De l'autre côté. Fatih Akin

De l'autre côté, Fatih AkinLe principe : plusieurs histoires mettant en scène des personnages liés plus ou moins directement les uns aux autres sont vues sous différents angles dans un va-et-vient entre l’Allemagne et la Turquie. L’on passe ainsi sans cesse des deux côtés de la frontière, entre Brême et Hambourg, Istambul et le bord de la mer Noire.
Le détail de ces histoires serait assommant à raconter. Mais les sentiments qu’elles expriment sont jolis et simples. Il y a ce poignant amour manqué entre une jeune activitiste politique et sa mère prostituée au caractère tout aussi trempé, deux coeurs tendres qui se chercheront en vain.Et cet amour d’un fils pour son tonitruant de père qui finit par déborder. L’amour entre deux jeunes femmes qui s’aimantent, entier et peut-être fatal. Et encore une histoire d’amour maternel manqué, celui d’une Allemande dépassée par les élans de sa fille. Précision étant faite qu’un même personnage est le plus souvent acteur de plusieurs de ces trames dont les fils entremêlent en permanence les deux cultures, allemande et turque, qui s’opposent et donc se complètent.
La réalisation est belle, quoique le rythme un peu lent, les histoires touchantes et le jeu de miroirs intéressant.
Mais le film sembler manquer d’un petit quelque chose pour être tout à fait enthousiasmant. Est-ce l’émotion véritable qui au fond fait défaut ? A moins que De l’autre côté ne pêche par l’excès : celui des bons sentiments, qui finit par donner une impression de "tartinage". Ceci explique peut-être cela.

De l’autre côté. Fatih Akin
Titre original Auf der anderen Seite
Avec Baki Davrak, Tuncel Kurtiz, Patrycia Ziolkowska
Durée : 2h 2min

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Le Journal d'une fille perdue de G.W. Pabst au Balzac

Le journal d'une fille perdue, Georg Wilhelm PabstLa beauté et le charme infinis de Louise Brooks au service d’un chef-d’oeuvre du muet accompagné du grand pianiste de jazz Giovanni Mirabassi : tel est le programme que Le Balzac réservait aux courageux Parisiens de sortie lundi dernier. Cette soirée exceptionnelle renvoyait tous les efforts et toute la fatigue de marche à pied aux oubliettes.

Le Journal d’une fille perdue est l’histoire d’une jeune fille de la bourgeoisie berlinoise des années 1920 qui tombe enceinte pour s’être évanouie un soir de peine dans les bras d’un cupide et rustre petit apothicaire. Employé du père de la jeune "victime", le sourire carnassier de ce subalterne intéressé est digne des pires films d’horreur.
On devine la suite : à sa naissance, le nourrisson est placé ; et la toute jeune femme mise illico dans une maison de redressement. La suite de la suite est quant à elle savoureuse.
Tiré d’un roman qui scandalisa à l’époque au motif qu’il faisait parler une prostituée à la première personne, le film que Pabst en tira fut interdit à sa sortie en 1929. Ce n’est qu’après de sévères coupes de la censure que Le Journal d’une fille perdue ainsi largement mutilé fut autorisé dans l’Europe du début des années 1930.
La copie projetée au Balzac, assez proche de la version d’origine, permet de réaliser toute l’immoralité dont la société de l’époque a pu l’accuser. La charge contre l’hypocrisie des milieux bourgeois est d’une violence inouïe. L’humour de Pabst est aussi corrosif qu’irrésistible. Et il balance à merveille avec des moments d’émotion déchirants, où Louise Brooks déploie une palette de sensibilité tout en nuance, crevant l’écran du muet par un jeu pourtant retenu.
C’est peu dire que l’accompagnement du Journal ne peut souffrir d’approximation. Toujours présent, toujours dans le rythme du film, toujours dans la tonaltié du moment, Giovanni Mirabassi fut époustouflant.

