Les expos à Paris au mois d'août

1900_expositionQue voir à Paris au mois d’août ? La ville, bien sûr, un magnifique spectacle en soi ! Mais si on a envie de découvrir des expositions, les propositions ne manquent pas. Voici une petite sélection… pas eu le temps de les voir toutes, loin de là :

Paris 1900 au Petit Palais jusqu’au 17 août (vue, non chroniquée, mais tout à fait conseillée !)

Unedited History (Iran 1960-2014) au Musée d’art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 24 août

L’Orient-express à l’Institut du Monde arabe jusqu’au 31 août

Le mythe Cléopâtre à la Pinacothèque de Paris jusqu’au 7 septembre

L’Envol du dragon – Art royal du Vietnam au Musée Guimet jusqu’au 15 septembre

Mapplethorpe-Rodin au Musée Rodin jusqu’au 21 septembre

Masques, mascarades et mascarons au Musée du Louvre jusqu’au 22 septembre

Martial Raysse au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre

Libération de Paris : août 1944, Le combat pour la liberté, à l’Hôtel de Ville jusqu’au 27 septembre

Les plages à Paris selon Daumier – Parisiens en Seine d’hier à aujourd’hui à la Maison de Balzac jusqu’au 28 septembre

Jean-Baptiste Carpeaux au Musée d’Orsay jusqu’au 30 septembre

Les années 1950 au Palais Galliera jusqu’au 2 novembre

Paris libéré, Paris photographié, Paris exposé au Musée Carnavalet jusqu’au 8 février 2015

Liste non exhaustive bien sûr…

Très bel été à tous, à Paris ou ailleurs !

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Deux jours, une nuit. Jean-Pierre et Luc Dardenne

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C’est à nouveau un film qui prend aux tripes que nous offrent les frères Dardenne. Sélectionné au dernier Festival de Cannes, il en revenu bredouille. Pourtant, ce dernier opus n’est pas moins fort que Rosetta (si ce n’est l’effet de « surprise » d’alors) qui leur avait valu leur première Palme d’Or en 1999.

Fidèles à la veine sociale qu’ils explorent avec acuité depuis des années, les réalisateurs belges restent fidèles aussi à une façon de faire qui continue d’étonner par son efficacité, faite de sobriété et d’économie de moyens. Il faut dire que le fil scénaristique est redoutablement bien tenu, tendu même, ménageant le suspense jusqu’à la fin. La mise en scène, toujours au plus près des personnages montre sans concession autant ceux-ci que des situations. Car évidemment il s’agit tout autant de situations que de personnes.

Sandra, ouvrière dans une usine de panneaux solaires, en retour d’un congé maladie pour dépression, est licenciée. Sauf si ses collègues – ils sont dix-huit – renoncent à percevoir leur prime : avec un cynisme sans limite, le directeur fait ainsi reposer la responsabilité de sa décision sur les autres ouvriers. La jeune mère de famille a un week-end devant elle pour convaincre un par un ses collègues de se priver des 1000 euros dont ils ont tous besoin afin qu’elle garde son emploi.

Les situations se répètent donc, avec une constante, qui est la gêne de Sandra de se présenter à ses homologues « comme une mendiante », et des variables : la réaction de chacun face à sa demande. Elle rencontre parfois de la tendresse, parfois de l’indifférence, mais qui souvent sonne faux, parfois de la violence, qui n’est que le marqueur de la dureté des conditions sociales. Fragilisée à l’extrême, aidée par un mari aussi fin qu’aimant, Sandra découvrira par dessus-tout une humanité qui lui redonnera la force de se battre. Un rai de soleil dans ce tableau si sombre.

Impeccablement dirigés comme à l’accoutumée, les comédiens incarnent leurs personnages avec un naturel plus que convaincant. Mais la plus déconcertante de tous est Marion Cotillard, qui joue Sandra avec un talent insoupçonné jusque-là. Son visage, le timbre de sa voix, son corps même transmettent à chaque instant la variété de ses émotions et de ses pensées. Car pendant ce week-end là, rien n’est solide pour elle si ce n’est sa famille. Sandra est sur un fil, prêt à se rompre. Elle ne sait pas ce qui l’attend, elle ne sait pas si cela dépend d’elle, ni même de qui autrement. Et cette incertitude fondamentale, traduite dans une succession de moments de découragement, d’espoir, de désespoir, de doute et de joie, on la vit avec Sandra sans la lâcher un seul instant, grâce à la justesse d’un jeu qui fait de Marion Cotillard l’une de nos plus étonnantes comédiennes.

