Etre moderne, le MoMA à Paris

Paul Signac, portrait de Félix Fénéon (1890)

Voici l’une de ces expositions-panoramas comme on les aime. Avec une grande clarté, elle nous fait embrasser l’évolution de l’histoire de l’art depuis la naissance de l’art moderne jusqu’à la période la plus contemporaine. Visible jusqu’au 5 mars 2018 à la Fondation Louis Vuitton à Paris dans le 16° arrondissement, l’exposition nous fait voyager non seulement dans le temps mais aussi dans l’espace. Y sont effet réunis quelques 200 œuvres dont quantités de chefs d’œuvres, prêtées par le MoMA (New-York) à l’occasion des travaux  d’agrandissement qui l’emmèneront jusqu’en 2019.

Avec pour projet de retracer l’aventure du MoMA, le parcours occupe l’ensemble du bâtiment – toujours aussi étonnant ! – de Frank Gerhy. A côté du choix d’œuvres emblématiques de ses collections, à chaque étage des salles d’archives témoignent de l’histoire du musée. Est ainsi rappelé que sa naissance, en 1929 est due certes au génie de son premier directeur Alfred H. Barr Jr qui a fait des choix fort inspirés mais avant tout à la résolution de trois grandes collectionneuses et mécènes, Mary Quinn Sullivan, Lillie P. Bliss et Abby Aldrich Rockefeller.

Edward Hopper, « House by Railroad » (1925) ©MoMA, N.Y./Courtesy Fondation Louis Vuitton

La pluri-disciplinarité originelle du musée, qui n’est pas le moindre des marqueurs de sa modernité, est mise en évidence : du début du XX° siècle à aujourd’hui, se côtoient peintures, sculptures, photographies, films, installations, mais aussi design, architecture et musique.

L’entame du parcours, avec nombre d’œuvres européennes, est en quelque sorte un « retour à la maison » de celles-ci, bien souvent pour la première fois. Mais plus on avance, plus on s’élève dans les étages, plus l’horizon s’élargit et surgissent des découvertes. On s’envole vers les Etats-Unis en particulier bien sûr, mais aussi vers des Etats-Unis de plus en plus multiples, qui voient et célèbrent un art « noir » et des artistes féminines.

Un oiseau dans l’espace, Brancusi, 1928

C’est en se remémorant certains points de vue que la grâce, la variété et la richesse de l’ensemble apparaissent encore davantage. Ici l’Oiseau dans l’espace de Brancusi (1928), là la Roue de bicyclette de Marcel Duchamp (1913). Plus loin l’un des premiers films animés de Walt Disney (Steamboat Willie, 1928) et des photos de Walker Evans, Lisette Model et Diane Arbus. C’est avec beaucoup d’émotion que l’on voit ou revoit les tableaux du début du parcours, qu’il s’agisse du Meneur de cheval de Picasso (1905-1906) ou de la Maison près de la voie ferrée de Hopper, l’une des premières acquisitions du MoMA, ou encore du glaçant triptyque du peintre allemand Max Beckmann, Le Départ (1932 à 1935). Sur la période plus récente, on a envie de citer la fabuleuse carte des Etats-Unis de Jasper Johns, Map (1961), le vibrant Drapeau africain américain de David Hammons (1990), mais aussi le sobre 11 septembre de Gerhardt Richter.

Evidemment Cézanne, Klimt, Signac, Matisse, Derain, Picabia, Mondrian, Magritte, Dali, Pollock, Rothko, Warhol, Lichtenstein sont aussi au rendez-vous, mais l’une des œuvres qui restera le plus en mémoire est certainement celle qui clôt le parcours, tant par son originalité que par sa beauté : elle fait entendre une composition du XVI° siècle, Spem in alium numquan habui de l’anglais Thomas Tallis, chantée par quarante voix de la chorale de la cathédrale de Salisbury. Les micros sont ouverts en alternance et chacun est restitué sur un haut parleur. Le visiteur peut se placer au centre ou se promener pour suivre les différentes pistes, l’effet sera à chaque fois différent mais toujours aussi vibrant. Une splendeur.