Le Journal d’une fille perdue. Georg Wilhelm Pabst
Titre original : Das Tagebuch einer Verloren
Avec Louise Brooks, Fritz Rasp, Andrews Engelmann, Valeska Gert, Franziska Kinz, Edith Meinhard, Josef Rovensky
Année de production : 1929

Prochain Ciné-Concert mardi 11 décembre à 21 h pour une soirée Buster Keaton (trois courts-métrages : Cops, One Week et The PlayHouse) avec la formation jazz  »Ciné X’Tet/Bruno Régnier »

Dimanche 16 décembre à 11 h, Ciné-Concert jeune public avec Faut pas s’en faire (Why worry ?) de Frad Newmeyer et Sam Taylor (1923), accompagné au piano par Xavier Busatto

Et chaque deuxième dimanche du mois à 11 h Pochette surprise, destinée aux petits et aux grands, pour découvrir une sélection de films courts, muets pour la plupart, accompagnés par le pianiste Jacques Cambra et ses invités.

Cinéma  »Le Balzac »
1 rue Balzac – 75008 Paris
M° Charles de Gaulle Etoile

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L'Heure zéro. Pascal Thomas

L'Heure zéro de Pascal ThomasC’est un dessert délicieux à déguster attentivement ; il craque sous la dent bouchée après bouchée, au rythme des pièces du puzzle qui s’imbriquent parfaitement les unes dans les autres au fil de l’histoire.
Savoureux policier adapté d’Agatha Christie, L’Heure zéro est un film finement découpé. Pascal Thomas a trouvé le bon tempo, d’abord lent dans un prologue qui installe tranquillement la situation, adoptant ensuite avec assurance celui de l’intrigue qui avance pas à pas ; il n’a pas oublié l’humour, saupoudré à juste dose dans des moments furtifs, un peu à la dérobée. Il a tout autant soigné le décor – vieille demeure fourmillant de lampes posées, de boiseries cirées et de bouquets poudrés –, que les costumes, prolongements sur mesure de personnages dessinés à la perfection. Reinhardt Wagner y a ajouté sa musique, désuète et très réussie.
Quant au casting, il est impeccable : qui imaginer de meilleurs que Danielle Darrieux dans le rôle de la vieille tante riche, autoritaire et goûteuse des plaisirs de la vie, que Jacques Sereys dans celui de son ami ancien procureur, élégant et au verbe toujours bien ciselé ?
Du côté des plus jeunes, de Melvil Poupaud à François Morel en passant par la toujours juste Chiara Mastroianni, ils sont très convaincants aussi. Aucune raison de bouder son plaisir.

L’Heure zéro. Pascal Thomas
Avec François Morel, Danielle Darrieux, Melvil Poupaud, Laura Smet, Chiara Mastroianni, Alessandra Martines, Clement Thomas, Jacques Sereys
Musique de Reinhardt Wagner
Durée 1 h 47

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Le Rêve de Cassandre. Woody Allen

Le rêve de Cassandre, Woody Allen Le Rêve de Cassandre commence comme une comédie, mais qui cède vite le pas au drame, lorsque le poids lourd de la conscience vient charger l’envolée juvénile du début.

C’est l’argent qui fait basculer la situation, au détour d’apparitions diaboliques, le prêteur usurier qui fait bruisser les liasses de billets et la femme belle mais trop généreusement tentatrice.
Pour cause de dette de jeu, pour cause d’amour passionné, les deux frères vont passer de leur condition de fils de la classe moyenne – dont les préoccupations sont tout ce qui a de plus ordinaire, installer son couple et faire plaisir à sa douce pour l’un, s’élever vers la classe supérieure pour l’autre – à celle de nécessiteux aux abois. Ressort de l’histoire : le sauveur, incarné par un oncle richissime, seule personne qui pourrait les aider, se fait à son tour maléfique…

Après l’entrée bondissante des deux frangins-à-la-mort-à-la-vie, le portrait familial croqué autour d’un repas aux dialogues délectables, la mise en place de l’histoire, avec des personnages et des situations teintés d’humour, bref, après une très agréable première partie, voici donc qu’à traits épais se dessine le drame.
Et force est de reconnaître qu’une fois le forfait attendu accompli, toute la fin du film a tendance à coller au sujet de la culpabilité un peu trop intimement, pour ne pas dire à l’engluer. Woody Allen se met alors à se répéter comme s’il ne savait qu’en faire pour finir sur une tragédie tout à fait prévisible.
Quel dommage ! Après un début des plus alertes qui ne pourra que ravir ses fans, le cinéaste se met à devenir ennuyeux, et ce malgré l’excellente prestation des deux comédiens, Ewan McGregor et surtout Colin Farrell.

