A la recherche du temps perdu. Le temps retrouvé. « Faire une oeuvre d'art »

Marcel Proust La RechercheEn réfléchissant sur le sentiment de félicité qui l’envahit lors de ses réminiscences, lesquelles le font revivre les sensations heureuses de son voyage à Venise ou encore de son enfance à Combray, le narrateur réalise que ce n’est que dans ces moments « extra-temporels » qu’il touche l’essence des choses.

Mais si ces instants fugaces sont le moyen de saisir l’essence des choses, ce n’est pas en elles-mêmes qu’il faut les chercher, puisque, le narrateur l’a tant de fois éprouvé, elles sont toujours décevantes :

Des impressions telles que celles que je cherchais à fixer ne pouvaient que s’évanouir au contact d’une jouissance directe qui a été impuissante à les faire naître. La seule manière de les goûter davantage, c’était de tâcher de les connaître plus complètement, là où elles se trouvaient, c’est-à-dire en moi-même (…). Je n’avais pu connaître le plaisir à Balbec, pas plus que celui de vivre avec Albertine, lequel ne m’avait été perceptible qu’après coup. (…) Je sentais bien que la déception du voyage, la déception de l’amour n’étaient pas des déceptions différentes, mais l’aspect varié que prend, selon le fait auquel il s’applique, l’impuissance que nous avons à nous réaliser dans la jouissance matérielle, dans l’action effective.

C’est alors qu’il comprend que, qu’il s’agisse de décrire les clochers de Martinville près de Combray – ainsi qu’il avait tenté de le faire lorsqu’il était enfant –, ou d’évoquer des réminiscences, il s’agit toujours de faire un travail de recherche en soi-même, de mise en lumière d’une « vérité » : il s’agit de faire acte de création.

En somme (…), il fallait tâcher d’interpréter les sensations comme les signes d’autant de lois et d’idées, en essayant de penser, c’est-à-dire de faire sortir de la pénombre ce que j’avais senti, de le convertir en un équivalent spirituel. Or, ce moyen qui me paraissait le seul, était-ce autre chose que faire une oeuvre d’art ?

Très bon week-end et très bonne lecture à tous.

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La Fugitive. La mort d'Albertine

Marcel Proust La RechercheAlbertine est partie et ne reviendra pas.

Elle s’est tuée au cours d’une promenade à cheval, ainsi que Mme Bontemps l’a annoncé dans une lettre.

La nouvelle de la mort d’Albertine, aussi brutale qu’inattendue laisse le narrateur complètement « sonné », dans un de ces états où l’on ne parvient ni à bouger, ni à rester vraiment immobile :

L’élan de ces souvenirs si tendres, venant se briser contre l’idée qu’elle était morte, m’oppressait par l’entrechoc de flux si contrariés que je ne pouvais rester immobile ; je me levais, mais tout d’un coup, je m’arrêtais, terrassé.

A partir de ce jour, même l’aurore est différente ; elle n’est plus désormais que lumière froide et blafarde venant rappeler avec cruauté la chaleur de l’aube au temps d’Albertine :

Le même petit jour que je voyais au moment où je venais de quitter Albertine encore radieux et chaud de ses baisers, venait tirer au-dessus des rideaux sa lame maintenant sinistre dont la blancheur froide, implacable et compacte me donnait comme un coup de couteau.

Le profond chagrin dans lequel le narrateur s’enfonce lui fait renoncer à ses désirs les plus anciens et pourtant demeurés les plus vifs :

Cette Venise où j’avais cru que sa présence me serait importune (sans doute parce que je pensais confusément qu’elle m’y serait nécessaire), maintenant qu’Albertine n’était plus, j’aimais mieux ne pas y aller.

Bel été et belles lectures à tous.

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La fugitive. Le deuil d'Albertine

Marcel Proust La RechercheLe narrateur est terrassé de chagrin par la mort d’Albertine.

