Le Festival d'Automne à Paris, c'est parti !

Le Festival d'Automne à Paris 2009C’est aujourd’hui que démarre la 38ème édition du Festival d’Automne à Paris.

Au fil de 63 propositions de haute tenue (cette exigence de qualité est une constante de la manifestation), elle sera l’occasion de faire le plein de sorties théâtre, danse, musique, cinéma, arts plastiques mais aussi poésie avec le collectif d’artistes Polyphonix les 6 et 7 novembre au CENTQUATRE, nouveau lieu d’accueil du Festival, tout comme le musée du Louvre, la FIAC ou la Maison Rouge.

Les partenaires traditionnels seront cette année encore au rendez-vous : l’Opéra national de Paris, la Cité de la Musique, les théâtres de la Ville, de la Bastille, de la Cité Internationale, de Gennevilliers… et bien d’autres encore.

L’aventure commence fort dès ce soir avec L’Opéra de quat’sous de Brecht mis en scène par Bob Wilson au théâtre de la Ville (jusqu’au 18 septembre), Ordet à partir de demain au théâtre du Rond-Point, Johannes Brahms et Wolfgang Rihm, avec la soprano Nathalie Dessay et l’orchestre philharmonique de Radio-France le 18 à la salle Pleyel…
Côté arts plastiques, on pourra aller voir les drôles de bobines de Ugo Rondinone au jardin des Tuileries, incarnant les douze mois de l’année près du grand bassin, ainsi qu’une nouvelle installation de cet artiste suisse à l’oeuvre protéiforme, intitulée How does il feel ? (Comment se sent-il ?), présentée au CENTQUATRE (le tout du 17 septembre au 15 novembre). Autre artiste singulier, Jean-Jacques Lebel expose à la Maison Rouge, non seulement ses propres créations, mais aussi des oeuvres de Füssli, Arcimboldo, Duchamp, Picasso… ou encore d’art premier.
En danse, le choix sera vaste tant en découvertes qu’en noms illustres. A noter, du 2 au 12 décembre au théâtre de la Ville, Nearly Ninety, du chorégraphe Merce Cunningham, disparu le 27 juillet dernier : une programmation qui prend soudain le tour d’un hommage.
Le Festival se déroule jusqu’au 19 décembre, et nous promet, d’ici là, un bel été indien dans la Capitale. A prévoir dès maintenant.

Pour tout savoir sur la 38ème édition du Festival d’Automne à Paris, les artistes, les dates, les lieux, etc :
Le site du Festival d’Automne

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Abraham. Michel Jonasz

Abraham, Michel Jonasz, Petit MontparnasseIl se tient debout, seul sur les planches du Petit Montparnasse, tout près des spectateurs, petit et droit, un peu trapu, jambes et bras légèrement écartés dans son costume noir.
Il commence à parler et déjà il y a comme une évidence. Pas seulement celle de voir un immense auteur-compositeur-interprète sur scène : ici, c’est l’homme que l’on découvre d’abord, un homme à la voix merveilleuse, tranquille, à peine appuyée.
On sent tout de suite la sincérité, la conviction de Michel Jonasz, qui a lui-même écrit et mis en scène la pièce.
Cela faisait trente ans qu’il n’avait pas fait de théâtre et s’il y revient c’est pour rendre hommage à la mémoire de ses grands-parents.

Il interprète Abraham, son grand-père maternel, né à la fin du XIXème siècle en Pologne, "le pays le plus triste du monde", réfugié en Hongrie à l’âge de vingt ans, où il épouse la belle Rosele, lui fait plein d’enfants, vit dans le respect de la religion et le bonheur familial, entre l’épicerie et la synagogue où il est Cantor. Jusqu’à ce qu’à la fin des années trente il soit obligé d’envoyer quatre de ses enfants en France pour les protéger, avant que lui-même, en 1944, sous les hurlements des chiens, se voit intimé l’ordre d’aller prendre une douche.
Avant de disparaître, Abraham se souvient de cette vie-là, ces années heureuses, où il chantait, dégustait les gefilte fish de sa femme, philosophait avec son meilleur ami Yankle, qui était aussi le meilleur tailleur du monde.
C’est à ce grand-père, père de sa mère Charlotte, l’une des deux seuls de la fratrie ayant échappé à la déportation, que Michel Jonasz prête sa voix aujourd’hui.