Deux jours, une nuit

Un film de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Avec Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne

Durée 1 h 35

Sorti en salles le 21 mai 2014

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The Grand Budapest Hotel. Wes Anderson

wes_anderson_grand_budapest_hotelDu déjanté Wes Anderson, on avait beaucoup aimé A bord du Darjeeling Limited, sorti il y a cinq ans. The Grand Budapest Hotel se classe dans une catégorie nettement supérieure : c’est un vrai cinq étoiles.

L’action a pour point névralgique un endroit jadis flamboyant et tourbillonnant de passions et de fastes, mais bien éteint à l’heure où l’histoire est racontée, à la fin des années 1960 : un palace de l’Entre-Deux-Guerres, quelque part sur des sommets chics et enneigés d’Europe Centrale.

Y régnait alors Gustave H, plus qu’un concierge ou un maître d’hôtel, mais le patron de fait, obséquieux et autoritaire à la fois avec la clientèle aristocratique, riche et décrépie de l’établissement. Il était secondé par Zéro Moustafa, garçon à tout faire sans lettres ni papiers, mais vif et intelligent comme pas deux. Entre eux, un lien filial s’était tissé et c’est Moustafa, devenu vieux, qui raconte les péripéties qu’ils ont alors traversées, à la recherche d’un tableau de la Renaissance d’une valeur rare, coursés par des héritiers potentiels aussi avides que cruels.

Cela bondit et rebondit, on passe par les cases château et prison, luge et train, toits et souterrains, on se sauve grâce à l’amitié, la fidélité, la solidarité. C’est beau comme la pureté des cœurs, attachant comme la faiblesse humaine, nostalgique comme tout ce qui honore les splendeurs passées.

Des heures sombres comme la mort ont englouti un monde fait de bonne éducation, de distinction et de parfums poudrés, mais aussi de bonté et d’amour. Pour autant triste The Grand Budapest Hotel ? Bien au contraire, enlevé et drôle au possible ! Wes Anderson, aussi élégant que les décors et les costumes de son film, a la mélancolie discrète, ne la laissant deviner que derrière une profusion de couleurs et beaucoup de douceur.

The Grand Budapest Hotel

De Wes Anderson

Avec Tom Wilkinson, Ralph Fiennes, Harvey Keitel, Edward Norton

Sorti en salles le 26 février 2014

Durée 1 h 40

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Du cinema plein les yeux a Toulouse

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La cinémathèque de Toulouse ne se contente pas de conserver 42 300 copies de films récupérés depuis 50 ans (et d’en donner à voir presque tous les jours de la semaine), elle possède aussi la plus belle collection française d’affiches de cinéma.

Parmi celles-ci les pièces uniques d’André Azaïs, peintre d’affiches de façade : nous avons oublié que jusqu’aux années 70, les cinémas attiraient les clients par de grands panneaux (ici 5 mètres sur 2 mètres), réalisés à la main aux dimensions de la façade disponible, pour la durée de programmation du film.

En 1977 à la fermeture de la salle toulousaine Le Royal, sont récupérées 184 affiches d’Azaîs, qui depuis les années 50 pouvait fournir ses œuvres à 6 cinémas de la ville, toutes les semaines ! Par on ne sait quelle bienheureuse négligence ces rouleaux de papier avaient été abandonnés au fond d’une pièce de ce cinéma voué à la démolition.

Des quelques 8 000 affiches qu’il a réalisées, vouées à la poubelle dès la fin de la programmation des films, nous pouvons en voir exposées 22, choisies parmi les 184.

L’Espace EDF Bazacle offre le volume nécessaire à l’accrochage, judicieusement effectué en hauteur, comme sur les murs des cinémas autrefois. Certes nous manquons quelque peu de recul pour nous retrouver en situation urbaine, mais nous frappent ces rouges et jaunes lumineux des titres, le graphisme souvent adapté au genre cinématographique, ces portraits d’acteurs et d’actrices, pas toujours très fidèles, mais qui restent si intimement liés au souvenir des films, de Rio Bravo à Peau d’âne, de 2001 Odyssée de l’Espace aux Sept Mercenaires

Cette exposition est l’occasion de se pencher sur ce travail spécifique du peintre : à partir des éléments fournis par les exploitants des salles (matériel publicitaire classique des press-books) il élabore une sorte de maquette qu’il projette à l’aide d’une lanterne magique sur de grands panneaux de papier plaqués contre un mur. Il lui reste à suivre au fusain les lignes agrandies et passer ensuite à la colorisation.

