Deborah, citoyenne américaine, veut assister aux cérémonies de la création de l’État d’Israël, en 1948, mais s’arrête auparavant au Caire. Elle rend visite ainsi aux membres d’une association de bienfaisance juive financée par son père. Sa visite provoque l’affolement de la petite communauté censée utiliser rigoureusement l’argent américain : l’orphelinat pour jeunes filles qui aurait dû être créé n’a jamais existé, les divers membres de l’association ont toujours trouvé mieux à financer, en particulier leurs propres besoins.
Cette intrigue digne du cinéma burlesque a valu le prix Fémina 1991 à son autrice. C’est que le lecteur s’attache à ses personnages hauts en couleurs, au vocabulaire très imagé, mais aussi peut découvrir le cadre historique, au moment où la nouvelle nation naît dans la violence. Certes l’autrice, qui intervient dans le cadre de son récit, ne veut pas s’engager dans la réflexion politique : « Combien de morts faudra-t-il encore à la liberté pour être libre ? Point de calcul et de méditation qui échappe pour l’instant à ma compétence, chacun son métier, le mien est de raconter cette histoire ».
Il n’en reste pas moins que les Juifs du Caire sont victimes d’une grande rafle : « Le commencement de la patrie juive instaurait la fin des juifs en pays arabes ». Avant cela, il a bien fallu que nos associatifs trouvent une solution pour duper Deborah. C’est le policier Klapish qui en a l’idée : transformer le bordel local, occupé par ses « animatrices », en orphelinat pour jeunes filles le temps de la visite de l’américaine. On ne dévoilera pas ici si le stratagème réussit à convaincre, mais on peut assurer qu’on a là l’occasion de situations assez cocasses.
Les dialogues entre les complices sont particulièrement savoureux, et les expressions pittoresques présentes quasiment dans toutes les pages, du type « On a beau prendre les précautions nécessaires, sait-on jamais comment le destin vous fait la figue ? ». Ou : « Il pensait qu’il est des gens qui mangent les dattes et d’autres sur lesquels on lance les noyaux ». Belardo, qui se fait disputer par sa femme : « Ah, Dorette, Dorette, dit Belardo, Dieu n’a pas créé l’homme et la femme l’un contre l’autre, mais l’un après l’autre ! ». Le portrait d’un banquier : « Il avait le menton si doublé que le mendiant imagina qu’il y serrait son argent ».
Andreossi