Il incarne Abraham de sa voix ouatée et puissante, accompagné de musique tzigane enregistrée pour l’occasion à Budapest, rendant ainsi hommage à ses sources d’inspiration (le spectacle, édité en CD, est le deuxième volet de la trilogie consacrée à ses influences musicales, après l’album Chanson française et avant celui qu’il dédiera au jazz). Lorsqu’il se met à chanter, souvent en yddish, son timbre reconnaissable entre tous, comme surgi des profondeurs, porte à merveille la dimension historique de la pièce. Mais Jonasz fait aussi la part belle à l’humour, dans le texte comme dans l’interprétation, en particulier dans les dialogues sur la religion entre Abraham et son ami Yankle, pétri d’interrogations sur Dieu et ses commandements.
Entre moments savoureux et moments d’émotion, l’adhésion du public est à l’image de l’affection de Michel Jonasz pour son personnage : sans réserve, du début à la fin.
Un très beau et fort spectacle.

Abraham
Ecrit, mis en scène et interprété par Michel Jonasz
Le Petit Montparnasse
31, rue de la Gaîté – Paris XIVe – Tel 01 43 22 77 74
M° Montparnasse-Bienvenüe, Edgard-Quinet
Bus 89, 91, 92, 94, 95, 96
Du mardi au samedi à 21 h, le dimanche à 17 h 30
Places : 39,80 € et 43,10 €

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La vie va où ?…

Michèle Guigon, la vie va où ?Michèle Guigon se souvient de son enfance dans l’Est de la France et de ses jeunes années, que l’on perd toujours un peu ; elle raconte la maladie, affronte l’idée de la mort et regarde la vie telle qu’elle est. Sans illusion mais avec gratitude, c’est-à-dire avec beaucoup d’amour, pour distiller, avec élégance mais conviction, une délicate philosophie de vie : « Grandir, vieillir… c’est toujours apprendre à perdre ». Mais apprendre, quel mot merveilleux…

Seule en scène, Michèle Guigon, comédienne aux multiples talents – auteur et musicienne notamment – vagabonde ainsi du temps où les « les grandes personnes sont vraiment très grandes » à l’âge où les titres et les noms propres se dérobent, chassés loin du bout de la langue par une mémoire infidèle. Le passage du temps, la traversée de la maladie, elle les évoque frontalement mais sans heurter jamais, avec pour partenaires son humour doux-amer, ses facéties de clown et sa grande sensibilité.
Près d’une heure et demie durant, on reste suspendu à ses lèvres, à son joli minois et à sa longue silhouette, attentifs à son magnifique sourire qui parfois se voile de mélancolie, à son accordéon dont elle fait surgir de poignantes mélodies. Ses chansons elles aussi sonnent justes et touchent en plein cœur, tant ce qu’elles racontent est universel, finement vu et dit simplement.

La vie va où ?…
De et par Michèle Guigon
Mise en scène et coécriture : Susy Firth
Collaboration artistique : Anne Artigau
Lumières : Marie Vincent
Théâtre Lucernaire
A 19 h, du mardi au samedi
Places 22 € (TR 15 €)

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La vie va où ?… Michèle Guigon

La vie va où, Lucernaire, Michèle GuigonBonne nouvelle : le spectacle de Michèle Guigon La vie va où ?… (lire le billet du 5 juillet), joué tout l’été à Paris et plébiscité par le public malgré ses thématiques graves, continue jusqu’au 21 novembre 2009 au théâtre du Lucernaire.

Dans ce "seule-en-scène", l’artiste aux multiples facettes, comédienne, chanteuse, accordéoniste, mais aussi clown, met tous ses talents au service de la femme qu’elle est, lucide, bienveillante, sensible.

Quand les tragédies de l’existence sont évoquées avec autant d’humour que de sincérité par Michèle Guigon, c’est toute une philosophie de la vie qui se dessine…
Un spectacle à ne pas louper.