Fondation Louis Vuitton

8 avenue du Mahatma-Gandhi – Bois de Boulogne – Paris

Métro Les Sablons – Ligne 1

Jusqu’au 5 mars 2018

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Kris Kristoffersson à La Cigale à Paris

Merci Jean-Yves de nous faire partager cette soirée unique !

A bientôt, Mag

Nous étions nombreux à nous presser le 25 juin à La Cigale pour assister au seul concert donné en France par Kris Kristoffersson à l’occasion de sa tournée européenne 2017. Si la plupart étaient venus pour entendre l’artiste auteur et interprète de quelques standards du rock et de la country, d’autres étaient présents pour saluer aussi l’acteur impeccable de films cultes comme « Les portes du Paradis », « Pat Garrett et Billy le Kid » ou encore « Le convoi ». Nous aimons à penser que, pour tous ces inconditionnels, cette soirée restera dans les mémoires.

A l’inverse du concert donné quelques jours plus tôt à Glastonbury (Angleterre) où Kris avait joué entouré de musiciens (dont Johnny Depp pour une brève apparition), la prestation parisienne, comme celles faites en Suède ou en Allemagne, il l’a assurée seul, s’accompagnant d’une guitare. D’emblée, le ton était donné : nous aurions droit à la succession de ses plus grands succès : « Help me make it through the night », l’emblématique « Me and Bobby Mc Gee » (avec un mot pour Janis Joplin), « Loving her was easier », « Jesus was a capricorn », le profond « Why me »…, alignés sans fioriture, comme dans une espèce d’urgence.

Bien sûr, l’âge de l’artiste (81 ans) fait que la voix, jadis si chaude, apparaît désormais moins bien posée. On a pardonné aussi quelques imprécisions dans les textes. L’essentiel n’était pas là. Dans cette prestation radicale à l’usage des « happy few », c’était la rencontre de cette « légende vivante » qui comptait. On aura aimé revoir l’un des quatre Highwaymen (désormais réduits à deux après les décès de Waylon Jennings et de Johnny Cash), et on aura pu constater qu’il conserve toute son aura, sa très grande classe, son humour. Un moment fort, que nous ne manquerons pas de revivre si Kris Kristofferson nous fait l’honneur d’une nouvelle visite.

Jean-Yves

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Christophe. Les vestiges du Chaos Tour

christophe_vestiges_chaos_pleyelLes mots manquent pour rendre compte de l’émotion éprouvée lors du magnifique concert de Christophe à la salle Pleyel vendredi dernier, ultime étape parisienne avant la reprise de sa tournée Les vestiges du Chaos, du nom de son très réussi dernier album.

Parfaitement orchestrée – à tous points de vue du reste – et sans pour autant donner l’impression d’un timing trop bien réglé, la soirée s’est déroulée en deux parties.

La première a été l’occasion de redécouvrir en intégralité Les Vestiges du Chaos, dans une éblouissante mise en scène signée Jérémie Lippmann. Une ambiance nocturne, qui mettait les musiciens en valeur dans des cubes de lumière surélevés. Pas de parois, seulement des arrêtes en néons scintillant en couleurs et variations rythmiques, en écho à de savant jeux de spots colorés. Plein les mirettes, quoi, mais jamais trop. Avec Christophe, rien se saurait être too much.

Lui est sur le devant de la scène, tranquille sur son tabouret derrière un micro sur pied. Il chante et parle au public comme le prince qu’il est, toujours extrêmement présent, simple et sophistiqué à la fois, décontracté avec classe, orgueilleux et plein d’humour, y compris sur lui-même.

Derrière lui, il y a des décennies de musique et de création, et cela s’entend. Mais jamais on ne pense à un « vieux chanteur ». Septuagénaire paraît-il. Ah bon. Comment fait-il ?

Il y a d’abord ses chansons, d’une modernité folle, avec des sons ultra-travaillés, des musiques planantes, des rythmes qui alternent envolées célestes et accélérations jubilatoires. Ensuite, sa voix, ce filet inimitable qui monte et descend en souplesse, juste patiné d’un grain superbe qui en fait toute la singularité. Enfin, il y a ce que Christophe dégage, si insaisissable, cet homme qui sait se montrer discret et loquace, complice et sauvage, direct et plein de respect.

