Pour la nouvelle année, on remonte 60 ans en arrière, avec le prix Goncourt 1957 relu par Andreossi. Partir dans le sud de l’Italie en ce début d’année, voici une idée séduisante…en tout cas en 2017… !
Meilleurs voeux chers lecteurs, j’espère que vous pardonnerez la parcimonie des billets de maglm ces derniers temps, mais c’est pour une (double) bonne cause ! Que 2017 vous apporte santé, joie, douceur et belles découvertes ! A très vite, et merci à Andreossi pour son super-feuilleton des Goncourt !
Mag
Le prix Goncourt 1957 nous conduit dans les Pouilles, région pauvre d’Italie dans ces années d’après fascisme. Vailland nous décrit la vie de village portuaire dans la diversité de ses classes sociales, en prenant pour cible des personnages représentatifs, du propriétaire terrien aisé à l’ouvrier agricole, en passant par le juge et le commissaire, et surtout par Matteo Brigante, qui porte bien son nom et fait régner sa loi sur ce monde de miséreux, moyen pour lui d’ascension sociale.
Le symbole du pouvoir de Brigante est le jeu de La Loi, basé sur le couple honneur/humiliation, dans lequel il excelle. Le sort des cartes désigne un « patron » : « Le gagnant, le patron, qui fait la loi, a le droit de dire et de ne pas dire, d’interroger et de répondre à la place de l’interrogé, de louer et de blâmer, d’injurier, d’insinuer, de médire, de calomnier et de porter atteinte à l’honneur ; les perdants, qui subissent la loi, ont le devoir de subir dans le silence et l’immobilité ». Et aussi : « Pour que La Loi soit plaisante à jouer, il faut une victime, clairement désignée, que le sort et les joueurs traquent jusqu’à épuisement ».
C’est dans cette ambiance réjouissante que les hommes rivalisent. Mais la société n’est pas faite seulement d’hommes appliqués à défendre leur honneur par l’humiliation des plus faibles. Les femmes ont aussi leur rôle à tenir : obéissance au droit de cuissage, contrainte au viol, soumission des jeunes filles aux femmes âgées.
L’intrigue du roman se fixe sur la jeune Mariette douée de « la voix » : « Un chant vertigineux, c’est-à-dire à la fois très exactement placé et chaviré chavirant hors de toute place ». Elle parvient à éviter viol et droit de cuissage et figure les possibilités de changements de cette société machiste.
Roger Vaillant semble avoir connu de près cette vie de l’Italie méridionale, car les descriptions qu’il fait de ses coutumes tiennent parfois davantage de l’ethnologie que du roman. Mais il est possible qu’il ait forcé le trait, du moins nous préférons le penser tant les règles locales nous paraissent aujourd’hui relever d’une violence difficile à entendre. L’écriture est assez plate, à la limite parfois des didascalies des pièces de théâtre, mais la lutte de Mariette nous mène aisément jusqu’à la fin du roman.
Andreossi
La loi, Roger Vailland
Bonjour Mag,
Double bonne cause… nous attendons de les connaître !
Pour revenir à Roger Vailland, il faut savoir que l’Italie décrite par Vailland lui était très bien connue. En effet, sa femme Elisabeth était originaire de la région des Pouilles et Vailland aimait y séjourner. Dans d’autres textes il raconte très bien cette vie en Italie.
La Loi est un roman particulier chez Vailland. C’est un « plan marketing » monté avec son éditeur. L’objectif est défini : décrocher le Goncourt. Une véritable machine de guerre est lancée. Vailland calibre son écriture pour rentrer dans le style Goncourt. Son éditeur et son service de presse font du lobbying pendant des mois. C’est une véritable bataille et le doute persiste jusqu’au jour J. Vailland l’auteur de Drôle de jeu décroche le Goncourt. C’est un peu une revanche pour Vailland qui espérait obtenir le Goncourt avec Drôle de Jeu.
Ce Goncourt lui apportera l’argent nécessaire pour vivre sa vie de libertin !
La Loi est vraiment un roman « extérieur » de l’oeuvre de Vailland. Il a été écrit, calibré pour entrer dans le moule « Goncourt ». Vailland raconte très bien comment il a formaté La Loi en s’imposant une écriture pour atteindre l’objectif.
Que ce billet donne envie de se plonger dans l’oeuvre de Vailland et de découvrir également son travail, peu connu, de scénariste.
Merci Jérôme de ce bel éclairage.
Afin de conseiller les lecteurs (dont moi) qui n’ont jamais lu Roger Vailland, par quel livre penses-tu qu’il vaut mieux le découvrir ? « Drôle de jeu » que tu évoques ?
Merci de ta réponse et à bientôt !
Réponse de Jérôme :
« Je te conseille son premier roman Drôle de Jeu paru en 1945 où la résistance, la guerre prend un visage nouveau moderne et bien évidemment avec Vaillant libertin.
Et si tu veux aller plus loin pousse ta curiosité à son oeuvre de jeunesse dans le collectif du Grand jeu https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Grand_Jeu_(revue) «