La vie va où ?…
De et par Michèle Guigon
Mise en scène et coécriture : Susy Firth
Collaboration artistique Anne Artigau, lumières Marie Vincent
Théâtre du Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs – Paris VIème
M° Notre-Dame des Champs
Réservation sur le site du théâtre et au 01 45 44 57 34
Du mardi au samedi à 18 h 30, durée 1 h 20

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La Grande Magie à la Comédie-Française

La Grande Magie à la Comédie-Française, De Filippo
La salle Richelieu de la Comédie-Française se remplit jusqu’aux poulaillers d’un large public, traditionnels retraités, jeunes couples, familles avec enfants. La soirée ne décevra pas : la vénérable institution donne ici un spectacle agréable et d’honnête facture.

Ecrite en 1948 par le dramaturge italien Eduardo De Filippo – très connu dans son pays, moins en France – la pièce tient sur le papier en peu de phrases. Dans une station balnéaire, un homme très jaloux, Di Spelta, voit son épouse disparaître dans un sarcophage au cours d’un numéro de prestidigitation. La belle s’est dans les faits enfuie avec son amant ; Marvuglia, le magicien, persuade le mari qu’elle se trouve dans une petite boîte : cette boîte lui rendra son épouse dès qu’il l’ouvrira, si et seulement si, en le faisant, il a suffisamment confiance en elle…

Si la prestidigitation repose sur l’apparence, si ses tours se jouent de ce que nos yeux peuvent voir et ne voir point, la pièce montre que la magie, pour survivre aux lois sensorielles, est avant tout affaire de mots (c’est avec de belles phrases que Marvuglia et ses complices emberlificotent le pauvre mari trompé) et tout autant affaire de croyance. Si Di Spelta, pour retrouver sa femme, préfère se vautrer dans l’illusion, c’est que cet être sans foi ni rêve au départ trouve son compte dans les fables dont on le berce et auxquelles il finit par tenir plus qu’à la réalité…

Charmant décor d’opérette, chic des costumes des années 1940, jeux de lumière, de musique et de rideau créent le spectacle dans le spectacle, tandis que deux très grands comédiens déploient tout leur talent : Hervé Pierre interprète le magicien qui en jette, tonitruant, attachant mais roublard ; Denis Podalydès joue Di Spelta, anxieux, orgueilleux humilié, torturé et tortionnaire, très mélancolique dans le fond. Deux rôles que chacun d’eux incarne à la perfection. En revanche certains personnages secondaires – les femmes en particulier – sont soit un peu pâles, soit au contraire dans un excès superflu.

Le théâtre populaire est peut-être celui qui exige le plus talent dans la mise en scène comme chez les comédiens. Cette proposition-ci, signée de l’anglais Dan Jemmett appelle bien peu de réserves.

La Grande Magie
d’Eduardo De Filippo
Comédie Française
Salle Richelieu – place Colette, Paris Ier
Tél. : 0 825 10 16 80
Places : de 5 à 37 €
Horaires : lun., sam. et dim. à 14 heures et 20 h 30 et du mar. au vend. à 20 h 30
Durée : 1 h 50
Jusqu’au 19 juillet, puis reprise à la rentrée partir du 7 octobre 2009
Mise en scène : Dan Jemmett
Texte français : Huguette Hatem
Avec Claude Mathieu, Michel Favory, Isabelle Gardien, Cécile Brune, Alain Lenglet, Coraly Zahonero, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Loïc Corbery, Hervé Pierre
et Judith Chemla

Photo © Pacome Poirier / Wikispectacle

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Echauffements climatiques au Théâtre Fontaine

Echauffements climatiques, théâtre FontaineDans un petit immeuble parisien appartenant à une dame d’âge certain mais encore très alerte à bien des égards, Géraldine débarque avec le projet (et l’idée fixe, car son diplôme en dépend) de transformer ce nid de plomb et d’amiante en un modèle d’immeuble écologique.

La propriétaire n’est pas contre… une fois calculé que les subventions de l’Ademe pouvaient rembourser son redressement d’ISF. Mais tous les résidents n’auront pas la même motivation pour trier leurs déchets, prendre leur douche à heure fixe, ou risquer de se cogner la tête contre l’éolienne en ouvrant les volets.