Le Rêve de Cassandre. Woody Allen
Avec Colin Farrell, Ewan McGregor, Tom Wilkinson, Hayley Atwell
Durée 1 h 48

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Paupières Bleues (Párpados azules). Ernesto Contreras

Paupières bleues, Ernesto ContrerasLa solitude devient criante le jour où vous avez gagné un voyage dans un endroit idyllique, que vous n’avez personne pour vous accompagner… et que vous ne préférez pas partir seul.
Telle est la situation dans laquelle se trouve Marina, la transparente employée d’une entreprise de confection.
Marina vit à Mexico, elle a peut-être trente ans, mais l’apparence des éternelles vieilles filles, les gestes posés – pour ne pas dire anesthésiés – le visage impassible et résigné de ceux qui n’attendent plus.
Un soir, un jeune homme l’aborde : Victor, un ancien camarade du collège qui l’a reconnue. Elle, pas du tout ; elle ne le cache même pas.
Mais elle finit par lui proposer de partir avec elle en voyage…

L’inattendu du film est que l’histoire de Marina et Victor n’est pas montrée sous le soleil des tropiques. C’est au contraire le quotidien, le travail, les petites sorties, le retour dans l’appartement, ce qui fait la vie citadine des deux célibataires qui est ici extrêmement bien restitué.
Mais il y a plus inattendu encore : la situation de chacun des personnages évolue, alors que leur relation, elle, n’évolue pas vraiment.
On espère un réchauffement, une détente – disons-le : un élan -, qui ne viennent pas. Il y a bien pourtant une sorte de rapprochement, mais où est le désir ?
A cet égard, le personnage de Marina est le plus passionnant, le plus énigmatique. Son indifférence, ses maigres désirs, au demeurant artificiels, fabriqués pour les besoins de la cause, reflets de l’image du compagnon idéal, canon qu’elle s’est forgée dans la solitude et les salles de cinéma, ne semblent jamais être bousculés par la réalité, par Victor, lui davantage ancré dans le présent.

Film dérageant et amer, dont l’humour demeure obstinément noir, Paupières Bleues réserve de belles scènes, dont certaines arrivent par surprise, telles celles montrant le personnage de la vieille mais magnifique patronne de la société où Marina travaille – superbement interprété par Ana Ofelia Murguia.
De la solitude urbaine, Ernesto Contreras fait ici une démonstration magistrale, qui en pose aussi les limites, tant le Mexicain, qui réalise ici son premier long métrage, traite son sujet de façon monolithique.
Mais cette obstination contribue à faire de Paupières Bleues un film fort, étrange et très troublant.

Paupières Bleues (Párpados azules). Ernesto Contreras
Avec Cecilia Suarez, Enrique Arreola, Ana Ofelia Muguia, Tiaré Scanda et Luisa Huertas
Mexique, 2007
Durée 1 h 38

A Paris au Latina et à l’Espace Saint-Michel
A Toulouse à l’ABC
A Montpellier au Capitole
A Grenoble au Club
et à Dijon au Devosges

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Un secret. Claude Miller

Un secret de Claude MillerIl y a le corps aux rondeurs sculptées par la natation de Cécile de France et le corps large tout en muscles de Patrick Bruel.

Ils sont Tania et Maxime, les parents du petit François.
Mais l’enfant est maladroit, chétif, et craint l’eau comme un chat.
D’emblée, le contraste est excessif.

On est dans les années 1950 ; le soleil brille fort au dessus des corps dorés et de la piscine rutilante.

Le sourire de la blonde Tania explose comme une volonté tenace devant son petit garçon angoissé et son sportif de mari qui ne peut s’empêcher de laisser un profond regret à voir le malingre fils qu’il a engendré.

C’est sur ce tableau familial déséquilibré, dont le fils, dans son corps rachitique, se vit comme un symptôme maladif face à ses sportifs parents, que s’ancre l’histoire de cette famille juive, celle de son secret.