Mais petit à petit et inexorablement l’oubli fait son oeuvre :

« On n’est que par ce qu’on possède, on ne possède que ce qui nous est réellement présent, et tant de nos souvenirs (…) partent faire des voyages loin de nous-même, où nous les perdons de vue ! »

Les souvenirs s’en vont-ils pour autant définitivement ?

Ils ont des chemins secrets pour rentrer en nous. Et certains soirs, m’étant endormi sans presque plus regretter Albertine – on ne peut regretter que ce qu’on se rappelle – au réveil je trouvais tout une flotte de souvenirs qui étaient venus croiser en moi dans ma plus claire conscience, que je distinguais à merveille.

Au fur et à mesure que le souvenir d’Albertine s’éloigne, il se met à la voir autrement.

Il s’aperçoit alors seulement à quel point il l’aimait car « Une impression de l’amour est hors de proportion avec les autres impressions de la vie, mais ce n’est pas perdu au milieu d’elle qu’on peut s’en rendre compte ».

C’est avec beaucoup de tendresse et de respect qu’il pense alors à Albertine et à la dernière soirée qu’ils ont passé ensemble avant sa fuite :

Je tâchais d’embrasser l’image d’Albertine à travers mes larmes en pensant à toutes les choses sérieuses et justes qu’elle avait dites ce soir-là.

Dévoré par le remords, il refait le scénario, s’invente des « si » et leur suite plus favorable :

Or cette Albertine si nécessaire, de l’amour de qui mon âme était maintenant presque uniquement composée, si Swann ne m’avait pas parlé de Balbec je ne l’aurais jamais connue.

Réflexions qui immanquablement mènent à une culpabilité qui en rappelle une autre :

Et ainsi il me semblait que par ma tendresse uniquement égoïste j’avais laissé mourir Albertine comme j’avais assassiné ma grand’mère.

Très bel été, très belles lectures à tous.

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La Fugitive. L'oubli d'Albertine à Venise

Marcel Proust La RechercheLe narrateur finit par faire avec sa mère le voyage à Venise dont il rêvait si fort et depuis si longtemps, auquel il avait même un temps renoncé après la mort d’Albertine.

Mais progressivement, il oublie Albertine et peut à nouveau aimer.

C’est ainsi qu’il profite des ses après-midi pour explorer une Venise « intime » :

J’y trouvais plus facilement en effet de ces femmes d’un genre populaire, les allumettières, les enfileuses de perles, les travailleuses du verre (…) que rien ne m’empêchait d’aimer, parce que j’avais en grande partie oublié Albertine, et qui me semblaient plus désirables que d’autres, parce que je me la rappelais encore un peu.

Mais ce ne sont que les derniers soubresauts, l’agonie d’un amour bientôt mort :

De sorte que cet amour, après s’être tellement écarté de ce que j’avais prévu d’après mon amour pour Gilberte, après m’avoir fait faire un détour si long et si douloureux, finissait lui aussi, après y avoir fait exception, par rentrer, tout comme mon amour pour Gilberte, dans la loi générale de l’oubli.

Pourtant un tableau de Carpaccio dans une salle de l’Académie de Venise, Le Patriarche di Grando exorcisant un possédé faillit faire échouer cet oubli définitif, parce qu’il y a reconnu, sur le dos de l’un des personnages, un manteau lui rappelant un de ceux qu’il avait offerts à Albertine :

J’avais tout reconnu, et, le manteau oublié m’ayant rendu pour le regarder les yeux et le coeur de celui qui allait ce soir-là partir à Versailles avec Albertine, je fus envahi pendant quelques instants par un sentiment trouble et bientôt dissipé de désir et de mélancolie.

Belles lectures et bel été à tous.

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La fugitive. Les amis se marient

Marcel Proust La RechercheA la fin de La Fugitive, alors que son amour pour Albertine est éteint et qu’aucun autre n’est venu le remplacer, le narrateur apprend le mariage de deux de ses connaissances, son ami Robert de Saint-Loup et le fils Cambremer.

