Un roman amusant que le Goncourt 1927. Beaucoup de dialogues, une langue alerte, des caractères bien peu compliqués, une thèse simple, font qu’il se lit sans y penser ; et si au total l’intérêt paraît littérairement mince, on reconnaît qu’il est représentatif de ces années 1920, qui voulaient oublier les horreurs de la première guerre mondiale et ne pas envisager qu’il pourrait y en avoir une seconde.
Jérôme est un jeune écrivain qui va assister en Norvège à la création de sa pièce « Littérature ». L’action est précisément située dans le temps, c’est l’année 1924 où Christiana, capitale du pays, devient Oslo. Le jeune homme devient amoureux de la fille de la traductrice de sa pièce et entame une cour à la française en bonne et due forme. Mais les mœurs locales et en particulier le caractère de la jeune fille correspondent peu aux codes français, d’ailleurs assez surannés, de Jérôme.
C’est donc le décalage entre les prétentions françaises au charme du flirt et la franchise des rapports entre hommes et femmes norvégiens qui est le prétexte à de multiples scènes divertissantes : « Ah, Mademoiselle, fit-il tout essoufflé, comme votre pays est beau ! Ces chaos de rochers, ces sapins… Oui, dit Uni Hansen toute à sa minutieuse besogne, il y a beaucoup des pierres et des arbres ». Aussi : « Uni, insistait Jérôme, dites- moi que vous m’aimez. Elle jouait avec le bouchon du radiateur de l’auto, qu’elle dévissait, revissait ».
Cette confrontation entre les deux sociétés est aussi un prétexte à souligner les fondements des différences : « Songez, Monsieur l’auteur, que la femme a chez nous, en amour, comme en toutes choses, des droits égaux à ceux de l’homme ». La traductrice, de son côté, qui a largement caviardé le texte de Jérôme, s’explique : « J’ai écarté de mon texte toutes les petites phrases inutiles dont les Français fleurissent leur langage. C’est, je crois, ce que vous appelez des civilités. Ce sont des gentillesses qui cachent le plus souvent une hypocrisie sans borne ».
La jeune Norvégienne, à la solide poignée de mains, qui s’amuse à se battre au corps à corps avec son amoureux transi, finit par accepter leurs fiançailles. Après tout sa propre mère s’est mariée quatre fois, l’engagement n’est pas pour la vie. Mais l’écrivain est trop désarçonné par ce comportement égalitaire, et sa fiancée prend l’initiative de la rupture, dans son français toujours amusant : « Jérôme, vous dites beaucoup de choses, mais vous ne faites pas. Et quand vous devez faire, vous connaissez seulement de pleurer. Vous n’êtes pas un fiancé pour moi. Je vous rends la parole ».
Andreossi
Jérôme 60° latitude nord, Maurice Bedel