Heureusement, pour soutenir les efforts de notre candidate au Master de Dévoloppement durable, Jean-Marc Bidet, prof de SVT, se montre lui aussi concerné par l’avenir de notre planète…

Echauffements climatiques est la nouvelle pièce de Sylvie Audcoeur et Olivier Yéni, les auteurs de Court sucré ou long sans sucre et de 1-2-3 Sardines. La mise en scène est assurée par Xavier Letourneur, dont le travail pour J’aime beaucoup ce que vous faites a été un tel succès qu’après 1 400 représentations, la pièce est encore à l’affiche à la Comédie Caumartin.

Au milieu d’un décor d’une simplicité géniale, les comédiens jouent à fond un registre qu’ils connaissent par cœur, celui de l’humour.
Les répliques fusent comme il se doit dans ce type de soirée, air du temps "écolo-concerné" en plus, et plaisir de la troupe tout à fait au rendez-vous.
Dans le rôle du professeur gentil mais maladroit, aimant mais repoussé, bref, du tendre qui s’endurcira, Dominique Bastien est excellent et contribue largement à l’hilarité de la salle d’un bout à l’autre du spectacle.

Echauffements climatiques
Une pièce de Sylvie Audcoeur et Olivier Yéni
Mise en scène : Xavier Letourneur
Avec : Sylvie Audcoeur, Olivier Yéni, Dominique Bastien, Sophie Le Tellier
et Martyne Visciano
Décor : Pascale-Joanne Rabaud
Théâtre Fontaine
10 rue Fontaine, 75009 Paris – Tel : 01.48.74.74.40
Du mercredi au samedi à 21 h, matinée le samedi à 18 h
Places 30 € – Opération « soyez les premiers aux premières » (50 % jusqu’au 30 mai) – 10 € pour les moins de 26 ans du mercredi au vendredi

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Somewhere… la Mancha. Théâtre des Bouffes du Nord

Somewhere... la mancha, théâtre des Bouffes du NordTrès sympathique soirée au théâtre des Bouffes du Nord où, après le succès de En attendant le Songe la saison dernière, Irina Brook revient avec sa troupe pour nous proposer cette fois une version totalement libre et déjantée du Don Quichotte.

La fille de Peter Brook a transposé le grand roman de Cervantès aux Etats-Unis, transformant l’épopée espagnole en un road movie, où une valise à roulettes fait office de monture de Don Quichotte et un caddie chargé à ras bords de mulet de son écuyer.
Au fil de cette fameuse route 66, vont se succéder des rencontres typiques du mythe américain. Voici une danseuse de flamenco qui ondule sous un air de country, un gang de motards, des mexicains hystériques, des divas de la disco en auto-stop,… notre chevalier à la triste figure et son fidèle Sancho Panza prendront plus de coups qu’ils n’en donneront.

Le spectacle regorge d’humour décalé, de musique, de danse et de chants, menés tambour battant par une troupe endiablée. Mais il est aussi une mine de références, musicales bien sûr mais aussi cinématographiques et littéraires. Le personnage de Sancho Panza en comédien raté et réaliste mais à qui le noble chevalier a su redonner espoir, est particulièrement convaincant, plein d’énergie et attachant.
Mais on regrette un peu que le héros de Cervantès, au début bien posé dans son rêve de combat contre les géants du capitalisme, s’efface trop vite du premier plan, et avec lui son idéalisme si émouvant.

Somewhere… la Mancha, d’après Don Quichotte de Cervantès
Mise en scène : Irina Brook
Assistée de : Marie-Paule Ramo
Avec : Lorie Baghdasarian, Jerry Di Giacomo, Gérald Papasian, Christian Pélissier, Augustin Ruhabura, Bartlomiej Soroczynski
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, boulevard de la Chapelle – 75010 Paris
Réservations au théâtre, sur le site Internet et par téléphone au 01 46 07 34 50
Jusqu’au 9 mai 2009
A 21 heures, les samedis à 15 h 30, relâche les dimanche et lundi
Durée : 2 heures
Places de 12 € à 26 €

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L'Ordinaire à la Comédie Française

L'Ordinaire de Michel Vinaver à la Comédie FrançaiseLa pièce entre au répertoire de la Comédie Française cette saison.
L’entrée est double pour son auteur, Michel Vinaver (né en 1927), qui en assure également la mise en scène, avec la collaboration de Gilone Brun.