Il en éprouve une profonde peine, liée à un certain deuil à accomplir :

De ces deux mariages, je ne pensais rien, mais j’éprouvais une immense tristesse, comme quand deux parties de votre existence passée, amarrées auprès de vous, et sur lesquelles on fonde peut-être paresseusement au jour le jour, quelques espoir inavoué, s’éloignent définitivement, avec un claquement joyeux de flammes, pour des destinations étrangères, comme deux vaisseaux.

Le mariages de ces jeunes hommes alimentent abondamment les conversations dans les thés et les dîners, en particulier dans le milieu bourgeois du narrateur.

Ainsi se déroulait dans notre salle à manger, sous la lumière de la lampe dont elles sont amies, une de ces causeries où la sagesse non des nations mais des familles, s’emparant de quelque événement (…) et le glissant sous le verre grossissant de la mémoire, lui donne tout son relief, dissocie, recule et situe en perspective (…) les noms des décédés, les adresses successives, les origines de la fortune et ses changements, les mutations de propriété.

C’est que les familles auxquels les intéressés appartiennent sont anciennes, et appartiennent en quelque sorte à l’histoire :

Cette sagesse-là n’est-elle pas inspirée par la Muse qu’il convient de méconnaître le plus longtemps possible si on veut garder quelque fraîcheur d’impressions et quelque vertu créatrice (…), la Muse qui a recueilli tout ce que les Muses les plus hautes de la philosophie et de l’art ont rejeté, tout ce qui n’est pas fondé en vérité, tout ce qui n’est que contingent mais révèle aussi d’autres lois : c’est l’Histoire !

Belles lectures et bel été à tous.

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Le temps retrouvé. Les regrets et l'oubli

Marcel Proust La RechercheAu début du Temps retrouvé, le dernier tome de A la recherche du temps perdu, le narrateur retourne à Combray.

Les années ont passé.

Gilberte, son premier amour, est désormais mariée à son ami Robert de Saint-Loup.
Mais celui-ci la délaisse et la confie plutôt aux soins du narrateur.

Se promenant et bavardant avec elle sur les terres de son enfance, il se rend compte qu’il n’a pas su connaître et comprendre les femmes qu’il a aimées :

Et tout d’un coup, je me dis que la vraie Gilberte, la vraie Albertine, c’étaient peut-être celles qui s’étaient au premier instant livrées dans leur regard, l’une devant la haie d’épines roses, l’autre sur la plage.

Viennent alors les regrets :

Et c’était moi, qui, n’ayant pas su le comprendre, ne l’ayant repris que plus tard dans ma mémoire, après un intervalle où par mes conversations tout un entre-deux de sentiment leur avait fait craindre d’être aussi franches que dans la première minute, avait tout gâté par ma maladresse. Je les avais « ratées »…

Mais son amour pour Gilberte est définitivement enterré car plus fort encore est l’oubli, qui ensevelit tout, y compris la peine :

Car il y a dans ce monde où tout s’use, où tout périt, une chose qui tombe en ruine, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté : c’est le Chagrin.

Bonnes lectures et bon week-end à tous.

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La fugitive. Mademoiselle Albertine est partie !

Marcel Proust La Recherche« Mademoiselle Albertine est partie ! ».
C’est sur ces mots de Françoise, la servante du narrateur, que s’ouvre La fugitive, l’avant-dernier tome de A la recherche du temps perdu.

Or, le narrateur, s’il avait envisagé bien des fois de rompre lui-même, sans jamais mettre son projet à exécution, n’aurait jamais imaginé qu’Albertine eût pu le quitter.

Le choc est des plus vifs, car « Pour se représenter une situation inconnue, l’imagination emprunte des éléments connus et, à cause de cela, ne se la représente pas. »

La douleur, immense rappelle les angoisses les plus profondes et les plus anciennes :

Que le désir de Venise était loin de moi maintenant ! Comme autrefois à Combray, celui de connaître Mme de Guermantes, quand venait l’heure où je ne tenais plus qu’à une seule chose, avoir maman dans ma chambre. Et c’était bien en effet toutes les inquiétudes éprouvées depuis mon enfance qui, à l’appel de l’angoisse nouvelle, avaient accouru la renforcer, s’amalgamer à elle en une masse homogène qui m’étouffait.

