Les premières phrases du prix Goncourt 1941 sont prometteuses : « Les sapins, serrés en bleuissante laine de solitude et d’ennui, dorment sur le songe qui les a arrêtés là, dans cette faille, au bout du monde ». Mais au fur et à mesure de la lecture, le leitmotiv du livre, répété sous toutes les formes, devient lassant, et on se dit que rarement le jury du Goncourt a été aussi opportuniste dans son choix.
L’œuvre se présente comme un journal tenu par un observateur à une période difficile de l’histoire de la France, entre juin 1938 et le 1er novembre 1940. Autrement dit lorsque la « drôle de guerre » s’étire jusqu’à la défaite et où débute l’Etat Français du Maréchal Pétain. L’écrivain réside en Auvergne près d’Ambert, et c’est de ce point de vue qu’il chronique ses observations et réflexions. Si les péripéties historiques sont absentes (mis à part la mobilisation) la solution aux difficultés du pays se résume pour lui simplement : il n’y a que le paysan qui peut sauver le France.
Pourtant l’auteur est davantage convaincant lorsqu’il décrit la société paysanne, déjà à l’époque largement vaincue par l’exode et la pauvreté, que dans l’espoir qu’il met à un ressourcement national grâce aux campagnes : « Un être de grand tempérament sentira toujours que la vie à la ville ne peut pas être la vie : d’autre part comment ne pas voir que le retour à la terre, comme on dit, est un luxe, une très mauvaise affaire ? ».
Cette chronique n’évoque que très allusivement la défaite, et l’on trouve à la date de fin juin 1940 : « Dans son combat contre le moteur, le géant a ployé le genou. Qu’il s’appuie de sa main contre le sol : il n’ira pas au sol : il touchera terre, seulement. Et de la patiente et sombre mère, alors, il sentira la vie remonter à ce cœur, comme un lait vivifiant, comme une force ».
Une des phrases du livre permet de comprendre l’espoir que l’écrivain a mis dans la politique du Maréchal : « Comment ne pas désirer repartir des réalités naturelles, le pays, le métier, la famille ? ».
Un peu plus tard Pourrat abandonne cette attente, et aide Juifs et Résistance. Ce Goncourt représente un dernier hommage à une société paysanne à qui l’Occupation a laissé un sursis, mais dont la fin est très proche.
Andreossi
Vent de Mars, Henri Pourrat