Il y a sept ans déjà, Les triplettes de Belleville, avec une cruelle histoire de vélo sur un air de jazz nous avait enthousiasmé. Il émanait de ce dessin animé un parfum de tristesse, de solitude et de temps révolu à nul autre pareil.
Sylvain Chomet, après avoir connu le succès avec ce premier long métrage (nominé aux Oscars en 2004) s’empare d’un scénario inédit de Jacques Tati pour réaliser un nouveau film d’animation débordant de charme, de beauté et d’émotion ; et, comme le précédent, de mélancolie.
Cet illusionniste est un magicien de music-hall qui, à la fin des années 1950, n’intéresse plus grand-monde à Paris ni à Londres, où les groupes de rock apparaissent et passionnent les foules, renvoyant prestidigitateurs, acrobates et ventriloques à une époque préhistorique.
Notre héros, grand dadet d’âge mûr, bien élevé et élégant mais un tantinet coincé et gauche se voit contraint de pousser jusqu’en Ecosse pour essayer de continuer son métier. Là, il lui faudra atterrir dans un patelin loin de tout pour étonner encore le public avec ses tours. Surtout, il y fait la connaissance d’une jeune fille qui croit à la magie et ne le lâche plus.
Ce dessin animé "à l’ancienne", artisanal et en deux dimensions a quelque chose de profondément poignant. Il se déroule à une époque qui n’est plus, certes, mais il retrace dans ce passé-même la fin d’une période, un moment de mutation profonde où, notamment, les artistes du music-hall ont dû laisser la place aux vedettes du rock et de la variété.
C’est à travers le personnage de l’Illusionniste, naïf et toujours étonné de ces changements, dont on dit qu’il est le double de Jacques Tati, que l’on vit ce basculement. L’adolescente qui le suit comme son ombre, mystérieuse – il n’y a pas de dialogue, ce qui contribue à l’atmosphère élégante du film – est tout aussi attachante que lui. Rurale, elle découvre à Edimbourg avec émerveillement les attraits de la ville. Orpheline, elle s’attache à cet illusionniste comme à un père (Noël). Il y a la magie bien sûr, et de la poésie à revendre. Il y a aussi la beauté des dessins, en particulier des paysages lors des longs voyages en train à travers l’Ecosse, puis des paysages urbains splendides, avec des plans dignes du plus grand cinéma, sans compter un dessin de la lumière très inventif.
Mais, entre deux gags un peu désuets, se déroulent des moments rares et précieux montrant une humanité bouleversante, avec ce magicien qui essaie, de façon totalement désintéressée, de continuer à faire plaisir à la jeune fille, qui elle-même, avec ses faibles moyens, essaie de sauver son prochain, comme ce clown totalement désespéré, qu’un ragoût par elle apporté sauvera du suicide.
L’Illusionniste
Réalisé par Sylvain Chomet
Durée 1 h 20
Sorti en salles le 16 juin 2010