Le livre au Grand Siècle. Vers le livre populaire (2/4)

bosse_imprimerie_petiteSuite de la conférence à la Bibliothèque nationale de France sur l’histoire du livre au XVIIème siècle.

Le XVII° siècle est une période de disettes, épidémies, pénuries, de conflits religieux, militaires, de stagnation, voire de dépression économique.

La Guerre de Trente ans a dévasté le centre de l’Europe, en particulier l’Allemagne et ses grandes foires de Francfort et de Cologne, et par voie de conséquence son important commerce du livre.

Malgré ce contexte, l’offre d’imprimés va augmenter de façon spectaculaire au cours du Grand Siècle.

Cette croissance de l’imprimé concerne le livre bien sûr mais également les « gazettes » (la Gazette du médecin et journaliste Théophraste Renaudot est l’ancêtre de nos périodiques), affiches, faire-parts, avis publicitaires, formulaires, billets d’inhumation (qui étaient placardés sur des arbres pour inviter la population aux obsèques).

Les colporteurs se déplaçaient dans les campagnes, faisant circuler livres et autres vecteurs. De ce fait, même les gens qui ne savaient pas lire étaient imprégnés de l’imprimé.
L’extraordinaire développement de la production et de la diffusion du livre s’accompagne d’une réduction de son format – le format in octavo devient le plus courant – et cette tendance concerne les genres les plus valorisés au XVII° siècle : la littérature profane (théâtre essentiellement) et la littérature religieuse.

La littérature religieuse prend une importance toute particulière au XVII° siècle, avec un léger décalage par rapport au concile de Trente : après la Contre-Réforme, des publications de toutes sortes voient le jour (catéchismes, livres de prières) et, ce qui est nouveau, s’adressent de plus en plus aux laïcs.
L‘Introduction à la vie dévote, de saint François de Sales fait l’objet d’une quarantaine d’édition au cours du siècle et devient un véritable « best-seller ».

Dans un domaine très voisin, la littérature scolaire accompagne l’enseignement dispensé par les collèges jésuites qui se mettent à couvrir tout le royaume mais également par les écoles paroissiales (en particulier en Champagne, Normandie, Bassin parisien).

En favorisant les progrès de l’école, donc de l’alphabétisation, les exigences religieuses ont en effet joué un grand rôle dans le développement du livre.
Elles l’ont rendu beaucoup plus accessible aux milieux modestes et créé, avec de nouveaux lecteurs, de nouveaux besoins : des livres moins longs à lire, moins intimidants, moins chers.

Ainsi, la Bibliothèque Bleue voit le jour dans la ville de Troyes grâce à l’imprimeur-libraire Nicolas Oudot, puis à Rouen, deux provinces proches de Paris et en pointe de l’alphabétisation.
Sont publiés dans cette collection à l’emballage minimaliste (papier médiocre, broché avec une couverture bleue ou grise qui lui donne son nom) : des ouvrages pratiques, des farces médiévales, des livres de dévotion, livres de saints.
Cette édition de colportage s’adresse non seulement aux populations des campagnes mais aussi aux milieux urbains, à leurs artisans.

Livre brefs, aux prix très faibles : il s’agit bien des premiers « livres populaires ».

Le livre au Grand Siècle.
Bibliothèque Nationale de France
Cycle Histoire du livre, histoire des livres
Conférence de Jean-Dominique Mellot,
Service de l’inventaire rétrospectif
Conférence du 8 mars 2007
Le découpage et le titre sont le choix de Mag

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Le livre au Grand Siècle. De nouvelles cartes (3/4)

Suite de la conférence sur l’histoire du livre au XVII° siècle.

vierges follesAu cours du XVII° siècle, la carte de la production de livres se redessine, tant au niveau des pays d’Europe que sur le royaume de France.

L’arc de prospérité lombardo-rhénan perd de sa puissance : l’Italie du Nord – Venise – en particulier décline.

La production imprimée de l’Allemagne et du centre de l’Europe s’effondre : la Guerre de Trente ans a porté un coup aux grandes foires de Francfort et de Cologne, et donc à un important commerce du livre.

La nouvelle répartition des axes commerciaux va frapper durement la Suisse et Lyon.
En revanche, elle profitera aux Pays-Bas du Nord qui viennent d’acquérir leur indépendance, ainsi qu’à la France.