Michel Vinaver a fait le choix de l’épure, où seuls les vêtements et quelques accessoires tiennent lieu de décor. La scène, avancée vers l’orchestre, amène les acteurs au plus près du public. Le dispositif n’est pas artifice mais au contraire cohérent avec l’option de l’auteur-metteur en scène : porter le texte au spectateur. Non pas le lancer, comme on le voit trop souvent. On est davantage dans l’offrande que dans la projection.
Dans ces circonstances, tout paraît reposer sur les épaules des comédiens. Ils sont tous très bons, voire même excellents – en particulier Léonie Simaga dans le rôle de Sue, Elsa Lepoivre dans celui de Pat, Sylvia Bergé dans celui de Bess ou encore Jean-Baptiste Malatre qui interprète Bob.
Mais ce serait faire fi de la direction d’acteurs, précise, réfléchie, pleine de sens. La troupe semble se l’être appropriée corps et âme.
L’on sent un plaisir, une conviction, et ceux-ci sont totalement partagés avec le public.

Le texte (dont la lecture seule vaut déjà le coup) prend sa source dans une histoire réelle qui a marqué les esprits : celle d’un avion tombé dans la neige de la cordillère des Andes et dont les rescapés ont dû, pour survivre, se résoudre au cannibalisme.
Michel Vinaver a transposé l’histoire dans le monde de l’entreprise – dont il est familier en sa qualité d’ancien PDG de la société Gillette. Le groupe de survivants compte le président de l’entreprise Housies, spécialisée dans l’implantation de logements préfabriqués, sa secrétaire, son épouse, ses vices-présidents, la fille de l’un d’eux et la maîtresse d’un autre. Autrement dit, à la fois la classe décidante et un cercle aux contours plus fluctuant qui gravite autour.
La pièce est passionnante en ce qu’elle montre ce que devient cette structure ultra établie et rigide une fois transposée en conditions extrêmes. Où l’on voit que l’obsession de ceux qui ont le pouvoir n’est autre que de le conserver tandis que la priorité de ceux qui ne l’ont pas (ou plutôt de celles qui ne l’ont pas, puisque bien sûr il s’agit des femmes) est de vivre, voire de vivre mieux, en trouvant apaisement ou épanouissement. La situation d’isolement, de danger, de manque et d’incertitude dans laquelle les protagonistes se trouvent est traitée sans détours ni pathos. L’Ordinaire a près de trente ans, mais, hormis le contexte politique – on était sous l’ère Reagan – le texte paraît bien peu daté.

L’audace de Michel Vinaver d’avoir monté la pièce avec tant de sobriété et de confiance dans la troupe est admirable. On se demande comment ça tient.
C’est que, pendant 2 h 30, sur ce proscénium pentu et dénudé, les comédiens, par la seule force de la langue, créent le froid, la faim, la soif, la neige, la carlingue de l’avion et la chaîne rocheuse. Un brin d’éclairage, une couverture et une tranche de viande font le reste. Il y a de la magie dans ce théâtre là, qui prend le texte à bras-le-corps sans craindre de jouer grand et franc, mais sans cri, presque tranquillement.

L’Ordinaire
Pièce en sept morceaux de Michel Vinaver
Mise en scène de Michel Vinaver et Gilone Brun
Avec Sylvia Bergé, Bess – Jean-Baptiste Malartre, Bob – Elsa Lepoivre, Pat –
Christian Gonon, Jack – Nicolas Lormeau, Joe – Léonie Simaga, Sue – Grégory Gadebois, Jim – Pierre Louis-Calixte, Dick – Gilles David, Ed – Priscilla Bescond, Nan – Gilles Janeyrand, Bill
Comédie Française
Salle Richelieu – Place Colette 75001 Paris
Jusqu’au 19 mai 2009
En matinée à 14 h et en soirée à 20 h 30
Places de 5 € à 37 €
Renseignements et location : TLJ de 11 h à 18 h aux guichets du théâtre, par téléphone au 0825 10 16 80 (0,15 € la minute) et sur le site internet

La pièce est publiée chez Actes Sud (Babel, janvier 2009, 255 p., 7,50 €)

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Amédée (ou Comment s'en débarrasser). Théâtre Silvia Monfort

Amédée ou comment s'en débarrasser, Roger Planchon, Sylvia MonfortVoici quinze ans qu’Amédée et Marguerite se tiennent enfermés dans cet appartement sans jamais voir personne.
Lui est écrivain mais ne parvient plus à écrire – seulement deux répliques au cours de ces quinze dernières années -, elle est standardiste, travaille dans un coin de l’appartement et fait bouillir la marmite.
Le couple ne se supporte plus, se chine à tout propos, ne cesse de se lancer des reproches.
Il faut dire qu’ils sont un poids sur les bras, ou du moins dans la chambre : un cadavre dont Amédée ne parvient à se débarrasser. Il les encombre, leur fait redouter toute visite, occupe leurs disputes mais aussi les occupe tout court.