Après l’entracte, l’artiste fait intervenir un danseur de flamenco : sobriété, classe, puissance, lyrisme, en quelques minutes « l’hypnose » flamenca opère et le public est captivé.

Christophe peut lors surgir à nouveau, assis à son piano glissant doucement sur la scène, pour entonner les grands succès de son répertoire. Au fil de réinterprétations qu’il sait faire à la fois surprenantes et fidèles, Christophe met tour à tour chacun de ses musiciens à l’honneur. Une véritable démonstration de leur talent – pas un passage pour la forme comme d’ordinaire – le temps d’une chanson entière.

Bien sûr, on retiendra les magnifiques réinterprétations des Marionnettes (dans un duo avec le public fort juste), des Mots bleus, d’Aline… Ce soir, elles n’ont pas pris une ride, pas le moindre signe d’usure après tant de temps et d’écoutes. La preuve, dans cette seconde partie aussi, que l’artiste sait s’entourer, travailler, créer et se réinventer sans cesse. Jamais il ne semble se reposer sur ses lauriers : c’est peut-être cela la clef d’une modernité qui frise l’avant-garde, d’une endurance si élégante, de spectacles si féeriques.

Christophe, concert du vendredi  3 février 2017 à la salle Pleyel

Toutes les dates de la tournée ici

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Chansons de Jacques Brel en B.D.

Les chansons de Jacques Brel en BDJaques Brel disparaissait voici trente ans, le 9 octobre 1978 exactement. Il nous a laissé des chansons lyriques et inoubliables sur l’amour, l’amitié, la vieillesse, la mort.

Après avoir vécu des débuts difficiles, Brel a connu une gloire éclatante ; mais il a vite arrêté la chanson et s’est lancé dans le cinéma. Puis il s’est retiré aux Marquises, y a mis sa personne et son avion au service des autochtones, avant de s’éteindre pour y reposer à jamais, aux côtés de Paul Gauguin.

De ses chansons, le grand Jacques disait que sur quatre-cent-quarante, il y en avait peut-être trois qui se lisaient. Évidemment, ceci est faux, surtout lorsqu’elles sont accompagnées de dessins, comme ces Bigotes drôlement bien croquées, qui "vieillissent à petits pas / de petits chiens en petits chats… s’embigotent les yeux baissés / comme si Dieu dormait sous leurs chaussures…" jusqu’à ce qu’elles "cimetièrent à petits pas / au petit jour d’un petit froid"
Le fils de bourgeois qui a fui l’entreprise cartonnière familiale pour embrasser l’art, l’éternel intranquille pris par l’urgence de vivre n’émoussait pas sa plume lorsqu’il pointait les tièdes qui se tiennent au chaud, "le cœur au repos, les yeux bien sur terre… entre notaires, on passe le temps…".
Oui, ses chansons se lisent et en outre s’illustrent, car elles sont des poèmes poignants et sans âge comme ce Tango funèbre :

"Ah, je les vois déjà, compassés et frileux, suivant comme des artistes
Mon costume de bois
Ils se poussent du coeur
Ils se poussent du bras
Pour être le plus premier
Pour être le plus triste
Z’ont amené des vieilles
Qui ne me connaissaient plus
Z’ont amené des enfants
Qui ne me connaissaient pas
Pensent au prix des fleurs et trouvent indécent
De ne pas mourir au printemps
Quand on aime le lilas…"

A redécouvrir dans :
Chansons de Jacques Brel en bandes dessinées
Editions petit à petit
96 p., 15 €

Contenu de l’album :
La Fanette, par David Signoret
Ne me quitte pas, par Antoine Ronzon
Les Bigotes, par Kevin Henry et Julien Lamanda
Les Bourgeois, par Olivier Martin
Au suivant, par Benoît Frébourg
Les Bonbons, par Heidi Jacquemoud
Jef, par Marie Terray
Mathilde, par Kevin Henry et Christine Circosta
Le Tango funèbre, par Nathalie Bodin
Ces Gens-là, par Olivier Desvaux
Jaurès, par Chandre et Manolo Prolo

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Les chansons de Claude François en BD

Claude François en bande dessinée, petit à petitPourquoi se priver de célébrer, comme tout un chacun, les trente ans de la disparition de Claude François… mais en BD ?