Des photos anciennes nous mettent dans l’ambiance du cinéma urbain d’il y a 40 ou 50 ans : les diverses formes publicitaires utilisées par les exploitants (façades de cinéma dans d’autres villes, palissades, espaces publicitaires). Et nous pouvons, sur un écran et installés comme au cinéma, apprécier le défilé des 184 affiches sauvées miraculeusement par ces fous de ciné qui ont créé la Cinémathèque de Toulouse.

Par Andreossi

Du cinéma plein les yeux

Exposition d’affiches de façade peintes par André Azaïs

Espace EDF Bazacle, 11, quai Saint-Pierre – 31000 Toulouse

Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h

Entrée libre

Jusqu’au 27 avril 2014

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Ida. Pawel Pawlikowski

ida

En 1962, Ida, toute jeune novice d’un couvent polonais à la veille de prononcer ses vœux, est envoyée par la mère supérieure à la rencontre de la seule famille qui lui reste : sa tante Wanda, juge inflexible le jour, jouisseuse désabusée de la vie le soir. Deux opposées qui se découvrent et ne se comprennent pas très bien, l’une qui en a trop vu et trop vécu, l’autre qui ne connaît que sa foi.

Wanda ayant appris tout de go à sa nièce son origine juive, toutes deux partent en quête de la tombe des parents d’Ida disparus pendant la Deuxième guerre mondiale. Elles feront des rencontres, celle du passé mais aussi celle du peuple polonais. Pour finir, c’est soi-même que chacune découvrira.

C’est un film à l’esthétique captivante, mais dont la beauté n’est là que « par surcroît », tant son histoire est en elle-même passionnante. Pawel Pawlikowski la déroule avec une grande simplicité, dans un savant équilibre de limpidité et de non-dits. Entre dialogues abrupts et silence, entre crudité et pudeur. La caméra caresse des personnages dans un pays qui a brutalisé l’Homme, la Pologne sous l’occupation nazie, puis sous le joug du Stalinisme, et enfin la Pologne du temps du film, sous sa chape de plomb.

Le noir et blanc – si beau – de la photo vient souligner ce triple aspect historique, qui est d’une certaine manière le sujet principal du film. Il souligne la noirceur du sort fait aux Juifs pendant la guerre, à la société polonaise dans les décennies suivantes. Il éclaire les villes, la pauvre campagne de ces années-là, une Pologne glaciale, figée, muette, étouffée peut-être plus encore par son passé que par son présent. Le format 4/3, un peu carré à l’ancienne, accentue cet ancrage dans l’histoire, et donne plus de force encore aux personnages, cadrés, qui plus est, de façon un peu décalée en d’éloquents plans-séquences.

Eloquents, ces personnages impeccablement interprétés et auxquels on est attaché dès le début du film ne le sont guère ; pourtant leurs mots, rares mais directs, leurs yeux, leurs gestes déterminés disent l’essentiel. Le reste, qui renvoie aux profondeurs des âmes, aux interrogations existentielles, le réalisateur a la délicatesse de laisser au spectateur le soin de l’imaginer.

 

Ida

Un film de Pawel Pawlikowski

Avec Agata Kulesza, Agata Trzebuchowska, Dawid Ogrodnik

Sorti en salles le 12 février 2014

Durée 1 h 19

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Le vent se lève. Hayao Miyazaki

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Selon les propos mêmes du maître de l’animation japonais, Le vent se lève pourrait bien être son ultime film. On le regrette déjà, tant on a aimé des longs-métrages comme Porco Rosso, Le Voyage de Chihiro ou encore le Château ambulant… et tant est réussi Le vent se lève, dont la beauté n’a d’égale que la tristesse.

L’histoire est celle de Jiro Horikoshi, ingénieur aéronautique japonais ayant réellement existé. Petit, il rêve de devenir pilote, mais sa terrible myopie rend son rêve inaccessible. Fou d’avions, il décide alors de les concevoir, emporté par l’exemple de l’ingénieur italien Caproni qu’il rencontre au cours de l’une de ses innombrables envolées imaginaires.