De cette pièce sombre sur le couple, Roger Planchon a réalisé une mise en mise en scène très réussie ; sous des airs très légers, elle ne masque en rien la gravité du texte.
Au contraire, ses choix font d’autant mieux ressortir la cruauté du couple qu’ils mettent en valeur la joie des amours débutantes et l’attachement qui malgré le temps perdure.
L’appartement-prison d’Amédée et de Marguerite a certes les murs rayés et il y pousse de plus en plus de champignons – au moins autant que le cadavre s’allonge – mais il est aussi décoré gaiement, tout de blanc, de rose et de lilas frais.
Le couple se jette injures et assiettes, mais de joyeuses et douces chansons des beaux temps anciens viennent régulièrement, façon comédie musicale, imposer une trêve à ces déchirements, pour quelques instants de magie, de souvenirs et de rêve.
A ces intermèdes musicaux, Roger Planchon ajoute encore de petites séquences vidéo qui n’ont rien d’un artifice. Petits zooms sur les difficultés et les discussions d’Amédée et de Marguerite pour "s’en débarasser", elles soulignent astucieusement l’intimité du couple, ce qui se passe et se dit à l’abri des regards.
Quant à l’interprétation de ces deux très grands comédiens, Roger Planchon et Colette Dompiétrini, énergiques, drôles et convaincants, elle tient le spectateur en haleine jusqu’au bout de cette pièce grinçante, touchante et ici bordée d’humour d’une délicieuse façon.

Amédée (ou Comment s’en débarrasser). Eugène Ionesco
Mise en scène Roger Planchon
Avec Colette Dompiétrini, Roger Planchon, Patrick Séguillon
Théâtre Silvia-Monfort
Mardi, vendredi, samedi 20 h 30
Mercredi et jeudi à 19 h, dimanche à 16 h
Surtitrages pour les sourds et malentendants les 19, 22, 24, mars, 8 et 10 avril
Durée : 1 h 40
Jusqu’au 19 avril 2009
Places de 15 € à 22 €

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L'Oratorio d'Aurélia au théâtre du Rond-Point

L'oratorio d'AureliSœur de James Thierrée, Aurélia Thierrée, faut-il le préciser, est la fille de Victoria Chaplin et de Jean-Baptiste Thierrée, les créateurs du Cirque invisible.
Si Aurélia a les grands yeux de sa mère et l’incroyable fantaisie de son illustre famille, elle possède une grâce qui n’appartient qu’à elle.

Le spectacle qu’elle présente jusqu’au 14 mars au théâtre du Rond-Point tient de la danse (son partenaire, Julio Monge est tout aussi doué et magnifique), de la majestueuse acrobatie et du mime enjoué.
Elle plie et ondule son corps, bouscule les objets et les rôles pour inventer un monde où le réveil sonne pour donner le signal du coucher, où les pétales des fleurs, tiges en l’air, trempent dans l’eau du vase et où les costumes deviennent des personnages.
Avec la complicité de Victoria Chaplin, dont la miraculeuse patte se devine entre toutes, les étoffes se transforment, le rouge et le noir magnifient la scène, les rideaux font tour à tour des robes ou des flocons de neige.

L’humour, toujours prêt à titiller le spectateur, l’imagination, sans cesse invitée à s’emballer, l’intimité des objets quotidiens détournés font de cette soirée un grand moment de plaisir, de douceur et de poésie.

L’Oratorio d’Aurélia
Conception et mise en scène Aurélia Thierrée
Avec Aurélia Thierrée et Julio Monge
Jusqu’au 14 mars 2009
A 20 h 30, représentations supplémentaires les mercredis et samedis à 15 h
Durée 1 h 20
Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin D. Roosevelt – Paris 8ème

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