Les lecteurs de maglm connaissent bien ces bandes dessinées, recueils de jeunes dessinateurs, qui mettent régulièrement à l’honneur des pans de notre patrimoine chansonnier (lire le billet sur un tout autre Claude, notre grand Nougaro) mais aussi littéraire (avec les contes notamment) et poétique (cf les poèmes de Jacques Prévert).

Ces BD sont aussi le prétexte pour revisiter en quelques lignes le parcours d’un artiste.
En matière de Claude François, si bon gré mal gré l’on connaît par coeur ses principaux succès, et, depuis le film Podium, l’on tient de la bouche de Benoît Poelvoorde soi-même que Cloclo pratiquait quotidiennement le "yogging", demeuraient encore quelques lacunes.

Avec cette divertissante bande dessinée, voici de quoi apprendre par exemple que Claude François l’Egyptien était un grand pro, qu’il maîtrisait tout artistiquement parlant, de ses disques jusqu’à ses spectacles, des chorégraphies aux costumes, en passant bien sûr par le choix de ses fameuses Clodettes… Bref, il ne laissait rien au hasard ; ce qui rend encore plus cruel son accident fatal dans sa salle de bain.

Trente ans donc qu’il n’est plus là et plus de trente ans que son disco entraînant est de toutes les fêtes ; ça valait bien une BD… lisez-là et écoutez : le disque se met à tourner tout seul dans la tête…

Les chansons de Claude François en BD
Editions petit à petit, 96 p., 15 €

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La Tour des Miracles de Georges Brassens en BD. Par E. Davodeau et D. Prudhomme

La Tour des Miracles de Georges Brassens en BDAlors que les rues de Montmartre sont banalement fréquentées par des pupazzi de pacotille, en haut de la Tour des Miracles vivent Corne d’Auroch, Courte-Patte et autre Huon de la Bièvre.

Ils n’en descendent qu’exceptionnellement, par exemple lorsqu’ils sont contraints de célébrer le mariage, autrement dit de "faire estampiller l’amour par l’Etat comme les bourgeois", de Voirie-voirie et d’Annie Pan-Pan-Pan. Mais même dans ce cas, les choses ne se passent pas tout à fait classiquement. Le cortège nuptial croise un convoi funèbre, dont le défunt ayant changé d’avis décide de sortir de sa bière, ce qui n’empêche pas la camorra d’adopter immédiatement la veuve en la baptisant au passage Chenille funambulesque.

Achevé en 1950, Georges Brassens n’a accepté la publication de son second roman que quelques années plus tard, pour faire plaisir à "tant de gens". « Sauf en amitié, en tendresse, et en souvenir, je suis très infidèle, et ce petit bouquin n’échappe pas à mes infidélités » déclarait-il simplement.
Tout n’était pas à jeter pour autant, loin de là, si l’on en juge par la bande dessinée haute en saveurs qu’en ont tirée Davodeau et Prudhomme. Il faut dire que le récit est quelque peu rabelaisien ; il nous fait passer des gigantesques fesses de Pile-face, au figuier "hors la norme" de tonton Sosthène, lequel de ce fait "se livrait à une consommation pantagruélique de figues"
Point de souci d’une quelconque construction narrative, mais une trame ondoyante où la fantaisie (voire le surréalisme), l’humour et la poésie sont les seuls fils conducteurs.
Surtout, l’on y retrouve un concentré du petit monde de Brassens, avec ses personnages anti-conformistes, son sens de l’amitié à toute épreuve, certaines situations, audacieuses évoquées dans ses chansons.
Et sur le dessin débridé et réjouissant de David Prudhomme, se découpe le verbe ciselé, truculent, toujours précieux du très grand Georges.

La Tour des Miracles de Georges Brassens
Adaptée par Etienne Davodeau et David Prudhomme
Delcourt, Hors Collection (2004)
72 p., 14,95 €

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Chansons de… en bandes dessinées

Les chansons de Claude Nougaro en BDLa force et la pérennité des grandes chansons tient notamment aux images qu’à partir de quelques mots elles font surgir dans notre esprit.

