Pour le 10ème épisode de notre feuilleton littéraire « Les prix Goncourt », Andreossi nous fait part de sa lecture du prix Goncourt 2009. Bonne lecture ! Mag
Trois histoires composent ce « roman » : au lecteur, à la lectrice, de découvrir en quoi les femmes plus ou moins en scène dans chacun de ces récits manifestent la puissance revendiquée dans le titre.
Norah revient en Afrique à la demande de son père, qu’elle a très peu revu depuis qu’il est retourné au pays avec son fils. Ce frère, qu’elle a aimé, est accusé de meurtre, et c’est en tant qu’avocate que son père lui demande de l’aide. Norah doit réaliser un gros travail de mémoire pour retrouver les êtres qu’elle a connus autrefois derrière les images qu’ils présentent aujourd’hui.
Rudy, revenu d’Afrique avec sa femme Fanta à la suite d’épisodes de violence, tente de comprendre les raisons des échecs multiples qui marquent sa vie. Après maints débats intérieurs il retrouve la paix avec son fils, une fois rétabli le souvenir de la violence paternelle originaire. Enfin la troisième histoire est la plus désespérante. Khady, à la suite de son veuvage, perd tout. De déchéance en déchéance elle arrive jusqu’à la mort en tentant de fuir l’Afrique pour le paradis européen.
Ces trois portraits de femmes (puisque le titre du livre nous impose trois femmes) dont l’un est très en creux, ont pour point commun le plus évident l’Afrique, et pour arrière fond la question du passé et de son oubli. Leur mal être conduit les personnages à puiser dans leur intériorité, et à trouver la puissance nécessaire au fond d’eux-mêmes pour faire émerger une identité mise à mal par les déracinements antérieurs. Marie Ndiaye nous raconte qu’une grande force personnelle est nécessaire pour se dégager des diverses influences extérieures qui parasitent la volonté propre.
L’écriture, aux nombreux retours à la ligne, manifeste les débats internes, sans qu’on puisse toutefois parler d’une suite de monologues intérieurs. On ne quitte pas l’esprit des personnages, jusqu’à se sentir parfois prisonniers de leurs états d’âme, d’où la difficulté à les cerner véritablement d’un point de vue extérieur. Quelle parole possible entre l’oubli du passé et le brouillage issu du discours des autres ? « La rumeur qui ornait ses songes, vaguement composée de la voix de son mari, de la sienne, de quelques autres encore, anonymes, issues du passé, lui avait donné l’illusion qu’elle parlait de temps en temps ».
Un Goncourt 2009 qui garde une part de mystère sur ces trois femmes que l’on veut bien croire puissantes, mais dont le destin nous laisse toutefois troublé.
Andreossi
Trois femmes puissantes
Marie Ndiaye
Gallimard, 2009