Au fil d’allers-retours du passé au présent, du présent au passé et du passé au passé, la narration tourne autour de la période de la Seconde Guerre mondiale, et finit par y plonger : c’est pendant la période de l’occupation que le drame s’est joué.
C’est drame là, c’est une passion amoureuse, qui s’est nouée au soleil, dans une nature idyllique, pendant que d’autres juifs étaient déportés.
L’interdit est écrasant de conséquences ; indécent.

Claude Miller a extraordinairement tiré parti de la trame romanesque du livre de Philippe Grimbert en faisant le choix d’un esthétisme radical : acteurs magnifiques, costumes et décors d’époque extrêmement léchés, photo cristalline.
Sous un soleil obstiné, c’est une tragédie que le cinéaste a voulu montrer ; en cela, le film est, comme le roman, beau et émouvant, mais, certainement, beaucoup plus dérangeant.

Un secret
un drame de Claude Miller
Avec Cécile de France, Patrick Bruel, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Mathieu Amalric, Nathalie Boutefeu…
Durée : 1 h 40

Le roman du psychanalyste Philippe Grimbert a été publié chez Grasset en 2004 et depuis été réédité en poche (Le Livre de Poche, 5,50 €).

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Grande Galerie. Le Journal du Louvre

Grande Galerie, Le journal du LouvreSa belle maquette s’affiche dans les kiosques depuis la rentrée : Grande Galerie est le nouveau magazine "maison" du Louvre destiné au grand public.

Si son but est naturellement (et légitimement) de faire la promotion du Musée, on apprécie qu’il le fasse sans prétention ni style journalistique accrocheur, en étant sobrement tourné vers les oeuvres et les collections.

Il offre d’abord un panorama des actualités du Musée pour la saison en cours. On se prépare ainsi à l’ouverture des expositions Chefs d’oeuvre islamiques de l’Aga Khan Museum et Le chant du monde. L’art de l’Iran safavide, 1501-1736, annoncées pour le 5 octobre prochain, ainsi que celle consacrée au style Biedermeier à partir du 18 octobre.

Mais Grande Galerie se veut aussi recueil à conserver, en présentant dans sa rubrique L’encyclopédie des collections, une section de ses collections permanentes.
Le premier numéro propose un parcours dans les salles dédiées à la peinture vénitienne du XVIème siècle.
Il s’agit peut-être de la rubrique la plus précieuse de la revue car elle vient justement rappeler qu’à côté de l’événementiel des expositions organisées ici et là tout au long de l’année, sont également à notre portée, et en abondance, des oeuvres magnifiques, à découvrir ou revisiter sans cesse, tranquillement et loin des foules qu’agglomèrent inévitablement les expos temporaires, dans l’anxiété de louper l’unique et l’indispensable.

Sur le strict plan rédactionnel, les articles sont bien calibrés, le contenu docte, le ton didactique : il s’agit d’édifier sagement le lecteur, à la façon d’un cours d’histoire de l’art et en évitant les mots compliqués.

Séduit par sa maquette classe et sobre, sa consistance justement dosée, ses bonnes idées (telle la proposition de balade parisienne dont les étapes sont les peintures d’Eugène Delacroix dans les églises et les palais), le rappel de l’agenda des nombreuses activités du musée, on ne peut que souhaiter longue vie à une revue qui, en donnant envie "d’y aller" devrait atteindre son objectif de rapprocher oeuvres et large public.

Grande Galerie. Le Journal du Louvre
Trimestriel
En kiosque et sur abonnement
Prix : 6,90 €
Présentation sur le site du Musée du Louvre

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Les Amours d'Astrée et de Céladon. Eric Rohmer

Les amours d'Astree et de Céladon d'Eric RohmerNous sommes dans la verte et pastorale Gaule du V° siècle. L’histoire nous est contée par Honoré Urfé, écrivain du XVIIème siècle totalement oublié.

Céladon, jeune et beau berger aime Astrée, belle et jeune bergère, qui le lui rend bien. Mais pour cause d’inimité entre les deux familles, lors d’une fête, Céladon, tout coeur défendant, feint d’en aimer une autre. Las ! La feinte est si belle qu’Astrée est convaincue d’être trahie. Elle commande alors à Céladon de disparaître à jamais de sa vue.