Prenez Le coq et la pendule : sur le scénario quelque peu surréaliste de Claude Nougaro, c’est tout un film que l’auditeur voit se dérouler dans sa tête…

Cette puissance d’évocation, soulignée à merveille par le phrasé et la musicalité de "la Nougue", fait que cette chanson reste profondément gravée dans notre mémoire, sans qu’aucune écoute ne vienne jamais l’user.

Mettre des images, au sens propre cette fois, sur des grands textes de la chanson française, telle est l’aventure que les éditions petit à petit ont proposée à de jeunes dessinateurs de la BD.

Exercice délicat, tant le rapport à cet édifice sacré qu’est le patrimoine de la chanson touche à la poésie, nécessairement intime, de chacun.

L’exigence est si grande que forcément le lecteur sera à certains moments déçu (« l’esprit n’est pas tout à fait là ! »), voire heurté (« aucun rapport ! »).

Mais devant d’autres illustrations, on a plaisir à voir de « vraies » images sur ces chansons, et on accueille alors la subjectivité du dessinateur avec fraternité et complicité.

Le coq et la pendule est justement de celles-là. Sébastien Amouroux a choisi des teintes rosées en accord avec l’onirisme du texte, quand son trait vif et expressif souligne avec délice l’humour de la fable : très réussie.

Autre coup de coeur du recueil qui, selon le principe de la collection, compte onze chansons illustrées par autant de jeunes dessinateurs différents, Le jazz et la java réinterprétée par Emmanuel Romeuf : ses lignes qui swinguent, ses couleurs vives un peu fanées, les yeux pleins de malice de ses personnages donnent toute sa force à ce cruel combat, restitué dans l’ambiance enjouée et haute en tempérament des bals des années 1920/30…

A lire aussi, Les chansons de Jacques Brel en bandes dessinées, pour l’illustration soignée, évidemment tordante, des Bigotes, en parfaite osmose avec les paroles ciselées de la chanson ; mais aussi pour le simple plaisir de relire des textes comme ceux de Ces gens-là, La Fanette, Au suivant ou encore Jaurès.

A découvrir également, dans la même collection : Les chansons de Boby Lapointe, Georges Brassens, Edith Piaf, Nino Ferrer, Raphaël et bien d’autres.

Chansons de… en bandes dessinées
Editions petit à petit (2007)
90 p. environ, 15 €
Voir le catalogue complet et des extraits sur le site www.petitapetit.fr

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Art roman et musique de chambre au Festival de Saint-Lizier

Festival de musique de Saint-LizierEn se baladant sur les routes de l’Ariège, on ne peut louper, juste avant d’arriver à Saint-Girons, sur le coteau de la la rive droite du Salat, la petite ville de Saint-Lizier.

Si son Palais des Papes s’étale avec superbe, sa cathédrale romane, elle, est presque dissimulée. On aperçoit à peine son clocher octogonal du XIVème siècle, au style pourtant particulier, dit toulousain.

Que ce coup d’oeil soit une invite à aller découvrir la cité d’origine gallo-romaine, devenue plus tard capitale religieuse du Couserans, blottie au pied des Pyrénées.

L’édifice roman abrite de magnifiques fresques, attribuées au Maître de Pedret, artiste anonyme espagnol auteur de nombreuses fresques murales, et probablement réalisées avant la consécration de la cathédrale en 1117.
Le cloître gothico-roman à deux étages est adorable de simplicité, avec ses fines colonnes en marbre surmontées de chapiteaux décorés à détailler très tranquillement.

Si par bonheur cette flânerie tombe fin juillet-début août, le visiteur sera surpris, en cette contrée belle mais sauvage, de voir entrer, en début de soirée, des musiciens vêtus de noir et se réunir, avec une joie toute intime, une petite foule de mélomanes fidèles : ce sont pour la plupart les mêmes que ceux de l’année dernière et pour certains, on le jurerait, les mêmes depuis plus de trente ans.

Le festival de musique de Saint-Lizier en Couserans, pour cette 36ème édition, a la promotion toujours aussi discrète, un affichage inexistant, un site internet réduit à sa plus simple expression.

Peu importe, en ce 9 août 2007, pour le dernier concert de la saison, comme pour les précédents, la cathédrale est pleine.
Et c’est à des Schubertiades (1), thème exclusif du festival 2007, que le public répond à nouveau présent.