Résolu à faire revenir Albertine au plus vite, le narrateur décide de lui écrire une lettre feignant l’indifférence, à savoir une lettre d’adieux, tout en envoyant en parallèle en Tourraine son ami Robert de Saint-Loup faire pression sur Mme Bontemps, afin qu’elle lui renvoie son amie au plus vite.

Cette stratégie échouera. Il aurait pu, pourtant, prévoir son insuccès puisque des lettres semblablement hypocrites écrites en son temps à Gilberte n’avaient fait qu’achever le dénouement de leur lien :

Et cette expérience aurait dû m’empêcher d’écrire à Albertine des lettres du même caractère que celles que j’avais écrites à Gilberte. Mais ce qu’on appelle expérience n’est que la révélation à nos propres yeux d’un trait de notre caractère, qui naturellement reparaît (…) le mouvement spontané qui nous avait guidé la première fois se trouve renforcé par toutes les suggestions du souvenir.

Constatant la répétition de ses échecs, le narrateur a alors cette réflexion magnifique :

Le plagiat humain auquel il est le plus difficile d’échapper (…), c’est le plagiat de soi-même.

Belles lectures et beau bronzage à tous…

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La fugitive. Mademoiselle Albertine ne revient pas

Marcel Proust La RechercheAlbertine est donc repartie chez elle en Tourraine, laissant le narrateur en proie aux pires douleurs.

Malgré la répétition, dans sa stratégie pour la faire revenir, d’erreurs du passé, et malgré les jours qui passent sans qu’il reçoive de son ami Saint-Loup la bonne nouvelle attendue, il ne peut s’empêcher de croire au succès de son entreprise.

Son espoir semble alors indestructible ; il lui est surtout indispensable :
« C’est toujours une invisible croyance qui soutient l’édifice de notre monde sensitif, et privé de quoi il chancelle. »

Mais, décidément, Albertine ne revient pas. Il sait qu’il faudrait qu’il l’oublie ; n’y parvient pas.

Si le bonheur, ou du mois l’absence de souffrances, peut être trouvé, ce n’est pas la satisfaction, mais la réduction progressive, l’extinction finale du désir, qu’il faut chercher. On cherche à voir ce qu’on aime, on devrait chercher à ne pas le voir, l’oubli seul finit par amener l’extinction du désir.

Ces réflexions l’amènent à réaliser la solitude de chaque être, malgré les illusions dont il se berce :

Les liens entre un être et nous n’existent que dans notre pensée. La mémoire en s’affaiblissant les relâche, et, malgré l’illusion dont nous voudrions être dupes et dont, par amour, par amitié, par politesse, par respect humain, par devoir, nous dupons les autres, nous existons seuls. L’homme est l’être qui ne peut sortir de soi, qui ne connaît les autres qu’en soi, et, disant le contraire, ment.

Mais cette idée est bien entendu insupportable, comme l’est celle de l’oubli :

Et j’aurais eu si peur, si on avait été capable de le faire, qu’on m’ôtât ce besoin d’elle, cet amour d’elle, que je me persuadais qu’il était précieux pour ma vie. Pouvoir entendre prononcer sans charme et sans souffrance les noms des stations par où le train passait pour aller en Tourraine m’eût semblé une diminution de moi-même (simplement au fond parce que cela eût prouvé qu’Albertine me devenait indifférente).

Bel été et belles lectures à tous.

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Albertine. La belle prisonnière

Marcel Proust La RechercheDans La prisonnière, le narrateur, épris d’Albertine, la tient chez lui en liberté très surveillée.

Sa jalousie maladive nourrit son amour. Il voudrait en finir, mais ne peut s’en passer.

Il souffre sans cesse, mais continue de l’aimer, devenant à son tour prisonnier.