De désespoir, notre berger se jette à la rivière. Alors que tout le monde le tient pour noyé, il est sauvé par de splendides nymphes. Grâce à l’une d’elle et à son oncle druide, merveilles de bienveillance et de sagesse, Cédalon va revoir sa tendre, fidèle éplorée. Mais, afin de respecter le commandement qu’elle lui a fait, il n’apparaîtra que sous d’autres traits que les siens : déguisé en femme.
La bergère saura-t-elle ainsi reconnaître son berger ?

Décor bucolique à souhait dans de vertes forêts (Eric Rohmer a judicieusement choisi les gorges de la Sioule en Auvergne pour respecter la poésie du paysage du roman), tuniques gonflées par le vent qui agite rubans et douces chevelures, comédiens inconnus et parfaits, dialogues du XVIIème siècle à la lettre qui coulent comme l’eau vive du ruisseau… Eric Rohmer s’est emparé une fois de plus de la littérature avec audace et en a fait un film magnifique. Il nous offre avec Les Amours d’Astrée et de Céladon un moment délicieux de grâce, de fraîcheur et de sensualité.

Les Amours d’Astrée et de Céladon
Une comédie dramatique d’Eric Rohmer
Avec Andy Gillet, Stéphanie de Crayencour, Cécile Cassel, Véronique Reymond, Rosette, Jocelyn Quivrin, Mathilde Mosnier…
Film français, italien, espagnol
Durée : 1h 49 mn
Distribué par Rezo Films

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Le Rideau de Sucre. Camila Guzmán Urzúa

Le rideau de sucre de Camila GuzmanLe Paradis. Tel est le pays où Camila Guzmán Urzúa dit avoir grandi : Cuba, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, alors que le régime castriste triomphait.

Née au Chili en 1971, ses parents fuient la dictature de Pinochet alors que Camila n’a que deux ans.
Jusqu’à son départ de l’île à l’âge de 19 ans, Cuba est son pays, le seul dont elle se souvient.

En 2002, après avoir vécu en Espagne, en Angleterre, au Chili et à Paris, où elle réside désormais depuis sept ans, Camila Guzmán revient à Cuba tourner son premier film.

Dans ce documentaire autobiographique, réalisé dans des conditions artisanales, la fille du cinéaste chilien Patricio Guzmán raconte son enfance à Cuba, son paradis donc, difficile à imaginer pour nous aujourd’hui.

Elle montre pourtant l’évidence du bonheur de sa génération : du travail et un toit pour tous, le confort matériel, l’absence de la valeur argent, la solidarité.
L’école pourvoit à tout, des stylos aux livres en passant par les loisirs au vert ou encore ces goûters faits de biscuits, de chocolat, de bonbons, de glaces et de boissons à volonté.
L’alphabétisation à fond de train pour mieux réaliser un idéal : bâtir la société de demain.
Camila et ses contemporains étaient des Pionniers qui avaient pour père Che Guevara. Tout leur semblait possible. Il faisait chaud, ils n’avaient pas faim ; ils n’avaient qu’à rêver.

En grandissant, des choses ont commencé à les "gêner" (le manque de tolérance, les fiches, la délation).
Camila Guzmán est partie voir ailleurs.
Entre-temps, le mur de Berlin était tombé. L’île n’a plus été approvisionnée par l’URSS. Les Cubains ont connu la faim, les soucis quotidiens, le besoin d’argent.
Beaucoup ont émigré. Certains sont restés. Aujourd’hui, ils se souviennent et racontent sous l’oeil d’une caméra amie.

"Je me demande si tout cela a réellement existé" s’interroge Camila Guzmán en évoquant ce bonheur passé.
Porté par son regard d’enfant, c’est la magie d’une utopie vécue que son film restitue. Il en est magnifique et troublant.