Programme particulièrement raffiné ce soir-là : entrée très convaincante, avec la Sonate en la mineur pour arpeggione et pianoforte, interprétée sur instruments historiques par Christophe Coin – fondateur du Quatuor Mosaïques, directeur artistique de l’Ensemble baroque de Limoges – et David Lively, le directeur artistique du festival, suivi d’une romantissime Fantaisie en do « Wanderer » pour pianoforte, avant de finir par le bel ensemble associant Christophe Coin à l’arpeggione et le Quator Terpsycordes (Genève) pour un Quintette à cordes en ut majeur.

A l’entracte, pendant qu’une partie du public se désaltérait à la terrasse qui fait face au portail de la cathédrale, l’autre déambulait dans le cloître délicatement mis en lumière.
Il paraît que certains soirs, David Lively y organise de façon impromptue quelque passionnante causerie.
Douce, joyeuse et belle ambiance.
pour aller à Saint-Lizier Festival de Saint-Lizier en Couserans
tél. : 05 61 66 67 89
mél. : festival-de-saint-lizier@worldonline.fr
Places : 15 € à 35 € (TR : 10 € à 30 €). Abonnements.
Cliquer sur la carte pour l’agrandir

(1) nom donné aux soirées au cours desquelles les amis de Schubert se réunissaient autour de l’artiste pour écouter ses créations

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Espace Georges Brassens. Sète (2/2)

supplique pour être enterré sur la plage de SèteSuite et fin de la visite du bel espace Georges Brassens (lire le billet du 20 août 2007)

L’artiste a eu l’occasion de s’expliquer longuement sur sa façon de travailler.

Laissons-le parler et apprécions l’élégance du bonhomme :

« Il faut que mes chansons aient l’air d’être parlées, il faut que ceux qui m’entendent croient que je parle, croient que je ne sais pas chanter, que je fais des petites musiquettes comme ça … ».

Sur ses textes :

« Je ne veux pas faire rire aux éclats, je veux faire sourire. Je suis un ennemi du "langage à signes" ; je préfère suggérer les choses que les dire. Si j’avais dû en dire plus, je l’aurais fait. Mais j’estime qu’il faut en dire peu et permettre à celui qui vous écoute de continuer à se faire sa fête tout seul. »

Mais il disait aussi que pour faire une chanson, il lui fallait tout un mois, et un cahier entier, tant il retravaillait son texte. Il récrivait toute la chanson s’il modifiait un seul de ses vers.

Sur sa musique :

« Lorsque les paroles sont mûres, je saisis ma guitare et je lis et récite mes vers et mes mots, en commençant à rythmer avec la guitare … C’est ainsi que tout doucement, je découvre les petites mélodies qui vont venir scander mes vers, y "coller" jusqu’à n’en plus pouvoir s’en séparer. Je fais sept ou huit musiques par chanson, je n’en fais pas qu’une. Et c’est celle qui tient le coup le plus longtemps que je garde, je veux dire celle qui, après avoir été répétée cent fois, me plaît encore ou me déplaît le moins ».

Il ajoute : « Ma musique doit être in-entendue, comme la musique d’un film ».

Dans un coin, sur un simple tourniquet à cartes postales, le visiteur peut lire les hommages que les chanteurs d’hier et d’aujourd’hui ont rendus au poète en quelques mots, des plus anciens comme Charles Trenet, aux plus jeunes comme Magyd Cherfi ou Bénabar …

Donnons la parole à un autre regretté, grand parmi les grands, Claude Nougaro, qui tout à coup se fait sobre et lapidaire :

« Brassens
C’est un poète de la Pléïade ».

