Un roman prix Goncourt 1997 pour les amoureux de Napoléon Bonaparte, ou pour les passionnés des batailles napoléoniennes, ou encore pour les amateurs des défis littéraires : en effet Rambaud s’est attelé à conter la bataille d’Essling parce que Balzac a manifesté l’intention d’écrire un tel récit durant plusieurs années sans finalement le concrétiser.
Patrick Rambaud n’a pas cherché à pasticher Balzac. Il nous présente un roman historique, tout à ses aspects descriptifs puisés dans les travaux des historiens, comme il nous le confie dans les « notes » qui font suite à son texte. Il reste cependant dans l’illusion de l’objectivité (« un roman historique, c’est la mise en scène de faits réels »), ce qui limite certainement ses capacités à faire adhérer le lecteur à ce qui aurait pu être un objet littéraire davantage pertinent.
Nous rencontrons des personnages qui ont fait l’Histoire, à défaut d’être « réels » : Napoléon, le maréchal Masséna, les généraux Berthier, Dorsenne ou Lejeune, et même Henri Beyle qui ne s’appelle pas encore Stendhal. Et puis des hommes plus humbles qui peuvent témoigner des carnages : « Quand un des porte-aigle eut la tête balayée par un boulet, des pièces d’or roulèrent à terre ; le bougre avait eu l’idée de cacher ses économies dans sa cravate, mais personne n’osa se baisser pour en ramasser une poignée, par crainte des remontrances ».
On apprend que la volonté des hommes n’est pas toujours déterminante dans les issues de la bataille. Ici ce sont les conditions météorologiques qui donnent le tempo. Les pluies ont gonflé le Danube et les ponts provisoires établis par les Français pour le faire franchir par les troupes sont bien fragiles. Les Autrichiens se montrent astucieux : de lourdes barques chargées de pierres vont heurter les ponts qui sont emportés. Napoléon perd finalement sa bataille, inaugurant en 1809 une série de revers.
L’auteur échappe parfois à ses descriptions pour s’engager vers une interprétation qui présente alors davantage d’intérêt : « Ils se turent pour écouter l’ancien hymne de l’Armée du Rhin, répandu dans toute la France insurgée par les volontaires de Marseille, qui accompagna la Révolution et ses soldats jusqu’à l’Empire où, par décret, il fut interdit comme un vulgaire chant séditieux. Lannes et Masséna évitaient de se regarder. Ils se souvenaient de leurs exaltations passées. Désormais ils étaient ducs et maréchaux, ils possédaient autant de terres et d’or que les aristos, mais la Marseillaise les avaient naguère soulevés, ils avaient quitté leurs provinces pour se battre en l’entendant, et combien de fois en avaient-ils entonné les couplets à pleine gorge pour y puiser du courage ? ».
Andreossi
La bataille. Patrick Rambaud