Les Pays-Bas du Nord sont le phare de la production éditoriale du XVII° siècle.
Dans ce pays de tolérance – calviniste mais accueillant vis-à-vis des autre religions – où une grande diversité d’auteurs et d’imprimeurs cohabitent, la dynastie Elzévir multiplie les publications de grande qualité : publications classiques, publications savantes, grands succès de la littérature française ; mais également publications prohibées en France.

La France devient pour sa part le centre de gravité de l’édition européenne et ce pour de multiples raisons :

Raisons géographiques : la façade atlantique est particulièrement favorisée dans les échanges commerciaux.
Démographiques : avec 20 millions d’habitants, la France est le royaume le plus peuplé d’Europe.
Des réseaux des villes répartis sur tout le territoire et ceux des collèges jésuites qui assurent un marché éditorial important, une capitale qui s’intensifie au cours du siècle.
Après les guerres, le royaume retrouve une stabilité politique avec la montée en puissance de l’absolutisme bourbon.
Culturellement, la Fance atteint une certaine maturité : seulement 20 % des éditions sont latines, ce qui est bien moindre que les productions des autres pays d’Europe.

Enfin, au XVII° siècle, la configuration du paysage éditorial se modifie profondément.
Si Paris demeure leader, les centres provinciaux de la façade Ouest connaissent un essor très important, qui repose notamment sur des facteurs institutionnels.

Ainsi, la multiplication des communautés (corporations) touche également les métiers du livre.
En l’absence d’avancée technologique et de faible accumulation du capital, les corporations jouent un rôle important en favorisant la solidarité entre imprimeurs, éditeurs, libraires.
Les juridictions locales, les Parlements de province encouragent la politique économique et appuient les corporations du livre, considéré comme un instrument de rayonnement, en éditant des législations favorables à ces métiers.
On voit ainsi les libraires venir s’installer, se nicher contre les Parlements.

Mais à contre-courant de cette expansion provinciale, on assiste progressivement à un mouvement de centralisation de plus en plus accentué.
La Fronde, avec la publication, dans un climat d’insubordination vis-à-vis du pouvoir central, de milliers de « mazarinades », pamphlets du cardinal Mazarin, sera le dernier accès de fièvre avant la marche vers la monarchie absolue.

Le livre sous l’emprise du pouvoir centralisateur du Roi-Soleil : suite et fin du livre au XVII° siècle demain …

Le livre au Grand Siècle.
Bibliothèque Nationale de France
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Le livre au Grand Siècle. L’art du livre (1/4)

discours de la methodeLe « Grand Siècle » évoque les splendeurs de Versailles, le classicisme français, le siècle de Louis XIV, l’apogée du l’absolutisme.

En revanche, le XVII° siècle est du point de vue de l’art du livre un siècle d’austérité.

Cette période n’a connu en ce qui concerne les métiers du livre aucune innovation technologique importante par rapport l’époque de Gutemberg.
L’esthétique du livre est même en retrait par rapport à la Renaissance.

Raison essentielle : le papier, élément important du prix de revient du livre, et dont la France est alors le premier producteur en Europe, se voit lourdement taxé (à hauteur d’environ 30 %) suite à la décision prise par Richelieu en 1630 pour financer la guerre de 30 ans.
En conséquence, on va rogner sur la qualité du papier.

Par ailleurs, se généralise au XVII° siècle une nouvelle technique de gravure : la gravure en taille-douce, qui se fait sur cuivre et donne un rendu plus fin que la gravure sur bois. Mais elle oblige à recourir à la presse en taille-douce, qui demande plus de temps et d’argent.
Dès lors, l’image se raréfie. On assiste à un « divorce » entre le texte et l’image : d’un côté des livres, d’un autre des estampes.

Ainsi, dans la plupart des livres, l’essentiel des images sera constitué soit d’un frontispice (gravure placée en regard du titre), soit de portraits.

En matière typographique, on se contente d’unifier les caractères mis au point au XVI° siècle, à savoir ceux de Claude Garamond.