René Fallet, l’écrivain, journaliste et ami :
« Les réacteurs peuvent vrombir, ils ne peuvent effacer de l’oreille l’oiseau, la parole d’amour, le rire du copain. C’est pourquoi Georges Brassens sera là tout à l’heure, un pied sur le tabouret de votre cuisine et fera s’envoler les papillons de votre papier peint. »

Le film d’un concert à Bobino, estampillé 1972, nous montre le regard franc, tour à tour sérieux et enjoué du grand bonhomme grattant « son ventre » en chantant Les filles de joie, Le temps ne fait rien à l’affaire ou encore Les dames du temps jadis
Dans le public Raymond Devos applaudit avec force, mais aussi René Fallet, sa compagne Pupchen …
Quelle joie dans cette salle-là …

La visite se finit sur une pause longue, tranquille mais si émouvante, le casque toujours vissé sur les oreilles : l’intégralité de Supplique pour être enterré sur la plage de Sète, extraordinaire chanson de plus de sept minutes, dans laquelle se retrouve presque tout Brassens, son « théâtre intérieur », selon une formule que lui-même employait.
On quitte le poète sur ces notes et ces mots.

On a passé un moment merveilleux.

Espace Georges Brassens
67, boulevard Camille Blanc – 34200 Sète
Ouvert de 10 h 12 h et de 14 h à 18 h
Jusqu’à 19 h en juillet et août
Fermé les jours fériés sauf les 14 juillet, 15 août et 1er novembre
En hiver, fermeture hebdomadaire le lundi
Tel. : 04 67 53 32 77
Entrée de 2 à 5 €

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Espace Georges Brassens. Sète (1/2)

espace georges brassensL’Espace Georges Brassens a rouvert ses portes le 1er décembre dernier après avoir été totalement rénové.
Surface doublée, nouvelle scénographie, parcours aéré : l’ancienne version était très bien ; celle-ci est encore mieux !

Dans le même esprit que le précédent, le nouvel espace Georges Brassens est pensé avec respect et simplicité.
Il rend hommage à l’artiste, au bonhomme et à son œuvre.
C’était la seule chose à faire.
Et elle est parfaitement réussie.

Des écouteurs nous bercent de la voix grave et puissante, au débit calme et régulier de Georges Brassens, avec les confidences qu’il a livrées à Philippe Némo en 1972 lors d’un entretien pour France-Culture.

Nous voici partis pour un bon moment de balade et de flânerie auprès du poète.
Des films, des photos, des affiches, des pochettes de disques, des extraits de textes et bien sûr des chansons nous font suivre suivre le parcours de l’artiste.

Enfance sétoise dans une famille où tout le monde chantait, en amoureux de la chanson, notamment la maman napolitaine, dont il livre cet émouvant témoignage : « à 50 ans passés, elle recopiait des textes de chansons, puis allait chez des copines pour compléter les passages qui lui manquaient ».
Jeunesse à Sète avec les copains : il découvre le jazz à l’âge de 10-11 ans, dans les années 1931-1932 : « Je suis né en 1921. Je suis né avec Django Reinhard, avec Amstrong, avec Duke Ellington. »

Il arrive à Paris en 1940 et étudie les poètes en autodidacte, à la bibliothèque, pendant plusieurs années, pour « ornementer mon esprit » comme il le dit joliment.

Puis voici ses débuts dans la chanson, sa rencontre avec Patachou en 1952, qui le présente à Jacques Canetti, impressario, directeur artistique et fondateur du théâtre des Trois Baudets, où il débute officiellement le 19 septembre de la même année pour 170 représentations.

On passe bien sûr un moment dans l’impasse Florimont, devenue légendaire avec la Chanson pour l’Auvergnat, écrite pour Marcel et Jeanne. Dans le plus grand dénuement eux-mêmes, le couple et sa ménagerie l’ont accueilli dès 1944 ; il y demeura, en famille finalement, bien qu’il parle plutôt « d’Arche de Noé », jusqu’en 1966.

Place est également faite à l’évocation des femmes, parmi lesquelles Pupchen, sa fidèle compagne, son éternelle fiancée, la dame de ses pensées …

Toute une partie est réservée à la façon dont Georges Brassens travaillait. Elle est passionnante : suite et fin de la visite très bientôt …

Espace Georges Brassens
67, boulevard Camille Blanc – 34200 Sète
Ouvert de 10 h 12 h et de 14 h à 18 h
Jusqu’à 19 h en juillet et août
Fermé les jours fériés sauf les 14 juillet, 15 août et 1er novembre
En hiver, fermeture hebdomadaire le lundi
Tel. : 04 67 53 32 77
Entrée de 2 à 5 €

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