En 1923, alors qu’il se rend à l’Université de Tokyo pour y entreprendre ses études, il croise à bord du train la toute jeune Nahoko. Après l’avoir raccompagnée chez elle à travers les décombres du séisme de Kanto, sur les bancs de la faculté, il se lie d’amitié avec Honjo. Enfin, son diplôme en poche, il est embauché par Mitsubishi. Passionné, travailleur acharné débordant d’inventivité, il deviendra l’un des ingénieurs aéronautiques les plus brillants de sa génération.

Malgré des images colorées toujours aussi belles, Miyazaki peint la vie de Jiro d’un noir profond. Une douce tristesse sourd tout au long du film, malgré le succès de son héros. Alors que les malheurs de l’Histoire frappent (le tremblement de terre de 1923, la Grande Dépression, la deuxième Guerre Mondiale), Jiro, d’un calme imperturbable et opiniâtre en est peu affecté : il ne se préoccupe que de ses avions. Pourtant, homme bon, toujours prêt à aider son prochain, il partage avec Nahoko retrouvée une grande histoire d’amour et avec Honjo une amitié des plus loyales et des plus fidèles.

La tristesse de Jiro vient peut-être de ce que cette vie n’est peut-être pas si réussie que ça : ses rares échecs, il les vit comme des drames. Plus tard, indifférent à l’Histoire, il dessine des engins de mort, de redoutables chasseurs pour la deuxième Guerre Mondiale). Surtout, il y a la maladie de Nahoko. Atteinte de tuberculose, elle doit se soigner à la montagne quand le travail le retient en ville : terrible déchirement, jusqu’à l’ultime, qu’on ne révélera pas. Enfin, sans doute y’a-t-il la nostalgie infinie de ce qu’il n’a pas pu vivre, de son rêve d’enfant de devenir pilote qu’il n’a pu accomplir ?

Le film est d’une poésie inouïe, porté par le vent de scènes en scènes. Par exemple, tous les moments clés avec Nahoko sont sous le signe du souffle. Ici un chapeau qu’une bourrasque arrache de la tête de Jiro et que Nahoko attrape au vol – la rencontre -, là une ombrelle que le vent emporte et que Jiro retient – les retrouvailles -, plus loin un avion en papier que l’amoureux envoie au ciel que sa dulcinée au balcon attrapera avec grâce – la cour -. Et ce alors même Nahoko souffre de ne pouvoir respirer.

Le vent se lève est tiré du poème de Paul Valéry « Le cimetière marin » : « Le vent se lève !… Il faut tenter de vivre ! » dit le poète. Jiro aura tenté et aura vécu. Mais avec quelle mélancolie.

« Le vent se lève »

Un drame de Hayao Miyazaki

Durée 2 h 6 mn

Sorti en salles le 22 janvier 2014

 

 

 

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Et pour fêter l’événement, maglm s’est fait un new look ! N’hésitez pas à me faire part de vos réactions…

A très vite

Mag

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Les bêtes du Sud sauvage. Benh Zeitlin

Les bêtes du Sud sauvage

Le premier long-métrage de Benh Zeitlin, un New-Yorkais d’à peine trente ans, nous emmène dans l’univers fascinant du Bayou en Louisiane, entre terre et eau, où vivent encore, hors du temps, une poignée de forcenés attachés au Bassin contre autorités et marées.
Malgré les ouragans qui dévastent leurs maigres cabanes, malgré les risques d’une nature sauvage rendue plus dangereuse encore par l’intervention des hommes, ils demeurent là, dans leur isolement, leur dénuement absolu, leur désœuvrement soigneusement défendu, leur orgueil fou.
Hushpuppy, dont la maman a disparu à la naissance, est élevée par son père, entre protection animale, éducation à la dure et abandon à soi-même.
Créative et dégourdie, elle en fait beaucoup. Mais elle se fait aussi, au fil de ses étonnements, de sa solitude, de ses rêves et de ses cauchemars. Petit bout de six ans, interprété par une Quvenzhané Wallis absolument extraordinaire.

Film profondément original et fort bien taillé, Les bêtes du Sud sauvage brille de mille facettes : moments d’action intense, plans prenant le temps de montrer la beauté du Bayou et instants suspendus auprès d’une fillette en proie à ses questions et à ses attentes s’imbriquent merveilleusement.
Mais toujours, et sans aucun bavardage, c’est une incommensurable inquiétude et un combat désespéré que Quvenzhané Wallis nous montre.
Il le fait avec une telle grâce, un lyrisme si élégant, que l’on oublie de pleurer, surpris par ce monde singulier, ébahi par la noblesse de ses crasseux habitants et porté par le courage de l’impressionnante petite Hushpuppy.