A cette époque, l’essentiel de l’innovation a en fait lieu dans les Pays-Bas du Nord (Provinces Unies), où les imprimeurs Hollandais fabriquent – selon un procédé tenu secret – une encre de qualité supérieure, plus brillante, nette, propre.
La famille Elzévir, établie à Leyde et Amsterdam, conçoit en outre des caractères qui seront imités en Belgique et en France.
Mais la nouveauté la plus importante tient à la mise en page : afin d’aérer le texte et respecter l’articulation de la pensée, on introduit des alinéas et des paragraphes.
Le pionnier est René Descartes : il insistera pour que les imprimeurs respectent ses paragraphes ; Le Discours de la méthode sera d’ailleurs édité pour la première fois aux Pays-Bas (image).

« Point zéro » de l’art du livre en France, le XVII° siècle est toutefois l’époque au cours de laquelle l’offre d’imprimés va augmenter de façon spectaculaire : on s’achemine alors vers le « livre populaire ».

Tel est le programme de demain…

Le livre au Grand Siècle. Bibliothèque Nationale de France
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Aux origines du livre, conférence à la BNF

minidanseDépart pour un lointain voyage avec une conservatrice de la Bibliothèque nationale de France … C’était mardi dernier, et il y en aura d’autres …

Attention ! avertit d’emblée Annie Berthier, l’histoire du livre n’est pas celle de l’écriture : point de livre sans support répondant à des critères précis.
Mais tout le monde est d’accord : il a bien fallu commencer par l’écriture avant d’inventer le livre.

L’écriture est née en Mésopotamie et en Egypte autour de 3300/3200 av. J.-C.
C’est alors l’un des éléments d’une série d’innovations majeures, au nombre desquelles la sédentarisation, le développement des villes, de l’architecture, etc. : le début de la civilisation historique.

L’histoire du livre – on y arrive – c’est ensuite et surtout celle du support du livre. A cet égard, l’invention du livre est caractérisée par des invariants. Le premier est que, pour fabriquer un livre, on se sert de ce qu’on a autour de soi.
Dans le bassin méditerranéen, ce sera le papyrus, fait avec la moelle du roseau aquatique du même nom.
Certes, on a pu d’abord graver sur des stèles. Mais une stèle gravée n’est pas un livre : on ne peut pas la porter !

C’est quoi, alors, un livre ? Un livre (en grec, on dira biblion, en latin liber), c’est : un assemblage portatif d’éléments présentant une surface plane sur laquelle il peut être écrit de façon durable.

Le texte était d’abord écrit sur des tablettes recouvertes de cire, sur lesquelles on gravait à l’aide d’un stylet. Il était ensuite recopié à l’encre sur le papyrus.
Le livre a eu ainsi d’abord la forme du rouleau.
Le parchemin , peau d’animal dépilée et effleurée, est arrivé très tôt aussi, à Pergame (d’où l’origine du nom). On a tendance à croire que le parchemin a remplacé le papyrus. En réalité, les deux ont coexisté pendant très longtemps.
La forme a ensuite évolué. Du rouleau, on est passé au codex : le livre est formé de feuilles pliées et assemblées en un ou plusieurs cahiers cousus et couvert d’une reliure.
C’est la forme que nous connaissons aujourd’hui.

Si le papyrus, le livre et la bibliothèque – avec la célèbre Bibliothèque d’Alexandrie qui en –50 contenait 700 000 volumes – viennent du Proche-Orient, le papier est en revanche un apport de l’Orient : la Chine a inventé le papier au X° siècle avant J.-C., et l’a utilisé dès le Ier siècle de notre ère. De ce point de vue, « l’avance » de l’Orient est énorme : en Occident, au Moyen-Age, on en était encore au parchemin…


La question de Mag :

Le support est-il important ? François Weyergans a fait cette sage réponse à un journaliste qui lui demandait avec affolement son avis sur le « livre électronique »:
« On a lu sur des parchemins, on a lu sur des peaux de chèvres, on pourra bien lire sur un livre électronique. Personnellement, je préfère le papier, mais je ne vais pas imposer mon amour du papier à la terre entière. Ce qui compte, ce n’est pas sur quoi on lit, c’est ce qui se passe dans la tête du lecteur au moment où il lit. »

Oui. Mais si on s’est mis au papier avec tellement de retard, peut-être peut-on profiter encore un peu de sa douceur … et laisser aux Chinois la primeur du livre électronique ?

Tous les renseignements sur les conférences sont sur le site de la BNF

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