2009)