Les bêtes du Sud sauvage
Un film de Benh Zeitlin
Avec Quvenzhané Wallis, Dwight Henry, Levy Easterly
Durée 1 h 32
Date de sortie en salles : 12 décembre 2012

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Traviata et nous. Philippe Béziat

Traviata et nousComment met-on en scène un opéra ? Comment créer encore, à partir d’un opéra aussi célèbre, aussi joué que La Traviata de Verdi ? C’est un peu la situation d’un metteur en scène face à une pièce de Molière… Mais en pire : ici, il doit compter non seulement avec le livret, mais encore avec la musique, et tout ce qu’elle est censée exprimer. Et il s’appuie sur des acteurs qui sont des chanteurs avant d’être des comédiens…

C’est cet extraordinaire travail-là que Philippe Béziat, nous donne à découvrir à travers ce documentaire. Et l’on a l’impression merveilleuse d’être de petites souris qui ont enfin accès à l’envers du décor de l’un des arts les plus magiques, les plus éblouissants qui soient : l’opéra.

2011, Aix en Provence : Jean-François Sivadier prépare la mise en scène de La Traviata, sous la direction de Louis Langrée. Distribution : Natalie Dessay dans le rôle titre, accompagnée de Charles Castronovo dans celui d’Alfredo et de Ludovic Tézier dans celui du père, Giorgio Germont.

Un véritable travail de fourmi commence, entre Jean-François Sivadier et Natalie Dessay tout particulièrement. Le metteur en scène lui donne une idée, un sentiment qu’il voudrait lui voir exprimer – parfois l’absence même d’expression de sentiment tient lieu de direction à suivre, et c’est là le plus compliqué -, lui disant comment faire souvent mais aussi à d’autres moments la laissant trouver seule, parce qu’il sait que la réponse est en elle. Cette confiance-là, Natalie Dessay en est toute digne, tant elle est volontaire, patiente, souple, créative, imaginative, intelligente. Ses dons de comédienne crèvent l’écran comme ils éclatent à la scène. Clown à certains moments pendant les répétitions, elle joue le drame de Violetta de façon bouleversante, et presque surprenante quand on voit sa totale simplicité d’être par ailleurs.
Une fois le jeu de Violetta calé, ceux d’Alfredo et de Germont (magnifiques Castronovo et Tézier, chacun dans leur style, totalement complémentaires finalement) semblent venir s’appuyer plutôt naturellement sur celui du rôle titre, comme si l’ossature des scènes était déjà en place.
Mais ce qu’il y a de plus inouï, c’est de voir comment ce qui au départ se résume à quelques mots dans la bouche d’un metteur en scène, au plus à quelques gestes esquissés, devient quelques minutes plus tard une scène d’une extrême émotion, chantée et jouée par des artistes qui semblent en symbiose parfaite, alors que l’instant d’avant, aucune complicité particulière ne paraissait s’en dégager (se connaissaient-ils avant, seulement ? se demande-t-on).

Si la mise en scène est le plus gros morceau du film, il nous livre également les coulisses des différents corps de métiers, des décorateurs à la couturière, en passant par la chorégraphe. Et aussi : quel bonheur nous réservent les passages consacrés à la direction musicale ! Louis Langrée dirige orchestre et chœur avec une douceur qui n’a d’égale que son efficacité. Ici, les mots sont rares car le langage est autre, fait à la fois de mots, de gestes et de regards : on adore quand le chef dit juste : "Là, c’est la fête !" ou, aux violons : "Là, elle pleure, alors, on pleure " et que l’on entend immédiatement l’exécution des musiciens en pleine conformité avec ce qu’il a indiqué.

Les ultimes moments de grâce du film viennent avec les scènes montrant l’opéra "fini", quand la nuit couvre la cour d’Aix-en-Provence et que tout est parfaitement déployé, corps, voix, musique, costumes, décors, lumières… on a vu l’envers, on revient à l’endroit, et la magie demeure, dévoilée mais, étrangement, intacte.

