On aime beaucoup cette pièce de Pierre Notte, au titre un peu curieux, un peu inquiétant, à découvrir sans tarder dans l’ambiance intimiste de la salle Jean Tardieu du théâtre du Rond-Point à Paris.
Que de la musique et du chant, mais une histoire et des personnages plus qu’attachants. Qu’est-ce donc que ce spectacle ? « Ni un opéra, ni une opérette, ni une comédie musicale, c’est une pièce de théâtre… chantée », selon Chloé Olivères, l’une des quatre (formidables) comédiennes-chanteuses. De fait, dès que la pièce démarre, où l’on voit Macha se disputer avec sa sœur adolescente qu’elle élève seule, l’on pense immédiatement à Anne Vernon et Catherine Deneuve, mère et fille se donnant la réplique dans Les parapluies de Cherbourg sous la houlette de Jacques Demy et les roulements de Michel Legrand. Une façon de chanter qui pose les personnages, un accompagnement au piano qui entraîne et – talent oblige – « nous y sommes ». La comparaison avec les maîtres doit bien sûr s’arrêter là, mais c’est pour mieux s’immerger dans l’histoire de ces quatre femmes, quatre poignantes solitudes en somme, qui au départ s’affrontent sans merci, comme si ces mots déchirants étaient tout ce qui leur restait.
Madame Rose, magnétique brune (Chloé Olivères), dont la voix rappelle à certains égards celle de la chanteuse Juliette, a tout perdu depuis que son (petit) appartement a brûlé. Ne demeurent qu’une chaise et quelques biscottes calcinées. Macha, liane aussi blonde que talentueuse (Blanche Leleu) est obligée de se prostituer pour nourrir sa petite Nina (étonnante Elsa Rozenknop), qui rêve de Broadway et, en attendant, en veut à son corps et à l’institution.
Toutes trois n’ont pas d’autre choix que de cohabiter depuis que la cloison qui séparait les deux logis s’est effondrée (tout cela n’est qu’évoqué, dans une économie de moyens judicieusement mise en œuvre). Engluées dans leur désolation, elles ne se supportent pas. Surgit une quatrième femme, terrible Juliette Coulon, prête à tirer sur elles pour venger la trahison de son mari. Mais voici que de fil en aiguille, et contre toute attente, ces femmes-là vont rassembler leurs forces, s’unir pour reprendre courage, s’émanciper et rêver d’autre chose…
De bout en bout, le spectacle est bien fait, bien joué, bien chanté. La voix off de Nicole Croisille fait la 5ème femme de la partition, ou plutôt la 6ème, car il ne faut pas oublier Donia Berriri, qui officie au piano avec ferveur. L’ensemble, grave et drôle à la fois, dur mais plein de tendresse et d’espoir, donne une soirée tout « en-chantée ».
Sur les cendres en avant
Texte, musique et mise en scène : Pierre Notte
Avec Juliette Coulon, Blanche Leleu, Chloé Olivères et Elsa Rozenknopp
2bis av Franklin D. Roosevelt – 75008 Paris
Jusqu’au 14 mai 2016