Et ces décorations fugitives étaient d’ailleurs les seules de ma chambre, car si au moment où j’avais hérité de ma tante Léonie, je m’étais promis d’avoir des collections comme Swann, d’acheter des tableaux, des statues, tout mon argent passait à avoir des chevaux, une automobile, des toilettes pour Albertine. Mais ma chambre ne contenait-elle pas une oeuvre d’art plus précieuse que toutes celles-là ? C’était Albertine elle-même.

Celle qu’il admire, c’est celle qu’il a cru longtemps impossible à atteindre, et qui est désormais installée chez lui :

Je la regardais. C’était étrange pour moi de penser que c’était elle, elle que j’avais crue si longtemps impossible même à connaître, qui aujourd’hui, bête sauvage domestiquée, rosier à qui j’avais fourni le tuteur (…) était ainsi assise, chaque jour, chez elle, près de moi, devant le pianola, adossée à ma bibliothèque.

Il finit, dans certains moments d’extase, par la voir telle la statue d’une église, mais sans jamais oublier les promesses de plaisirs de ce corps qui lui plaît tant :

Le pianola qui la cachait à demi comme un buffet d’orgue, la bibliothèque, tout ce coin de la chambre semblait réduit à n’être plus que le sanctuaire éclairé, la crèche de cet ange musicien, oeuvre d’art qui, tout à l’heure, par une douce magie, allait se détacher de sa niche et offrir à mes baisers sa substance précieuse et rose.

Bon week-end à tous…

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La prisonnière. Albertine : le baiser du soir

Marcel Proust La RechercheDans La prisonnière, le bonheur qu’apporte au narrateur sa vie avec Albertine n’est que l’apaisement momentané de souffrances chroniques, de doutes et de jalousies.

Les questions que temps à autre il ne peut s’empêcher de poser sur l’emploi du temps réel de sa compagne conduisent à des disputes.

Mais aller se coucher sans avoir fait la paix avec son amie est pour le narrateur une véritable torture. Il se débrouille alors pour obtenir d’elle un baiser, qui pourtant ne suffit pas à le consoler :

Ce n’était plus l’apaisement du baiser de ma mère à Combray que j’éprouvais auprès d’Albertine, ces soirs-là, mais, au contraire, l’angoisse de ceux où ma mère me disait à peine bonsoir, ou même ne montait pas dans ma chambre, soit qu’elle fût fâchée contre moi ou retenue par ses invités.

Les souffrances que ces soirées de fâcherie lui évoquent sont non seulement anciennes mais encore s’accentuent avec le temps :

Cette angoisse elle-même, qui un temps s’était spécialisée dans l’amour … semblait … redevenue indivise, de même que dans mon enfance, comme si tous mes sentiments, qui tremblaient de ne pouvoir garder Albertine auprès de mon lit à la fois comme une maîtresse, comme une soeur, comme une fille, comme une mère aussi du bonsoir quotidien de laquelle je recommençais à éprouver le puéril besoin, avaient commencé de se rassembler, de s’unifier dans le soir prématuré de la vie, qui semblait devoir être aussi brève qu’un jour d’hiver.

Alors il ferait n’importe quoi pour obtenir d’Albertine un autre baiser :

Mais, ce soir, son baiser, d’où elle-même était absente, et qui ne me rencontrait pas, me laissait si anxieux que … je voulais m’élancer sur les pas d’Albertine, je sentais qu’il n’y aurait plus de paix pour moi avant que je l’eusse revue …

Il se rend dans le couloir espérant qu’elle sortirait de sa chambre et l’appellerait, mais en vain ; il cherche, dans sa propre chambre, un mouchoir que sa compagne aurait pu oublier et qui aurait pu lui manquer, afin de trouver un prétexte pour la visiter, mais …

Non, rien. Je revenais me poster devant sa porte, mais dans la fente de celle-ci il n’y avait plus de lumière. Albertine avait éteint, elle était couchée, je restais là immobile, espérant je ne sais quelle chance qui ne venait pas ; et longtemps après, glacé, je revenais me mettre sous mes couvertures et pleurais tout le reste de la nuit.

Très bonnes lectures et très bon week-en à tous.

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