Gros coup de cœur pour cette exposition rudement bien pensée. Merci au Musée d’Orsay de mettre à l’honneur cet artiste prolifique et protéiforme qui est peu exposé et assez mal connu en France, sauf pour ses illustrations des classiques de la littérature (et encore sans doute pas par toutes les générations). Gustave Doré (1832-1883) fut un caricaturiste, illustrateur, graveur, aquarelliste peintre et sculpteur qui, s’il ne révolutionna pas la peinture comme Edouard Manet son contemporain, fut aussi un moderne à sa façon.
En fait, il semble avoir appartenu à trois époques différentes : celle qui finissait quand lui commençait, l’époque Romantique, celle bien de son XIXème siècle, avec des dessins satiriques dans la veine de Daumier et des illustrations de la littérature classique (Dante, Rabelais, La Fontaine, Cervantès, Perrault, Milton, Shakespeare), de la Bible, mais aussi des écrivains de son temps (Balzac, Poe, Hugo…), et enfin l’époque des générations à venir, avec des dessins qui évoquent ce que seront plus tard la bande dessiné et le cinéma.
L’exposition est un bonheur car elle montre toutes les facettes de l’art de Gustave Doré, y compris celles que l’on connaît moins : notamment ses étonnantes sculptures mais aussi ses grandes peintures d’histoire qui valent le détour, comme le monumental Christ quittant le prétoire dans sa version de Nantes.
Surtout, c’est la variété et l’intérêt des sujets illustrés qui rendent le parcours captivant : l’on passe de l’actualité du XIXème vue de Paris avec un regard sans concession (du grand Salon de peinture au communisme) à un reportage à Londres des plus saisissants (de la misère des bas-fonds aux milieux les plus huppés), de l’illustration de Gargantua (un délice) à celle de la Bible (poignante). Mais ce n’est pas tout : fervent patriote, Doré a aussi peint la terrible guerre de 1870 contre la Prusse et la Commune de Paris, en puisant dans le répertoire allégorique et en renouant avec la noirceur de certaines de ses illustrations fantastiques ; alpiniste passionné, il a commis d’exquises aquarelles et des toiles de paysages montagneux lesquelles, des Pyrénées à l’Ecosse, témoignent d’un sens du sublime digne des peintres germaniques.
Dessinateur virtuose et précoce (il a débuté sa carrière dans l’illustration de presse à 15 ans), Gustave Doré a traité tous ces sujets avec un égal talent même si, faiblesse pour les livres illustrés et joie devant sa puissance imaginative et son sens du romanesque aidant, ce sont ses illustrations si soignées qui donnent le plus envie de prolonger le plaisir de l’exposition.
Une exposition réalisée par le musée d’Orsay et le musée des beaux-arts du Canada, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France.
Elle sera présentée au musée des beaux-arts du Canada (Ottawa) du 12 juin au 14 septembre 2014.
A découvrir de partout : l’exposition virtuelle sur le site de la BNF
Gustave Doré (1832-1883). L’imaginaire au pouvoir
Jusqu’au 11 mai 2014
Retrouvez tous les renseignements pratiques sur le site du Musée d’Orsay