Le prix Goncourt 1947, qui décrit la vie d’une petite ville du sud- ouest de la France sous l’occupation nazie, n’est pas très convaincant. Sous une écriture sans relief, nous sommes tentés de suivre la trajectoire des personnages, mais nous les perdons trop facilement en route ; leur cohérence ne paraît pas non plus toujours évidente, même si on accepte l’idée qu’une période de grande crise bouleverse la vie des gens.
Curtis nous offre la palette des réactions que l’on peut attendre de la diversité des habitants de Saint Clar, dans les Pyrénées , de l’adolescent qui s’engage dans l’aide à la résistance, à la collaboration tranquille avec les Allemands, en passant par le grand bourgeois qui ne se prononce pas, à l’aristocrate déclassé qui réoriente son opinion. Curieusement, c’est du côté des gens modestes que les comportements ne sont guère valorisants : l’une couche avec un officier allemand, son fils participe aux tortures avec la Milice, une bonne dénonce un partisan.
Si la période du roman débute fin 1942, pour une mise en situation assez longuette, c’est le moment de la Libération qui révèle véritablement la nature des protagonistes. Et l’auteur n’est guère tendre avec ses personnages, dont il s’applique à décrire bien davantage les petitesses que la grandeur : « Je ne vous dis pas que les Clarois aiment les Allemands. Je vous dis qu’ils les acceptent, par calcul, intérêt, ou simple veulerie. Et au fond ils se rendent compte, plus ou moins obscurément, que tout ce qu’on leur avait chanté au sujet du Boche, c’était de la blague ».
Le temps de l’Occupation met au jour le caractère fondamentalement détestable des attitudes humaines, ainsi le jour de la libération : « Le ridicule et la sottise s’étalaient un peu partout avec trop de complaisance… Par exemple, ce gras commerçant si bavard et si ouvertement patriote, qui arborait des cocardes sur une bedaine engraissée par quatre ans d’occupation (…) C’était d’une tristesse funèbre, décourageante, c’était un noir nuage nauséeux dans le ciel de ce jour (…) Les forêts de la nuit étaient encore trop proches, leur ombre tenace s’étendait encore sous le soleil de la liberté ».
Ce pessimisme s’étend aussi sur l’avenir, tellement il n’y a rien à attendre de conséquent de ce peuple de Saint Clar : « La colère de ce peuple impuissant s’était résolue en cris inutiles contre de faux coupables et des boucs émissaires (…) Il n’y aurait que le retour des anciennes pantalonnades municipales ou électorales, la continuation d’un statu quo d’injustice et de médiocrité ».
Andreossi