Le Rideau de sucre (El telón de azúcar)
Un film documentaire de Camila Guzmán Urzúa
France, durée 1 h 20
Distribution Epicentre Films

Le Rideau de Sucre a reçu notamment le Prix SIGNIS (Rencontres Cinéma d’Amérique Latine Toulouse 2007), le Prix LOUIS MARCORELLES (Cinéma du Réel Paris 2007) et le Prix FIPRESCI BAFICI (Buenos Aires 2007).

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Beau retour au Mexique pour ''El violin'' de Francisco Vargas

El Violin de Francisco VargasLe billet inaugural de maglm était consacré à El violin, film beau et émouvant du Mexicain Francisco Vargas sur la lutte contre la dictature menée par quelques paysans, dont le personnage principal était Don Plutarco, un vieillard estropié d’une main et dont la musique était la seule arme.

L’accomplissement de ce projet relevait presque du miracle.
El violin n’était au départ qu’un court métrage de fin d’études au Centre de Formation Cinématographique du Mexique, où Francisco Vargas, après avoir étudié l’art dramatique et la communication a fait son apprentissage de réalisateur.

Bien qu’il ait eu d’emblée l’idée d’en faire un long métrage, ce n’est que grâce à la présentation du film au festival de de Guadalajara, où il a été récompensé, puis à Toulouse, dans le cadre de "Cinéma en Construction", et enfin à sa sélection à Cannes, que Francisco Vargas a pu terminer la version longue du Violin.

Le film fut donc projeté en 2006 à Cannes dans la sélection Un Certain Regard (il concourait également pour la Caméra d’Or) où il reçut le prix d’interprétation masculine pour la prestation de Don Angel Tavira dans le personnage de Don Plutarco.

Lors de sa sortie en France, le 3 janvier 2007, Francisco Vargas regrettait que son film ne soit pas distribué dans son pays. Il déplorait notamment que l’industrie du cinéma ne mise que sur des films commerciaux, "à l’américaine", alors que le public avait envie d’autre chose, avait même besoin de revenir à la culture mexicaine traditionnelle.

Mais le film a été montré un peu partout ailleurs et a reçu pas moins de 36 prix.

Au printemps 2007, il sort enfin au Mexique.
Les grands médias nationaux le soutiennent. L’hebdomadaire Proceso, enthousiaste, affirme :
« Un ejemplo de cine deseable, del mejor cine que se ha hecho en México, es El violín. El violín la película que acabe de una vez por todas con el miedo de saber quiénes y cómo somos. »

Il s’ensuit alors un immense succès, un véritable « phénomène de société » comme le soulignait un article du journal Le Monde (1er juin 2007) :

« Avec seulement 20 copies dans la capitale, plus de 160 000 personnes ont déjà vu ce long métrage en noir et blanc sans acteur connu, et qui évoque un épisode souvent occulté de l’histoire du Mexique : la répression brutale des guérillas paysannes dans les années 1960-1970. Les trois grands circuits de salles multiplexes avaient jugé inopportun de l’accueillir en 2006, à cause des tensions de la campagne présidentielle, puis de la longue crise post-électorale.
Les Mexicains, pensait-on, étaient saturés de politique. Au contraire : les gens applaudissent à la fin des projections, des écoles y envoient leurs élèves par bus entiers, les universités organisent des débats devant des amphis archicombles. Ce film indépendant, qui a coûté à peine 1 million de dollars, a obtenu, début mai, les meilleurs résultats d’exploitation après Spiderman 3, bombardé dans 950 salles. (…)
Selon Vargas, la réponse du public "est significative de l’état du pays, mais aussi du désir de voir du bon cinéma mexicain, et pas seulement des superproductions américaines".
L’impact du film est d’autant plus fort que l’opinion publique s’interroge sur des "dérapages" de l’armée, engagée depuis cinq mois dans des opérations contre les narcotrafiquants. (…)
Vargas et Canana Films ( société fondée par les acteurs Gael Garcia Bernal et Diego Luna ) veulent ensuite conduire le film jusqu’à des villages isolés, grâce à une "charette cinématographique": sa carrière mexicaine ne fait sans doute que commencer. »

C’est tout le bien qu’on lui souhaite…

Les hispanophones pourront lire une interview de Don Angel Tavira dans Proceso.

Et merci au lecteur qui m’a précisé la date de l’article du Monde.

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