Traviata et nous
Un film documentaire de Philippe Béziat
Durée 1 h 52
Date de sortie en salles : 24 octobre 2012

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Les Contes d'Hoffmann à l'Opéra de Paris

Les contes d'Hoffmann, mise en scène Robert Carsen

Ce vendredi était donnée à l’Opéra Bastille la première représentation de la saison des Contes d’Hoffmann dans la production de Robert Carsen créée en mars 2000.
A tous points de vue, ce fut une soirée inoubliable.

La mise en scène de Carsen, qui a succédé notamment à Patrice Chéreau en 1974 et à Roman Polanski en 1992, est un ravissement. Elle enracine l’aspect littéraire des Contes, en positionnant l’ensemble de l’opéra dans un théâtre. Robert Carsen joue ainsi deux cartes à fond, d’une part celle du clin d’œil – pour ne pas dire l’hommage – d’Offenbach à Mozart avec la représentation de Don Giovanni qui encadre l’histoire, et d’autre part celle de l’illusion de l’amour, en montrant en permanence les dessous du décor, comme pour rappeler à chaque instant que toutes les histoires d’amour ne sont que jeux d’apparence trompeurs qui ne mèneront qu’à la désillusion. Sa mise en scène fait enfin sa juste part au fantastique et à la balance des sentiments, tantôt gais, tantôt déchirants, qui participent au charme du célèbre opéra.

Le prologue qui voit les amis d’Hoffmann se réunir au café pour écouter ses contes est une merveille de joie, teintée d’un peu d’inquiétude et d’ironie, vu l’état d’ébriété d’Hoffmann, mais aussi de la suite qui s’annonce. Le bar est magnifique, les chorégraphies parfaites, la musique et les voix, y compris les chœurs exactement en place : cela démarre fort.
L’apothéose du plaisir vient au premier acte, au cours duquel la canadienne Jane Archibald nous offre une Olympia mécanique aussi talentueuse que tordante ; celle de l’émotion au deuxième où Antonia interprétée par la Portoricaine Ana Maria Martinez, plongée dans la pénombre de la fosse, errant entre les instruments, nous bouleverse quand sa défunte mère apparaît au dessus d’elle dans une lumière lunaire presque surnaturelle. Il y a là peu après l’un des plus émouvants trios qui soient.

La direction, le sens du jeu et surtout l’homogénéité des voix ne sont pas pour rien dans cette réussite. Les sopranos Jane Archibald et Ana Maria Martinez (Olympia et Antonia), la mezzo-soprano américaine Kate Aldrich dans les rôles de La Muse et du compagnon Nicklausse, la Française Sophie Koch, mezzo également dans celui de Giulietta, le ténor Stefano Secco dans celui d’Hoffmann, le baryton niçois Franck Ferrari dans les terribles rôles de Lindorf, Coppélius, Dapertutto et dr Miracle, sans oublier bien sûr le baryton toulousain Jean-Philippe Lafont (dans ceux de Luther et de Crespel le père d’Antonia) mirent dans leurs sublimes interprétations, seuls ou ensemble, une générosité qui enthousiasma un public ravi de sa rentrée lyrique.

Les Contes d’Hoffmann
Un opéra fantastique en un prologue, trois actes et un épilogue
de Jacques Offenbach (1819-1880)
Livret de Jules Barbier d’après le drame de Jules Barbier et Michel Carré
Créé à l’Opéra-Comique de Paris le 10 février 1881

Direction musicale : Tomas Netopil
Mise en scène : Robert Carsen
Décors et costumes : Michael Levine
Lumières : Jean Kalman
Mouvements chorégraphiques : Philippe Giraudeau
Chef du Choeur : Patrick Marie Aubert

Distribution :
Jane Archibald Olympia
Sophie Koch Giulietta
Ana Maria Martinez Antonia
Kate Aldrich La Muse, Nicklausse
Qiu Lin Zhang Une voix
Stefano Secco Hoffmann
Fabrice Dalis Spalanzani
Cyrille Dubois Nathanaël
Jean-Philippe Lafont Luther, Crespel
Eric Huchet Andrès, Cochenille, Pitichinaccio, Frantz
Franck Ferrari Lindorf, Coppélius, Dapertutto, Miracle
Damien Pass Hermann
Michal Partyka Schlemil

Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris

Durée 3 h 30 avec 2 entractes
Places de 5 euros à 180 euros
Jusqu’au 3 octobre 2012
Opéra National de Paris – Opéra Bastille

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